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SAINTETÉ DANS LES AUTRES CONFESSIONS

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moins vrai que, prise dans son ensemble, la sainteté, même simplement commune, des membres de l’Eglise catholique dépasse, en qualité et en quantité, celle des Eglises séparées. Il suffit d’avoir vécu quelque peu dans des régions de religion mixte pour constater la différence sensible du niveau moral, pris dans l’ensemble, chez les protestants et chez les catholiques. Déjà Luther était contraint de faire des aveux sur les résultats lamentables de sa réforme. Mélanchthon les déplorait également. Voir Bossuet, Histoire des variations, I. V, n. iv-viii, xi-xi v. Dans son Essence du christianisme, I larnack ne s’en cache pas : » Dés le commencement de la Déforme, écrit-il, on a dû se plaindre de la moralité relâchée des Églises allemandes et du manque de sérieux dans l'œuvre de la sanctification. La parole : Si vous m’aimez, gardez mes commandements (Joa., xiv, 21, 24) a été reléguée au second plan. Le piétisme, le premier, en a fait de nouveau le point central. Jusque-là, il était arrivé que, pour faire contraste avec la doctrine catholique 'In salut par le. mérite des œuvres, la balance de la vie avait penché de l’autre côté. » Op. rit., p. 302.

En ce qui concerne la sainteté plus parfaite, nous savons trop comment le protestantisme, en supprimant les conseils évangéliques, en a tari la source. Si donc il se rencontre des cas de sainteté supérieure, voire héroïque, au sein du protestantisme, il est permis d’avancer que ces cas isolés ne sont pas en relation d’effet à cause à l'égard de la doctrine protestante. Suivant l’heureuse distinction du cardinal Manning, l’Esprit-Saint a agi ici, non par, mais dans les Églises séparées. Celle dernière réflexion montre la vérité de notre assertion. Est absente des confessions protestantes une sainteté des membres qui prouverait la légitimité de ces Églises.

2° Les Églises chrétiennes orientales dissidentes. 1. Comment tes principes de la sainteté sont amoindris dans les Églises orientales séparées. — On a remarqué l’adoucissement apporté à notre formule. Les Églises orientales, en effet, n’ont pas, comme le protestantisme, réduit le dépôt révélé ; elles ont donc, somme toute, gardé intacts les principes auxquels s’origine la sainteté dans l'Église. Cependant elles ont singulièrement amoindri la valeur de ceux-ci.

C’est surtout en matière sacramentelle que la force des principes sanctifiants a été amoindrie. En ce qui concerne le baptême, les querelles théologiques sur la validité des baptêmes conférés par ceux que les Orientaux considèrent comme hérétiques et schismatiques n’ont pas grande influence pratique sur la sanctification des âmes, dont la purification baptismale marque le début. C’est plutôt dans les autres sacrements qu’on doit relever des déviations dont le résultat se répercute dans la vie spirituelle de l'âme. La fréquentation assidue des sacrements de pénitence et d’eucharistie est une rareté. La masse des fidèles ne s’approche généralement fie ces sacrements qu’aux grandes fêtes, trois ou quatre fois par an. Chez les nestoriens, on ne se confesse pas. L’absolution sacramentelle n’est conférée qu’aux apostats revenant à résipiscence. La nu sse n’est pas célébrée régulièrement ou, si elle l’est, comme dans les monastères, les moines ne sont pas tenus d’y assister. La direction spirituelle n’est guère connue ; elle est cependant pratiquée par les moines dans leurs monastères ou en mission à travers les campagnes. La collation du sacreinent de l’ordre donne lieu dans quelques Églises à bien des abus.

Au sujet du mariage, les Orientaux en mil admis trop facilement la dissolution. Par là, le principe de sainteté du sacrement est singulièrement amoindri. Dès le début, ils avaient permis de se remarier après séparation pour cause d’adultère, par suite dune fausse

interprétation de Matth., i. '. ». Les causes de divorce

se sont multipliées au cours des siècles et aujourd’hui elles sont très nombreuses. Maintenant, c’est souvent ou une loi civile ou une coutume locale qui guide les juges ecclésiastiques dans leur décision. Pratiquement, toute faute grave contre la fidélité conjugale, l’apostasie (passage à une autre religion, même chrétienne), une maladie physique ou mentale sérieuse, une absence prolongée même involontaire, l’abandon d’un des conjoints par l’autre, les injures graves et même, en certaines Églises, le consentement mutuel sont des cause' : de divorce.

Le sacrement d’extrême-onction n’est plus conféré ou, s’il l’est en certaines Églises, il l’est à titre de simple remède contre toute maladie corporelle ou spirituelle.

Ces diminutions de la vérité sanctificatrice montrent combien est nécessaire l’unité de dogme et de gouvernement pour maintenir les principes de sainteté flans toide leur force. Le schisme d’avec Rome est la cause principale de l’amoindrissement fies principes de sainteté chez les Orientaux : nouvelle preuve que ces principes ne se trouvent pleinement que dans l'Église romaine. Ici comme chez les anglicans, la suprématie de l'État (Églises autocéphales) est la grande cause fie l’infécondité des principes sanctifiants. Voir sur ce point M. Jugie, Theologia dogmatica christianorum orienlaiium, t. iv. Paris, 1031, p. 544-545.

2. La sainteté, capable de désigner l’Eglise légitime, n’est pas dans les Eglises dissidentes de l’Orient. — La même remarque faite à propos du protestantisme. s’applique ici également. On ne songe pas à nier l’existence chez les Orientaux dissidents, d’une vie religieuse vraiment sainte ; on dit simplement que cette sainteté n’est pas le résultat et l’effet des principes mêmes du schisme et par conséquent ne saurait être apportée en preuve de la vérité religieuse de ce schisme. « On ne saurait prétendre que la vertu héroïque apparaisse d’une manière constante et avec quelque diffusion flans les Eglises orientales. D’ailleurs, les personnages que ces Églises elles-mêmes ont canonisés ne soni qu’un tout petit nombre pour les derniers siècles ; et, dans leurs procès de canonisation, il n’y a guère d’enquête rigoureuse et méthodique sur le fait même qui serait capital, au point de vue qui nous occupe : l’héroïcité des vertus. Bref, la vertu héroïque, la « sainteté n proprement dite, ne s'épanouit pas, dans les Églises d’Orient, comme une floraison naturelle. » Y. fie La Brière, art. cit., col. 1290.

M. Jugie montre bien comment ces saints, mis en comparaison avec les saints de l'Église romaine, ne peuvent fournir un argument sérieux en faveur des Églises schismatiques. Il faudrait d’abord restreindre la comparaison entre les saints qui, dans l’une et l’autre Église, ont vécu postérieurement au schisme. Nectaire fie Jérusalem (xvic siècle) n’observe pas cette règle lorsqu’il fait appel aux saints byzantins d’avant le schisme pour prouver que l'Église de Byzance n’avait pas perdu la sainteté en se séparant de Rome. ITspl t% àpxîjç toû ttxttoc, Londres, 1702, tr. lat., p. 310-323. Cette comparaison doit ensuite ne concerner que les saints de l'Église gréco-russe dont le culte a été authentiquement promulgué et introduit soit dans toute l'Église en question, "soit du moins dans une autocéphalie. Duc quantité de saints sont honorés, qui n’ont jamais été reconnus par l’autorité religieuse compétente comme tels. Cf. Jugie, op. cit.. p. 548, notes 2, 3, 4, 5. Enfin, si l'Église romaine, en canonisant les saints, fait surtout al lent ion à l’héroïcité de leurs vertus, la canonisation dans l'Église gréco-russe ne comporte pas d’examen de cette héroïcité ; on s’inquiète surtout de la renommée fies miracles et encore pas toujours. On faïi attention surtout à l’incorruption du cadavre. L’héroïcité fies vertus n’est intervenue que pour huit canonisations, fie 1721 a 101 I. Jugie, op. cit., p. 548