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SAINTETE DANS L'ÉGLISE ROMAINE


bien du prochain ? Cf. M. d’Herbigny, Theologica de Ecclesia, t. ii, Paris, 1921, § 239-240."

c. La sainteté héroïque est le degré suprême de la manifestation de la sainteté dans les membres de 1'Fglise du Christ. C’est la sainteté de ceux qui entendent imiter aussi parfaitement que possible le Christ dans son amour de Dieu et du prochain. C’est la sainteté de Paul écrivant aux Corinthiens : Ego libentissime impendam, et superimpendar ipse pro animabus vestris. II Cor., xii, 15. L’héroïsme évangélique consiste donc en ce que l’homme, imprégné des sentiments d’une profonde humilité, cherche avec empressement à réaliser en lui-même une parfaite imitation du Christ. Comme l'écrit saint Ignace : quidquid C.hristus Dominas noster amavit et amplexus est… : contumelias, falsa iestimonia et injurias pâli. Exercitia spir. : examen générale, iv, 44. Ainsi donc, la sainteté héroïque va jusqu'à donner notre vie pour nos frères, comme le Christ a donné lui-même sa vie pour nous. I Joa., iii, 16. Il ne s’agit plus simplement d’aimer nos amis, il est nécessaire d’aimer nos ennemis, de faire du bien à ceux qui nous persécutent et nous calomnient. Matth., v, 34. Il s’agit de donner sa vie pour les amis, Joa., xv, 13, même si. en aimant plus, on en est moins aimé. II Cor., xii, 15. Saint Paul, à ce sujet, a des expressions fortes qu’il faut souligner : « Chaque jour, mes frères, je meurs pour la gloire que je reçois de vous en Jésus-Christ. » I Cor., xv, 31. « Nous avons la paix avec Dieu par Notre-Seigneur Jésus-Christ…, mais outre cela nous nous glorifions encore dans les tribulations…, parce que la charité de Dieu est répandue en nos cœurs par l’Esprit-Saint. » Rom., v, 1-5. Et encore : « Je suis immolé sur le sacrifice et l’oblation de votre foi. » Phil., ii, 17. Bien plus, sans en faire la suite nécessaire de la sainteté héroïque, Jésus-Christ laisse entendre que ses disciples les plus autorisés accompliront en son nom des miracles, lesquels attesteront l’intervention divine en faveur de la légitimité de l'Église. Joa., xiv, 12 ; cf. Marc, xvi, 17-18. Sans doute, la grâce des miracles étant une grâce gratuitement donnée, peut être accordée même aux pécheurs. Néanmoins « Dieu opère, de véritables miracles… pour l’utilité des hommes, soit pour confirmer la vérité prêchée, et c’est alors qu’ils peuvent être faits par quiconque prêche la véritable foi et invoque le nom du Christ, ce qui peut se produire parfois même par le ministère des pécheurs ; mais ce peut être aussi pour manifester la sainteté de quelqu’un que Dieu veut proposer en exemple de vertu ; et, en ce cas, les miracles ne peuvent être accomplis que par des saints, dont les miracles démontrent la sainteté, soit déjà pendant leur vie, soit après leur mort. » S. Thomas, IIa-IIæ, q.cLxxvin, a. 2 ; cf. M. d’Herbigny, op. cit., § 241.

2. L’enseignement de la Tradition.

Nous ne ferons qu’indiquer quelques textes montrant l’emploi fait par les premiers Pères de l'Église de l’argument de la sainteté.

l.aDidachè prie ainsi : « Souvenez-vous, Seigneur, de votre Église pour la libérer de tout mal. Rendez-la parfaite dans votre charité, rassemblez-la des quatre vents, sanctifiée pour le royaume que vous lui avez préparé ». x, 5, édition Funk, Patres apostolici, t. i, p. 24. Saint Justin montre l’opposition qui existe entre la morale païenne et la morale chrétienne : avant le christianisme, c'était le règne de la haine et des meurtres ; depuis le Christ, les hommes vivent en frères et prient pour les ennemis. Apol., i, c. xiv, P. G., t. vi, col. 348. Tout le passage est à lire. Cf. Dial., c.xix, ibid., col. 752-753.

Dans YÉpître à Diognète, on trouve une admirable description de la sainteté des chrétiens : « Ils sont dans la chair, mais ne vivent pas selon la chair. Ils habitent sur terre, mais leur patrie est dans le ciel… Ils aiment

les autres, et les autres les persécutent. On les calomnie et ils bénissent ; on les injurie, et ils honorent leurs détracteurs… Leur attitude n’est pas humaine, elle manifeste la puissance de Dieu et prépare son avènement. » C. v, 6-16 et vii, 9, Funk, op. cit., p. 398, 404. Saint Irénée en appelle spécialement à l’héroïsme des mrrtyrs pour réfuter les gnostiques. Cont. hier., I. IV, c. xxxiii, n. 9, P. G., t. vu. col. 1078. Il en appelle aussi aux miracles et aux charismes. Id., t. II, c. xxxi, ibid., col. 824. Origène, dans le Contra Celsum, emploie les mêmes arguments que Justin. Quelle différence entre les mœurs des chrétiens actuels et les turpitudes païennes ! L. I, c. xxvi, P. G., t. xi, col. 709. Ceux qui dans l'Église sont de valeur morale inférieure et peuvent être estimés pires en comparaison des meilleurs sont encore bien supérieurs aux hommes vivant selon les mœurs reçues dans les couches populaires. L. III, c. xxix, ibid., col. 957. Tertullien raisonne de même dans VApoIogeticum, n. 23, P. L., t. i, col. 415.

Les Pères des âges postérieurs englobent à la fois dans leur pensée la double sainteté des principes et des membres, lorsqu’ils affirment que l'Église, non seulement enseigne, mais renferme vraiment toute vertu, Cyrille de Jérusalem, Cat., xviii, n. 23, P. G., t. xxxiii, col. 1044 ; lorsqu’ils lui appliquent le texte d’Isaïe (LXX) : Vocaberis civitas fasti, urbs jidelis, F.usèbe, Eclogge propheticæ, Ex Isaia, c. i, P. G., t. xxii, col. 1198 ; lorsqu’ils proclament qu’en elle resplendit la justice comme rayonne le soleil aux jours d'été. Ambroise, Hexæmeron, t. IV, c. v, n. 22, P. L., t. xiv, col. 212 ; lorsqu’ils l’appellent l’image et l’imitation de l'Église céleste, Cyrille de Jérusalem, Cat., xviii. n. 26, P. G., t. xxxiii, col. 1048, ou encore un vrai paradis, Augustin, De Genesi ad litt., t. XI, c. xxv. n. 32, P. L., t. xxxiv, col. 442, la mère véritable des vivants, Ambroise, In Lucam, t. II, n. 86, P. L., t. xv. col. 1666 ; le chemin du ciel, Hilaire. In ps. cxxxiii. n. 2, P. L., t. ix, col. 751 ; l’honneur et la gloire du visage du Christ, Ambroise, In p&.XLVIII, n. 11, P.L., t. xiv, col. 1215 ; l’arche qui garde les saints, Augustin. In ps. XXVIII, enarratio. n. 10, P. L., t. xxxvi, col. 214 ; la véritable race d’Abraham, Augustin. Quæst. in Heptateuchum, t. VI, xxv, P. L., t. xxxiv. col. 789 ; la plénitude du Christ, Chrysostome, //i epi’sL ad Eph., hom. iii, n. 2, P. G., t. lxii, col. 26, etc. Cf. Billot, op. cit., p. 182-183. Voir aussi S. Augustin, De civitate Dei, . XXII, n. 8 : De utilitale credendi, n. 17 ; E/ust.. lxxviii, n. 3 : Serm., cc.cxix, c. vi, n. 6 sq. ; P. I.., t. xli, col. 760 ; t. xlii, col. 91 ; t. xxxiii, col. 268-269 ; t. xxxviii, col. 1442.

On pourrait également citer les assertions relatives à la nécessité d’appartenir à l'Église pour se sanctifier, c’est-à-dire pour faire son salut. Voir R.-M. Schultes, O. P., De Ecclesia catholica, prælectiones apologeticse, Paris, 1926, p. 272-273. Ottiger a recueilli un grand nombre de textes patristiques se rapportant à la sainteté de l'Église, envisagée sous de multiples aspects. Voir sa Theologia fundamentalis, t. ii, Fribourg-en-B.. 1911, th. xxv, "p. 928-985.

/II. LA SAINTETÉ, MARQUE DE L'ÉGLISE LÉGITIME, APPARTIENT A L'ÉGLISE ROMAINE. — 1° Préjugés favorables. — Des préjugés favorables à cette assertion sont fournis : 1. par l’attitude des adversaires de toute sainteté, de ceux dont parlaient déjà saint Pierre, II Petr., ii, 10-19 et saint Jude, 8-10. Comme le remarque Joseph de Maistre, « tous frappent vainement puisqu’ils se battent contre Dieu, mais tous savent où il faut frapper « . C’est l'Église romaine que l’impiété attaque, que le sarcasme veut ridiculiser, que la persécution veut abattre. Signe qu’elle est la véritable et unique dépositaire des trésors de sainteté où les hommes doivent puiser pour faire leur salut. Voir Joseph de Maistre, Du pape, t. IV, conclusion ;