Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.1.djvu/440

Cette page n’a pas encore été corrigée
865
866
SAINTETÉ DANS LES AUTRES CONFESSIONS


549. Voir E. Golubinskij, Istoria kanonizatsii svjatykh v russkom Cerkvi (Historia canonizationis in Ecclesia gneco-russica), Moscou, 1902, p. 40-169 ; P. Peters, La canonisation des saints dans l'Église russe, dans les Analecla bollandiana, t. xxxiii, 1914, p. 380-430, et ici Canonisation dans l'Église russe, t. ii, col. 16651672. Sur le nombre relativement restreint des saints authentiques des Églises orientales, voir M. Jugie, op. cit., p. 550-555 et, du même auteur, Slaves dissidents (Églises), dans le Dict. apol. de la foi catholique, t. iv, col. 1381-1384.

Quant à la sainteté supérieure, qui se manifeste surtout dans la pratique des conseils évangéliques et dans les œuvres d’apostolat, aucun doute que les Églises orientales séparées se présentent en un état d’infériorité par comparaison avec l'Église romaine. Si l’on compare le clergé catholique romain avec le clergé orthodoxe gréco-russe, on ne peut nier que le célibat imposé au premier l’oblige à une manière de vivre beaucoup plus rigoureuse et plus mortifiée. De là résulte, dans le clergé latin, une préparation plus parfaite, une aptitude plus marquée pour remplir tous les devoirs inhérents au sacerdoce, un zèle plus accentué pour procurer le salut des âmes, et surtout une influence plus considérable sur le peuple fidèle. En ce qui concerne la vie religieuse proprement dite, si les moines sont relativement nombreux (ou plutôt : étaient) en Russie et en Grèce (les monastères du mont Athos), la qualité ne répond pas à la quantité. De graves abus, surtout au point de vue de la pauvreté, ont été relevés dans les monastères russes. Cf. A. Palmieri, La Chiesa russa, p. 115. Voir le projet de réforme des monastères par Nikon, évêque de Vologda, dans les Échos d’Orient, t. xiii, 1910, p. 239 sq.

Pour ce qui est du clergé séculier, sans vouloir en dire trop de mal, il est certain que, dans l’ensemble, il ne saurait être comparé, ni pour ce qui est de la culture, ni pour ce qui est de la vie religieuse, au clergé occidental, tel que l’ont façonné, en ces tout derniers temps, les réformes ecclésiastiques. Il se rapprocherait plutôt de ce qu'était le clergé latin aux époques moins brillantes de notre Église. Les mêmes observations s’appliqueraient à la vie religieuse des fidèles. Sur toutes ces questions de fait, voir M. Jugie, art. cité.

III. La sainteté en dehors de l'Église. — A plusieurs reprises, nous avons fait allusion non seulement à la possibilité, mais à l’existence d’une sainteté supérieure et même héroïque en dehors de l'Église catholique. Il s’agit maintenant d’expliquer cette sainteté, nonobstant la dissidence des confessions chrétiennes séparées, et de montrer pourquoi une telle sainteté n’infirme pas l’argument qu’on vient de développer touchant la sainteté, preuve de la légitimité de l'Église romaine.

1° Le fait de cas de sainteté supérieure et héroïque en dehors de l'Église romaine. — C’est évidemment dans l'Église orthodoxe que les cas se sont produits le plus fréquemment. Toutefois, comme on l’a dit plus haut, le nombre en est encore relativement restreint. En voir la liste ici, t. ii, col. 1659-1661. Chez les protestants, on cite le cas d’une Adèle Kamm, qui s’apparente aux saintes expiatrices que magnifia Huysmans : sa vie fut une longue douleur traversée par un constant sourire. On pourrait vraisemblablement citer d’autres cas. Il semble même que la sainteté supérieure et héroïque puisse fleurir hors des communautés chrétiennes. On trouve chez les musulmans, à une époque relativement ancienne, une analyse des états de l'âme livrée à la vie contemplative, qui ressemble beaucoup à ce qu’on lit chez les mystiques chrétiens espagnols du xvie siècle. Voir Baron Carra de Vaux, art. Islamisme, dans le Dict. apol. de la foi cath., t. ii, col. 1145. Ces mystiques de l’Islam ont été considérés

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

comme des saints, et vénérés comme tels par les populations, contrairement à l’esprit du Coran qui réprouve le culte des saints. Dans les Recherches de science religieuse, 1922, p. 1-29, le P. de Grandmaison a signalé, dans l’Inde, le cas très particulier de Sundar Singh, parvenu avec le secours de la seule prédication protestante, à un haut degré de vie mystique et contemplative. Il y ajoute celui de Séraphin de Serov, moine russe, modèle de haute perfection dans l'Église orthodoxe.

Ces cas, quelle que puisse être l’appréciation exacte à porter sur le degré de sainteté qu’ils comportent, ne sont pas à. nier. Si l’axiome : « Hors de l'Église, pas de salut », ne nous autorise pas à nier la possibilité du salut à ceux qui paraissent vivre hors de l'Église, ainsi en est-il du jugement à porter sur la sainteté qui, à ses degrés divers, est la condition essentielle du salut. Si l’homme peut, même sans le sacrement de baptême, assurer son salut éternel en appartenant simplement à l'âme et, par le désir au moins implicite, au corps de l'Église, ainsi pourra-t-il, surtout s’il est baptisé et s’il a le secours des sacrements validement reçus, vivre de la vie de la grâce et même en vivre abondamment.

2° Explication du fait de la sainteté en dehors de l'Église catholique. — L’explication générale est celle que nous avons fait pressentir. Bien que les apparences soient contraires, il faut dire, en se plaçant au point de vue strictement théologique, que cette sainteté, commune, supérieure ou héroïque, n’est pas en dehors de la vraie Église. Elle relève formellement des principes mêmes de sainteté qui sont la propriété de l'Église romaine. Cette sainteté est donc, formellement, une sainteté catholique et romaine, tout comme ceux qui vivent de la vie de la grâce en dehors du corps visible de l'Église, appartiennent cependant in volo à ce corps. C’est en ce sens que Pie XI s’exprimait au sujet de la sainteté conservée dans les chrétientés d’Orient : « On ne sait pas assez tout ce qu’il y a de précieux, de bon, de chrétien dans les restes de l’antique vérité catholique. Les morceaux détachés d’une mine aurifère contiennent eux aussi de l’or. Les anciennes chrétientés de l’Orient conservent une si véritable sainteté qu’elles méritent non seulement le respect, mais toute notre sympathie. » Discours du 9 janvier 1927 à la Fédération des universitaires catholiques italiens. Cité parle P. Congar, O. P., Chrétiens désunis ; principes d’un œcuménisme catholique, Paris, 1937, p. 304.

Au point de vue théologique, nulle difficulté. Mais, par rapport à la position apologétique prise en cet article, on doit se demander comment notre position n’est pas ébranlée par les cas de sainteté, apparemment situés en dehors de l’influence catholique.

1. En ce qui concerne la sainteté commune, la difficulté n’existe pour ainsi dire pas. Nous n’avons admis la sainteté commune des membres comme argument démonstratif de la véritable Église qu’avec toutes les réserves qui s’imposent. On doit trouver une indication plus qu’une démonstration dans la sainteté commune et, par conséquent, même en admettant dans les autres confessions chrétiennes le fait d’une sainteté commune approximativement comparable à celle de l'Église romaine, l’argument apologétique de la sainteté supérieure et héroïque resterait entier.

Nous avons déjà montré que cette assimilation approximative n’est pas possible et que, même sous le rapport de la sainteté commune, l'Église catholique apparaît déjà supérieure aux autres communautés chrétiennes. Mais même — data, non concesso — si l’on devait faire cette assimilation, on s’apercevrait bien vite, en examinant de près les causes qui influent sur la sainteté commune de nos frères séparés, que cette sainteté est formellement l’effet des principes catholiques de sainteté qui subsistent encore, quoique mé T. —XIV. —28.