Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.1.djvu/441

Cette page n’a pas encore été corrigée

86 ;

SAINTETÉ DANS LES AUTRES CONFESSIONS

868

langes à l’erreur, dans les confessions chrétiennes non catholiques. Les protestants ont conservé l'Écriture

sainte, les principaux mystères concernant les rapports de Dieu et des hommes et la vocation surnaturelle de ceux-ci, le sacrement de baptême avec l’obligation de la foi en Jésus-Christ et en son œuvre rédemptrice. Les Orientaux dissidents son I encore plus favorisés : pourvus d’une hiérarchie valide, de sacrements et de dévotions qui manquent aux protestants, ils se trouvent dans une condition spirituelle meilleure. Tour que la vie de la grâce — que nous supposons aussi répandue qu’on voudra chez les chrétiens non catholiques — puisse être apportée comme un argument contre la note de sainteté dans l'Église romaine, il faudrait démontrer que cette vie de la grâce existe chez eux précisément en fonction de leur séparation d’avec Rome, en connexion avec leur hérésie ou leur schisme. Or, cette démonstration est impossible. Bien plus, les faits les plus caractéristiques indiquent au contraire que la vie spirituelle des chrétiens séparés est en fonction de tout ce qui les rapproche de nous : « Au vrai, lorsqu’une àme anglicane, calviniste ou luthérienne aspire après une vitalité religieuse plus forte, plus profonde, inconsciemment, elle se tourne sers Rome, ses pratiques et ses dogmes ; elle s’ouvre à la lumière catholique, comme à l’aube les roses aux rayons du soleil. Voyez. Les églises ritualistes se multiplient. L’usage de la confession et de la communion se répand parmi elles. Le célibat est en faveur dans une partie toujours grandissante des clergymen. On essaie même d’introduire la vie contemplative. Et tout cela porte son fruit. N’est-ce pas l’ascétisme qui conduisit u la conversion collective les moines de Caldey et le ? moniales de Sainte-Bride ? A Brighton et à Taunton, deux paroisses eucharistiques, un grand nombre de fidèles suivirent leur curé jusque sur les chemins du catholicisme. De 1899 à 1911, le ritualisme mena a l’abjuration quatre cent quarante-six prédicants, deux cent-cinq officiers de marine, cent vingt-neuf juristes, soixante médecins et soixante-six membres de l’aristocratie. Depuis qu’elle a perdu la guerre, l’Allemagne aussi commence d'éprouver cette salutaire attirance ; et auparavant elle nous montrait avec fierté un Stolberg, un Schlegel, un Overbeck, un von Haller, un Hurter, un von Schalaler, un von Ruville ; comme l’Angleterre un Newman, un Faber, un Manning, un Wilberforce ; l’Amérique un D r Kingsman, ancien évêque du Delaware ; la Suisse un de La Rive et les États Scandinaves un Krogh-Tonning et un Joergensen. » P. Buysse, op. cit., p. 170-171. Voir aussi, dans Apologétique, le paragraphe déjà signalé : La nostalgie catholique dans le protestantisme d’aujourd’hui, p. 73.').

2. Quant à la sainteté supérieure et héroïque, qui constituent des cas d’espèces du miracle, d’ordre moral, pour lequel est requise l’intervention de Dieu, il faut retenir k principe général que nous avons brièvement exposé à l’art. Miracll :, t. x, col. 1856 : « Il n’y aura jamais à craindre qu’un miracle, même accompli exceptionnellement dans le schisme ou l’hérésie, puisse être interprété en faveur des seules vérités communes à la confession séparée et à. l’frglise catholique et, à plus forte raison, en faveur de l’hérésie ou du schisme. » Cf. A. de I’oulpiquet, Le miracle et ses suppléances, p. 336.

Le P. de Grandmaison, dans l’article cité plus haut, a étudié le cas général des miracles accomplis dans l’hérésie ou le schisme ou même l’infidélité. Il s’appuie notamment sur l’autorité de saint Augustin et de saint Thomas, l’un et l’autre [(tenant le fait d’une vestale accusée faussement d’avoir violé son vœu de virginité et, en signe de son innocence, portant de l’eau du Tibre dans un crible. S. Augustin, De diversis quæst. LXXXII1, q. i.xxix. n. I. /'. /… t. xi., col. 92 ; S. Thomas, De patentai, q, vi, a. ô, ad ">""'. Saint Thomas admet qu’on peut faite Intervenir ici l’action des bons anges. Le miracle serait, en ce cas. l'œuvre du vrai Dieu, recommandant, par ce prodige, la vertu de chasteté, parce que, s’il y eut, chez les païens, quelques

biens d’ordre moral, ces biens étaient de Dieu. Il y a dans ce commentaire un principe général qu’on peut, semble-t-il, étendre a plus forte raison aux chrétiens non catholiques. Chez ceux-ci, en effet, ce n’est pas de biens hypothétiques et relativement précaires qu’il faut parler, mais île biens considérables et certainement divins. « Ces biens, dit le I'. de Grandmaison, restes d’un héritage volontairement dilapidé jadis par d’indignes enfants, mais conservés par miséricorde à des descendants n’ayant nullement participé a la désertion de leurs ancêtres. Dieu peut les recommander, les faire valoir, les désigner comme siens, par des prodiges authentiques. Ce n’est pas là couvrir de la garantie divine tout le système doctrinal, lacunaire et en partieerroné, dans lequel ces vérités partielles se trouvent enchâssées.

Il suffit pour cela que le miracle ne soit pas appelé en témoignage d’une erreur ou d’une lacune, mais d’une vérité positive, comme la divinité du Christ, ou sa présence réelle au Saint-Sacrcmeat : le témoignage miraculeux est toujours véritable, en effet, mais confirme exclusivement le point a l’appui duquel il est apporté. Miracula semper sunt vera testimonia cjtis ail quod inducuntw. » (S. Thomas, II'-II", q. c.Lxxvtii, a. 2, ad 3 v, m.)

Sans doute, d’un miracle de ce genre, il rejaillira toujours quelque chose sur la confession religieuse séparée dans laquelle il se produit. Mais « ce surcroît d’autorité est tout accidentel, puisque le sceau divin couvre seulement des vérités ; il ne saurait donc être une pierre d’achoppement pour les fidèles de cette confession qui seraient en route vers l'Église catholique ». Mais il faut, semble-t-il, concéder que la Providence puisse permettre, en vue de grands biens spirituels, un avantage accidentel conféré par le miracle à la confession séparée, auprès de ses autres fidèles. Ainsi, par exemple, en Russie, des masses chrétiennes dont l’accès au catholicisme est pour longtemps encore impossible, sont confirmées dans les biens spirituels, incomplets, mais réels, qu’elles possèdent encore et qui, pour elles, sont le seul moyen de parvenir au salut. Qui dira que des signes divins contribuant accidentellement à maintenir dans la seule confession chrétienne connue d’elle une population menacée de s'écrouler dans l’athéisme bolchevique, soient interdits à la Providence ?

Ce principe général une fois posé, le cas des grâces mystiques, des vertus et de la sainteté héroïques devient un simple cas d’espèce, auquel l’application du principe général se fait facilement. Les seules limitations imposées aux dons divins sont celles que suggèrent deux principes théologiques très assurés : « Le premier revendique pour l'Église catholique, à l’exclusion de toute autre, la plénitude des dons divins promis par Dieu aux fidèles de la Nouvelle Alliance et par le Lhrist à ses disciples. Sur cette terre sacrée tombe, et sur elle seule ordinairement, l’effusion des grâces qui rendent agréables à Dieu. L'Épouse véritable a, seule, la disposition de tous les biens de son Époux. Il suit de ce ? thèses, que les dons de la libéralité divine, hors de l'Église, garderont toujours si nombreux qu’ils puissent être absolument — Un caractère d’exception, de piivilège, de condescendance extraordinaire : nom et catelli edunt de micis unie cadunt de mensa dominorum suorum (Mat th., xv, 27). » Le second princi|>c exige que la splendeui de ces dons se manifeste dans des conditions qui n’autorisent pas les part ies erronées de la croyance des amis de Dieu ainsi gratifies, ou qui tendent d’elles-mêmes à fermer, devant eux OU devant d’autres, la route de la vérité intégrale. Si l’abondance des charismes, ou Phéroïcité manifeste des vertus chrétiennes, s'élève au degré qui constitue un miracle d’ordre moral, on appliquera ce que nous axons dit plus haut des miracles d’ordre physique. »

D’ailleurs, la Providence veille, semble-t-il. a ce que ces cas exceptionnels de sainteté supérieure et héroïque se manifestent toujours en des personnages attirés vsrs l'Église romaine. Sundar Singh déclinait positivement