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SAINTETÉ DANS L’EGLISE ROMAINE

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relations entre peuples sont devenues moins âpres, les misères du pauvre ont trouvé un soulagement approprié, même l’enfant débile ou difforme a connu la tendresse, la femme a eu sa condition sociale relevée, les masses ont été moralisées, les mœurs ont été disciplinées. Or ce progrès très réel, que Luther lui-même et d’autres auteurs protestants regrettaient de ne pas trouver dans leur religion réformée, ne peut s’expliquer par les ressources naturelles du cœur humain, mais suppose une force inhérente au dogme catholique, une force divine. Cette constatation a été faite par tous ceux qui ont étudié de près les populations foncièrement catholiques, celles où le christianisme n’est pas une simple étiquette mais pénètre vraiment l’esprit et le cœur des fidèles ; et ils sont unanimes à y reconnaître une moralité remarquablement élevée. Frédéric Le Play a tracé les monographies détaillées d’une soixantaine de familles-types, telles qu’on pouvait les rencontrer d’un bout de l’Europe à l’autre vers le milieu du xixe siècle. Les ouvriers européens, Paris, 1879. Partout où la religion chrétienne est enseignée et pratiquée, il constate les résultats suivants : pureté des mœurs, moins de naissances illégitimes, affection et sollicitude prodiguées aux enfants, égards pour les femmes et les vieillards, fécondité des mariages, paix domestique, profond respect témoigné toute leur vie par les enfants à leurs parents. Cf. A. de Poulpiquet, op. cit., p. 231. Des statistiques ont été établies, qui témoignent en faveur du catholicisme. Cf. Ottiger, Theologia fundamentalis, t. ii, Fribourg-en-B., nui, p. 967, 969-970, d’après l’ouvrage de 1 l.-A. Krose, S. J., Religion und Moralstatistik, Munich, s. d. (1906). Voir aussi P. Buysse, op. cit., p. 182-189.

Sur les influences heureuses de la religion catholique dans la marche du monde, on lira avec profit Karl Adam, Le vrai visage du catholicisme, tr. fr., Paris, 1931, ix. L’action sanctifiante de l'Église ; x, L’action éducatrice de l'Église ; xi, Lutte entre l’idéal et la réalité, p. 228-293 ; Jacques Madaule, L’action de l'Église, dans Apologétique, Paris, 1937, p. 562-599. On pourrait se référer également à tous les ouvrages ayant trait à la bienfaisance sociale de l'Église et à nombre d’encycliques de Léon XIII.

2. La sainteté plus parfaite issue de la pratique des conseils évangéliques, telle qu’elle est organisée par les sages normes du droit canonique, est une marque plus décisive encore de la légitimité de l’Eglise romaine. Nulle part ne se trouve organisée comme chez elle la vie sacerdotale et religieuse. Il n’est pas question de comparer à nos institutions les groupements religieux ou prétendus tels qu’on rencontre dans les religions orientales : les bonzes du Japon, ordinairement incultes, entretenant avec soin les superstitions de leurs sectes, exploitant l’idolâtrie ; les ascètes du brahamanisme et les moines du boudhisme, les premiers cherchant dans l’immobilité et le nirvana l’idéal de la perfection, les autres pratiquant un renoncement complet, mais sans caractère définitif ; les mystiques musulmans, dont quelques-uns pratiquèrent vraiment la sainteté, voir plus loin, mais dont le plus grand nombre affichent un fanatisme parfois dangereux. Voir, sur ces sujets, les art. Japon, Inde (religions de V) et Islamisme, du Dict. apol. de la foi cath., t. ii, col. 1206, 653, 665, 1145.

Au sujet de cette vertu supérieure, grâce à la pratique des conseils évangéliques ou tout au moins de leur esprit, voici un excellent aperçu donné par A. de Poulpiquet, op. cit., p. 233 :

1° Le sacerdoce catholique, avec le célibat qu’il impose à ses membres, favorise et réalise dans l’ensemble le dévouement, le désintéressement, l'épanouissement de la vie surnaturelle. Malgré les défections et les désordres inséparables de la faiblesse humaine, le clergé catholique fait honneur à l'Église. Sa supériorité morale, et religieuse est souvent même

loyalement reconnue par les communions séparées ou par des hommes peu suspects de partialité.

2° Les ordres religieux ont été dans le passé et demeurent encore une pépinière toujours féconde de vertus éminentes. L'état religieux est par définition un état de perfection et cet état, nonobstant les délections ou le relâchement, s’est réalisé avec une continuité manifeste au cours des siècles.

3° Les confraternités laïques d’hommes et de femmes, tiers-ordres, congrégations, etc., ont pour but de développer chez leurs membres une vie chrétienne plus parfaite et aussi de les pousser à la pratique de la charité sous toutes ses formes.

4° Enfin l'Église romaine a vu constamment éclore en son sein, au fur et à mesure que le besoin s’en faisait sentir, une quantité d’oeuvres de toute sorte, dont les résultats ont été considérables au point de vue moral et religieux.

Cette dernière indication pourrait être développée à I l’infini. C’est la fecunditas inexhausla Ecclesiæ in omnibus bonis, dont parle le concile du Vatican, qu’on trouve présentée par les apologistes sous mille formes différentes. Nous signalons tout particulièrement l’exposé du P. Lacordaire, Conférences de Notre-Dame, 1844-1845, montrant l’influence féconde de l'Église catholique sur les hommes considérés dans leur vie privée, sur les familles, dont la constitution et la stabilité, grâce à l’LgIise, ont réalisé des progrès considérables, sur la vie sociale elle-même. Plusieurs de ces points ont d’ailleurs été touchés plus haut, à propos de la sainteté commune dans l'Église. On lira également dans A.-D. Sertillanges, L'Église, Paris, 1917. 1. IV ; L’altitude de l'Église à l'égard de ce monde : civilisation matérielle, civilisation intellectuelle, art, vie sociale. politique, vie internationale, paix. Cf. Garrigou-Lagrange, De revelatione per Ecclesiam catholicam proposiia, t. n. Paris, 1918, p. 301-310, riche d’indications bibliographiques utiles. On devra retenir également le magnifique témoignage rendu aux ordres religieux catholiques par Leibniz, Systema theologicum, Mayence, 1825, p. 84-86.

3. La sainteté héroïque apparaît dans l'Église romaine grâce à cette interminable galerie, qui ne sera jamais terminée, de saints et de saintes ayant laissé au monde le spectacle d’un héroïsme dans la vertu, qu’aucune cause humaine n’est capable d’expliquer. On a dit plus haut comment le martyre, par son héroïsme même, est un des aspects de la sainteté catholique qui démontre l’origine divine de l'Église romaine. Voir Martyre, t. x, col. 246-254. L’héroïcité des vertus pratiquées par les saints confesseurs et vierges apparaît au procès de leur canonisation, tel du moins qu’il se déroule aujourd’hui, voir ce mot, t. ii, col. 1645 sq. Le discernement de l’héroïcité de leurs vertus est ainsi mis à la portée de tout le monde. « Une précieuse garantie contre l’erreur en cette matière, c’est que la constatation des actes de vertu, le discernement de la sainteté véritable, est l'œuvre de celle des facultés humaines qui est la plus droite et la moins accessible aux méprises et aux sophismes : la conscience morale. Tout homme, d'âme quelque peu honnête, qui aura connu de près l’existence d’un saint François-Xavier ou d’un saint Vincent de Paul, reconnaîtra parfaitement la vertu héroïque et il discernera fort bien la sainteté authentique. Même s’il veut s’obstiner à disputer en paroles, il saura, au fond de son cœur, à quoi s’en tenir. » Y. de La Brière, art. cil., col. 1282.

Un autre point cependant doit être précisé : la vertu héroïque pourrait exister dans l'Église catholique sans avoir avec elle un lien de causalité. Ce pourrait être pure coïncidence, et nous avons vu que ce doit être en vertu des principes mêmes possédés par l'Église que doit se réaliser la sainteté des membres. Or rien à craindre de ce côté. L'Église romaine a le droit de se prévaloir de la sainteté héroïque comme d’un signe du ciel en sa faveur, précisément parce que