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SAINTETÉ. NOTION


celle-ci nous devient intérieure avec son cortège de dons surnaturels. C’est la tradition catholique opposée à la doctrine protestante de la justiliu forensis. Il en résulte que si nous ne sommes pas justifiés indépendamment de la justice du Christ, celle-ci n’est cependant pas cause formelle de notre justification : la grâce que nous y recevons n’est pas une pure imputation, ni la seule rémission des péchés, ou toute autre forme de dénomination extrinsèque qui la ramènerait à une simple « faveur de Dieu » mais bien une réalité interne que l’Esprit-Saint répand dans l'âme juste et qui lui reste attachée ». A. Michel, Les décrets du concile de Trente, p. 07 ; cf. p. 157-102.

2. Vie en rapport avec la sainteté personnelle.

A cette idée de régénération, de déification intérieure, la notion de sainteté ajoute encore celle d’une vie intense en rapport avec les dons précieux contenus dans cette surnature. Utilisant les données recueillies dans la Tradition, saint Thomas distingue nettement à ce sujet la sainteté considérée dans le simple liabitus de la grâce sanctifiante et la spinteté qu’il appelle « la perfection de la vie spirituelle », laquelle requiert dans l'âme le désir, le goût de pratiquer d’une manière plus parfaite l’exercice des vertus les plus ardues. Cf. IIa-IIæ, q. xxiv, a. 8. Sans doute, toutes les vertus se tiennent les unes les autres : la thèse de leur « connexion » est admise par tous les théologiens sans exception. Néanmoins l’exercice de la vertu peut demander en des circonstances données une application plus grande, un effort plus héroïque. De plus, au point de vue de la véritable sainteté, cette application et cet effort auront d’autant plus de valeur qu’ils seront inspirés par une charité plus parfaite. Accomplir la loi de Dieu, toute la loi, avec l’amour de Dieu et l’amour du prochain comme principe de cet accomplissement, voilà la perfection de la sainteté. Cf. Rom., xiii, 8 sq. ; Gal., v, 14 ; I Tim., i, 5. La sainteté ne se confond ni avec l’héroïsme, ni avec la simple sagesse des philosophes. Cf. Garrigou-Lagrange, La vraie sainteté chrétienne et les autres formes de perfection, dans Apologétique, Paris, 1937, p. 627-631.

Les Pères de l'Église ont noté cette intervention de la charité comme l’indice de la vraie sainteté : l’bi carilas est, quid est, quod possit déesse ? L’bi auiem non est, quid est, quod possit p/otfessePS. Augustin, // ! Joannem, tract. LXXXIII, n. 3, P. L., t. xxxv, col. 1846. Cf. De natura et qratia, c. xlii, lxx, t. xliv, col. 271, 290 ; S. Grégoire le Grand, Moralitun, t. XXVIII, c.xxii, P. L., t.LXXVi, col. 476 ; Inevang. homil., XX Vil, n. 1, ibid., col. 1205. Comment cette perfection de la charité s’impose aux hommes, voir S. Thomas, Sum. theol., II'-II », q. clxxxiv, a. 2.

3° Conclusions sur les rapports de la sainteté et de la vraie Église. — 1. Sainteté et religion. — La religion est la vertu qui nous fait servir Dieu conformément à la justice. Il y a un rapport étroit évident entre la sainteté qui nous unit à Dieu par un lien si intime que nous en sommes régénérés, transformés, déifiés, et la religion qui nous unit à Dieu dans le service que la justice nous commande à son égard. Serviamus illi in sanctitaie et justilia. Luc, i, 74, 75.

Saint Thomas étudie ce rapport dans la II a -II*, q. lxxxi, a. 8 : « Parler de sainteté, c’est dire deux choses. Premièrement : pureté. C’est le sens donné par le mot grec agios, comme si on disait : « sans ten e. » Deuxièmement : fermeté. Les anciens appelaient « saint » ce que la loi protégeait et rendait inviolable. D’où vient également le terme « sanctionné » pour désigner ce que confirme une loi. L'étymologie latine permet d’ailleurs de rattacher au terme sancius l’idée de pureté. Il le faut alors entendre de sanguine iinctus pour ce que, dans l’antiquité, qui voulait se purifier se faisait asperger du sang d’une victime (Isidore).

L’un et l’autre sens s’accordent pour faire attribuer la

sainteté à ce qui est engagé dans le culle divin. Si bien que non seulement les hommes, mais le temple, les instruments et les autres choses de ce genre se trouveront « sanctifies par leur application au culte de Dieu. La pureté, eu effet, est nécessaire pour que s’applique à Dieu l'âme spirituelle. Voici pourquoi : l'âme se souille du fait de sa liaison aux choses d’en bas, comme ce qu’avilit un alliage impur, ainsi l’argent mêlé de plomb. Or, il faut que l'âme spirituelle s’arrache à ces choses inférieures pour pouvoil s’unir à la réalité suprême. C’est pourquoi un esprit sans pureté ne peut avoir application à Dieu… La fermeté stable est tout également requise à l’application de l'âme à Dieu. Elle s’attache à Lui en effet comme à la fin dernière et au premier principe : ce qui nécessairement est immuable au plus liant point : « Je suis certain, disait saint Paul aux Romains, viii, « 38-39, que ni la mort, ni la vie ne me sépareront de la « charité du Christ. » « Ainsi donc, on appellera sainteté cette application que l’homme l’ait de son âme spirituelle et de ses actes à Dieu. Elle ne diffère donc point de la religion dans son essence, mais seulement d’une distinction de raison. Religion se dit des actes spéciaux appartenant au culte divin, sacrifices, offrandes et autres, par lesquels on témoigne à Dieu du service qu’on lui doit. Tandis qu’on parlera de sainteté lorsque l’homme, outre ces actes, rapporte encore à Dieu les actes des autres vertus ou bien se dispose pal certaines bonnes œuvres au culte divin. Trad. I. Menessier, O. P., dans l'édition de la Somme théologique de la Repue des jeunes, La religion, t. i, p. 49-51.

Dans cette analyse, saint Thomas n'étudie la sainteté que sous un aspect assez restreint, celui qui, précisément, est utile pour formuler la doctrine catholique touchant la note de l'Église. Dans ce qui précède, nous avons vu que l’idée de sainteté, appliquée aux personnes, évoquait la haute perfection de la charité dans l’exercice et la pratique même héroïque des vertus. Si, dans le texte rapporté, saint Thomas semble identifier vertu de religion et sainteté, c’est qu’il considère la religion comme un moyen puissant de spiritualisation religieuse. Mais cela n’empêche pas la sainteté de conserver un caractère général « pour autant que sous son empire tous les actes des vertus s’ordonnent au bien divin ». S. Thomas, ibid., ad l" m. La sainteté devient alors « le plein épanouissement spirituel et spiritualisant de la vertu de religion ». I. Menessier, op. cit., p. 246. D’où la remarque opportune de Cajétan : « Il est par là bien évident que bien des gens font acte de religion sans y mettre de « sainteté ». Tandis que nul n’est « saint » qui n’est » religieux ». On peut en effet taxer de religieux ceux qui sont tout occupés dos cérémonies, sacrifices et autres rites. On ne dira aucunement qu’ils sont « saints », s’ils ne s’appliquent intérieurement à Dieu par le moyen de ces actes. » Trad. I. Menessier, op. cit., p. 246.

Ainsi donc, en restituant à la sainteté sa véritable nature, c’est-à-dire l'épanouissement de toutes tes vertus dans la pratique de la perfection spirituelle allant jusqu'à l’héroïsme, on conserve cependant encore à la vertu de religion l’influence qui, sous un aspect très particulier, l’identifie avec la sainteté. Influence profonde sur la vie morale de l’homme, le détachant des attraits inférieurs et raffermissant de façon stable dans sa marche vers Dieu : double fonction de purification modératrice et de concentration énergique qui normalement doit produire des fruits de sainteté.

2. Sainteté et Église.

L'Église est la société religieuse divinement instituée par le Christ et dans laquelle seule est rendu à Dieu le culte, tel que JésusChrist l’a prescrit pour permettre aux hommes la pratique des vertus qui doivent, après la mort, leur assurer la possession de la béatitude. Les relations de l'Église et de la sainteté sont donc, pour ainsi dire, identiques aux relations de la religion et de la sainteté. L'Église, avec son ensemble de doctrines, de préceptes, de rites sacrés, de conseils evangéliques, vise