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SCI

SAINTETÉ DANS LES AUTRES CONFESSIONS

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pales raisons apportées par ce théologien : « Le développement de la personnalité religieuse comme celui de la personnalité morale et intellectuelle exige le concours de la société et donc de l’autorité qui préside à cette société. Le protestant, comme être religieux, reste un isolé. Le catholique, lui, reçoit de l'Église aide et secours aux heures de doute, de trouble, d’angoisse ; … la doctrine catholique de la médiation de l'Église par le pouvoir d’ordre, de juridiction, d’enseignement, est conforme à la nature sensible de l’homme ; que la vérité lui soit proposée par un représentant visible de Dieu, que la sanctification s’opère par les sacrements, signes sensibles de la grâce, comme tout cela s’adapte à nos besoins profonds, à une psychologie vraiment humaine ! Le protestantisme ne convient qu'à des natures immatérielles ; il « veut faire l’ange » ; … L'Église, dans l’exercice de son triple pouvoir, n’est jamais que l’intermédiaire de Dieu au sens le plus littéral et le plus absolu du mot. Son autorité n’est pas une domination mais un service, elle a pour but de donner Dieu aux âmes, elle est le canal de transmission des grâces divines, pas autre chose… Si l'Église demeure extérieure aux âmes dans la personne de ses représentants, son action est tout intérieure, elle st consomme dans l’esprit et le cœur des fidèles… C’est grâce à l'Église que l'Évangile agit efficacement sur les âmes, car une idée, pour s’assurer une fécondité permanente, demande à s’incarner dans une institution sociale. » Cf. L'Église catholique, p. 208-209.

2. Comment tes principes de vraie sainteté risquent de s'éliminer des Églises protestantes. — a) L’individualisme religieux, base du protestantisme, voir ici Expérience religieuse, t. v, col. 1787 sq., et Luther, t. ix, col. 1328, peut nuire au développement de la vertu supérieure et de la vertu héroïque. Il peut donner naissance au rationalisme ou à l’illuminisme. Voir Expérience religieuse, col. 1797-1801. « Le rationalisme doctrinal, conséquence de l’esprit privé, n’est pas sans influence dans le domaine de l’action ; celle-ci subira le contre-coup du rationalisme de la pensée. On sera sans doute honnête, vertueux même, mï is ces vertus se rapprocheront plus des simples vertus naturelles que de la vertu supérieure ou héroïque. » A. de Poulpiquet, op. cit., p. 212. Après sa conversion. Xewman insista fréquemment sur l’espèce de laïcité pratique à laquelle le jugement propre pourrait insensiblement mener.

b) La doctrine de la justification par la foi seule, pierre angulaire du protestantisme, contient des conséquences qui risquent d'être désastreuses pour la vie même simplement chrétienne, encore qu’il faille bien s’entendre et sur la théorie et sur les applications « La doctrine de la foi sans les œuvres déclare inutiles, sinon même nuisibles, toutes les œuvres surérogatoires, toutes les pratiques de sacrifice et de renoncement inspirées par les conseils de l'Évangile. C’est au nom même du principe de la foi sans les œuvres que les instituts religieux d’hommes et de femmes disparurent partout où triompha le protestantisme et, du même coup, tombèrent en désuétude et en discrédit les plus hautes vertus chrétiennes. De nos jours, lorsque certains protestants reprennent quelque chose des œuvres surérogatoires, notamment la profession des conseils évangéliques par la vie religieuse, ils le font malgré les principes, malgré les coutumes, malgré les réclamations de leur propre Église, ils le font par adoption manifeste et par imitation avouée des exemples de l'Église catholique romaine. » Y. de La Brière, art. cit., col. 1290.

c) C’est surtout dans l'Église anglicane que se marque ce retour aux pratiques des conseils évangéliques, mais ici nous nous trouvons en face d’un autre obstacle à la sainteté : la suprématie de l'État dans les

choses spirituelles. Un pareil principe est la sécularisation manifeste du royaume des cieux. Beaucoup de protestants anglais sentent aujourd’hui ce qu’il y a d’humiliant et de néfaste au point de vue surnaturel dans la tutelle de l'État. Aussi, le mouvement ritualiste cherche-t-il de plus en plus à s’en dégager. Voir ici l’art. Puséyisme, t. xiii, col. 1369 sq. ; P. Ragey, Le ritualisme, Paris, 1903 (collection Science et religion). On lira, sur ce sujet, une très intéressante brochure du P. Lelong, O. P., Le catholicisme d’un pasteur anglican, Paris, 1937.

d) Les Églises protestantes n’ont pas su garder l’intégrité de la foi du Christ et l’intégralité des dogmes enseignés par Lui. Il en résulte de nombreuses déficiences dans la morale et dans l’organisation du culte, très préjudiciables à la pratique des vertus. Nous avons constaté l’influence qui peut être parfois néfaste, de l’individualisme et de la justification par la foi seule. Que ne pourrait-on dire du rejet de la plupart des sacrements, le protestantisme ne conservant que le baptême et l’eucharistie ? De l’abandon des conseils évangéliques, avec toutes les œuvres de perfection qu’ils entraînent ? Des brèches faites à la sainteté du mariage et de l’indulgence protestante à l'égard du divorce ? De l’absence de gouvernement et d’autorité réelle dans l’organisation religieuse ? De ce culte et de cette liturgie sans attrait sensible et si peu faits pour satisfaire les aspirations religieuses de l’homme ?

lue des raisons les plus décisives qui pousse les âmes à quitter le protestantisme et à embrasser le catholicisme vient de ce qu’elles ne trouvent pas dans leurs Églises l’aliment spirituel indispensable à la plénitude de la vie chrétienne ; seule, l'Église catholique, au contraire, leur paraît capable, par sa doctrine, son culte, ses sacrements, de satisfaire tous leurs besoins de perfection morale et religieuse. > A. de Poulpiquet, op. cit., p. 211. Voir, dans cet auteur, plusieurs témoignages de protestants convertis, p. 214-217, et ci-dessus col. 855. Sur le témoignage de la vie spirituelle des protestants en faveur des pratiques catholiques, voir le recueil Apologétique, p. 755 : lu nostalgie catholique dans le protestantisme d’aujourd’hui.

3. Comment une sainteté des membres, capable de désigner l'Église légitime, est absente des confessions protestantes. Notre proposition ne tend pas à nier l’existence de toute sainteté dans les Églises protestantes. Tout d’abord, il faut reconnaître qu’une sainteté commune des membres y est, non seulement possible, mais fréquemment réalisée. Nous ne devons pas être partiaux et nous mettre au nombre de ceux pour qui « les hérésies et les schismes sont la nuit profonde, le règne du mal absolu, de l’erreur et du mensonge ». De Broglie, Religion et critique, Paris, 1896, p. 133. Nous accorderons même qu’on rencontre dans les Églises chrétiennes dissidentes, hérétiques ou schis matiques, des cas même relativement nombreux de sainteté supérieure ou même héroïque, devant lesquels doivent s’incliner les catholiques ; mais, dans la troisième partie de cette étude, nous rappellerons précisément que ces cas, plus fréquents qu’on ne le pense, s’expliquent par ce qui subsiste, dans ces communions séparées, du dogme et de la morale catholiques.

Nous admettons donc bien volontiers qu’un certain niveau de sainteté commune peut se rencontrer facilement dans les populations protestantes. Frédéric Le Play n’a pas consacré ses monographies seulement aux familles catholiques ; il a également étudié la vie au foyer telle qu’elle est pratiquée chez les protestants et les orthodoxes fidèles aux observances chrétiennes. Il a constaté, dans ces familles, un niveau moral élevé s’accusant par des résultats identiques à ceux qu’il avait relevés chez les catholiques.

Mais ceci dit, et il faut savoir le dire, il n’en reste pas