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SAINTETÉ, NOTE DE L’EGLISE


fécondes, principes de sainteté dans les membres qui en reçoivent l’influence salutaire. De cette influence salutaire, aussi essentielle à l’Église qu’il est essentiel à la société civile de conduire les citoyens à la félicité temporelle, nous avons dans l’évangile des indications très nettes : les noms de « royaume de Dieu, royaume des cieux, royaume qui n’est pas de ce monde », appliqués à l’Église, les béatitudes annoncées dans l’Évangile, les promesses répétées de la rémission des péchés et d’une vie éternelle dans la vision de Dieu, le but assigné à l’Incarnation et qui doit être atteint par l’Église et dans l’Église, en un mot. tout l’enseignement du Nouveau Testament qu’il serait impossible d’admettre si l’on rejetait de l’Église le principe même de la sanctification des âmes.

Toutefois, il faut observer que ces principes de sainteté, dans la pensée même du Christ qui les a communiqués à son Église, doivent être considérés ici, non pas séparément les uns des autres, mais dans leur ensemble cohérent, ensemble qui serait détruit dès l’instant où, aux dogmes, à la discipline, aux institutions capables de senctifier les âmes, se mêlerait la moindre doctrine, spéculative ou pratique, de démoralisation ou de corruption. Jionum ex intégra causa. Il ne suffit donc pas à une société religieuse de retenir quelques-uns ou même la plupart des principes sanctificateurs communiqués par le Christ à son Église, il faut les retenir tous intégralement et ne tolérer aucune immixtion de principes délétères.

De plus, il faut se souvenir que ces principes sanctificateurs ont été confiés par le Christ à un organisme vivant et que la manière de les utiliser pour le bien des âmes est tout aussi importante que le fait de les posséder. Cette remarque est capitale. Car les principes de sainteté, tels que les sacrements, l’Écriture, les conseils évangéliques, n’ont de réelle valeur pour la sanctification des âmes que par la manière dont le ministère ou le magistère vivant de l’Église du Christ sait les employer. La possession du baptême, de l’eucharistie, de la pénitence et des autres sacrements n’est pas encore, surtout en ce qui concerne l’application qui en doit être faite aux adultes, un signe évident de sainteté. Ce qui marque ici extérieurement la valeur du principe, c’est l’usage qu’on en fait et le bien qu’on en sait tirer. De même, la sainte Écriture : certes, nous la croyons divinement inspirée, utile pour enseigner, pour reprendre, pour corriger, pour former à la justice ». II Tim., iii, 1C. Toutefois, l’Écriture n’est pas un principe de sainteté en tant que lettre morte ; il faut qu’elle soit comprise dans l’esprit qui l’a dictée. Elle n’est d’ailleurs principe de sainteté que dans l’Église qui en a reçu le dépôt du Christ : l’Écriture, en effet, en tant que simple document écrit, peut être en possession de n’importe quelle société religieuse. Et cela ne suffit pas à créer un titre de propriété. Les conseils évangéliques, indiqués par le Christ comme moyens di perfection, Matth.. xix. 21. 29 : Marc., x, 21 ; Luc, xiv, 26 sq., n’ont de valeur sanctifiante que par la manière dont ils sont pratiqués. A ce titre, mais, à ce titre seulement, ils sont et seront jusqu’à la fin des temps un élément de la sainteté de l’Église. Cf. concile du Vatican, schéma de Ecclesia, xv. et adnot. 48, Colleclio Lacensis, t. vii, p. 557, 028 ; cf. p. 671-680. Cette « mise en valeur » demande une organisation vivante, opportune, adaptée aux fins immédiates que la vie religieuse peut se proposer. En bref, « ce n’est pas le fait de retenir matériellement les moyens extérieurs que Dieu a disposés ou institués pour la sanctification des hommes, qui constitue la manifestation des principes de sainteté. Il s’agit surtout de la manière selon laquelle on fait usage de ces moyens extérieurs par la prédication, les lois, les institutions, un ministère toujours vivant. Et, pour

tout résumer d’un mot, ce sont tous les signes qui manifestent dans une société religieuse la raison profonde, d’où jaillit l’influx sanctifiant ». Billot, De Ecclesia, t. i, l’rato, 1909, p. 175.

Sainteté des membres.

Que Jésus-Christ ait

voulu que la sainteté des principes, confiés au gouvernement de son Église, passe dans les membres eux-mêmes, c’est là une vérité que suffirait à démontrer le simple fait de l’institution de l’Eglise. L’Église, en effet, n’a été instituée que pour continuer l’œuvre de. Jésus-Christ sur la terre, œuvre de rédemption st de salut pour tous les hommes. Voir Jésus-Christ, t. viii, col. 1300. Les principes de sainteté confiés à l’Église sont donc essentiellement des principes de sanctification pour les hommes et ce, en vertu d’une loi essentielle, constante et nécessaire, dont les effets doivent se. faire sentir jusqu’à la fin du monde, c’est-à-dire autant que doit durer l’Église. L’intention de Jésus-Christ à ce sujet est nettement exprimée dans la prière sacerdotale de la Cène. Joa., xvii, 17-19. Voir aussi Luc, xii, 49 ; Joa., xv, 16. Les membres de l’Église « ne sont plus des hôtes et des étrangers, niais des concitoyens des saints et de la maison de Dieu, bâtis sur le fondement des apôtres et des prophètes, le Christ Jésus étant lui-même pierre principale de l’angle sur lequel tout l’édifice construit s’élève comme un temple sacré dans le Seigneur, sur lequel (ils) sont eux-mêmes bâtis pour être une demeure de Dieu par l’Esprit ». Eph., n. 19-22. Cf. l’hil., iii, 20. Par le fait que l’homme est appelé à faire partie de l’Église, il est appelé à la filiation adoptive de Dieu. Joa.. i, 12 ; I Joa., III, 2 ; Heb., xii. 7, et donc à une véritable participation à la sainteté de Dieu. Ileb., XII, 10 ; cf. II Petr., i. 4 : I Joa.. iii, 2.

Le chrétien qui nourrit cette espérance, doit se sanctifier (àyvtÇeiv), comme Dieu lui-même est saint (àyvôç), 1 Joa., iii, 2, et acquérir ainsi la véritable sanctification personnelle, t6v à.yia.oy.6v, Heb., xii, 1 1. vans laquelle nul ne verra Dieu. Cette sainteté se manifeste par la fuite du péché, 1 Joa., iii, 1-10 ; cf. I Cor., VI, 9-11 ; 15-20 ; Gal., v. 19-21, 21 ; Eph., iv, 17-19 ; Col., iii, 5-9 ; I Thess., iv, 3 sq., mais aussi par l’abondance des biens spirituels dans l’observation des préceptes, l’amour de Dieu et la charité envers le prochain. Cf. I Joa., iii, 9-24 : Rom., xiii, 8-10 ; xv. 14 ; cf. xiv, 17-19 ; Gal., v, 22-23 ; Eph., iii, 17-19 ; Col.. I, 10-13. Toute cette doctrine est résumée par saint Paul : « Jésus-Christ s’est livré lui-même pour nous, afin de nous racheter de toute iniquité et de sa faire un peuple pur, agréable et zélé pour les bonnes œuvres. » Tit., Il, 14. Et encore « Jésus-Christ a aimé l’Église et s’est livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier, la purifiant par le baptême d’eau, par la parole de vie, pour la faire paraître devant lui comme une Église glorieuse, n’ayant ni tache, ni ride, ni rien de semblable, mais pour qu’elle soit sainte et immaculée ». Eph., v, 25-27.

3° Sainteté, signe facilement reconnàissable de la légitimité de l’Église. — La sainteté des principes est facilement discernable. Préceptes, conseils, institutions sont accessibles à l’expérience la plus rudimentaire, même dans la manière dont l’autorité religieuse s’en sert pour promouvoir la sainteté dans les âmes. Quant à la sainteté des personnes, si elle consiste essentiellement en un état intérieur, elle ne peut manquer cependant de se manifester sensiblement grâce aux actes vertueux extérieurs et cela en conformité avec les tendances les plus naturelles de l’âme humaine. Il est impossible d’ailleurs d’imaginer l’hypocrisie jouant un rôle prépondérant dans ces manifestations extérieures de sainteté. Même dans l’ordre des actions purement naturelles, la parfaite simulation est tellement difficile à soutenir sous tous les rapports que le simulateur est