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SAGESSE. DOCTRINE

l’existence, 22a ; viii, τεχνίτης, (comparer xiii, 16) ; elle conserve et maintient les êtres créés par un perpétuel concours, χωρεῖ διὰ πάντων, vii, 216, et un renouvellement continu, τὰ πάντα καινίζει, vii, 27b dans leur être propre, en conformité avec les règles divines, ἐν ἐντολαῖς (θεοῦ), ix, 9cd ; elle gouverne enfin excellemment toutes choses, διοικεῖ τὰ πάντα χρηστῶς, VIII, 1b. Comp. xv, 16.

2. Si Dieu a créé le monde par sa parole, ἐν λόγῳ, ix, 16, comp. xvi, 12, 26, <vi prononçant les mots qu’il fallait, c’est en toute sagesse, τῇ σοφίᾳ, ix, 2a, qu’il a créé l’homme, c’est-à-dire, en son immanente sagesse-attribut. Mais, l’homme une fois créé, l’attribut reprend toute son activité propre pour combler cette créature de biens de tout ordre, et spécialement la remplir de vertus. Parce qu’elle sait tout, étant i esprit du Seigneur qui embrasse toutes choses », i, 7, τὸ συνέχον τὰ πάντα, comp. viii, 4a, 8a, c’est par la sagesse que l’homme aura connaissance des œuvres de Dieu, vii, 17-21, par elle qu’elles lui seront « enseignées », vii, 21b, πάντων τεχνῖτις ἐδίδαξε με σοφία. C’est par elle seule que l’homme apprendra la volonté de Dieu, ix, 13, γνώσεται βουλὴν θεοῦ, et comprendra ce que veut de lui le Seigneur, ἐνθυμηθήσεται τί θέλει ὁ Κύριος, comp. ix, 17. C’est par elle, par l’impulsion intérieure qu’il en recevra, quc l’homme connaîtra la pratique des vertus :

Ses élans sont nobles actions (ἀρεταί) :
Elle enseigne la tempérance et la prudence,
La justice et la force d’âme,
Ce qu’il est de meilleur en la vie des humains,   viii, 7.

C’est elle qui, « passant dans les âmes saintes », « crée » par cette sainteté même « amis de Dieu et prophètes », φίλους θεοῦ καὶ προφήτας κατασκευάζει, vii, 27. Et c’est « ainsi » que, « guide judicieuse en toutes entreprises », ix, 11b, ὁδηγήσει ἐν ταῖς πράξεσι σωφρόνως,

Redressant les sentiers des peuples de la terre,
Enseignant aux humains ce qui plaît au Seigneur.
La Sagesse les a sauvés (τῇ σοφίᾳ ἐσώθησαν).   ix, 18.

— comme en fait foi, du reste, toute la seconde moitié du livre, x-xix : salut toujours restreint, du moins dans sa forme extérieure et temporelle, aux « justes » patriarches, aux « saints » hébreux seulement, x, 4b, 5b, 6a, δίκαιος ; 15, λαὸς ὅσιος ; 176, ὅσιοι ; 20a, δίκαιοι ; xii, 7, θεοῦ παίδες ; 19 θεοῦ (υἱοί ; 22, ἡμᾶς (nous, israélites) ; xv, 19b, λαὸς (θεοῦ) ; xviii, 9a, ἡμᾶς (les saints enfants des bons) ; 13b, θεοῦ υἱὸς λαός. Les « autres peuples auxquels manque la connaissance de Dieu, fruit de la sagesse », xiii, 1a, πάντες ἄνθρωποι οἷς παρῆν θεοῦ ἀνγωσία, véritables « fous », μάταιοι, et « pécheurs », xii, 2a, παραπίπτοντες… ἁμαρτάνοτες, malgré que l’ « esprit immortel fût en eux tous », xii, 1 ἄφθαρτον πνεῦμα… ἐν πᾶσιν, ont été « châtiés » avec modération, pour qu’ils « crussent à leur tour en Dieu », xii, 2a, πιστεύσωσιν. Cf. xii, 37.

Platon croyait à une âme motrice unique ordonnant le κόσμος, qu’il appelait un « animal divin » : τὸν κόσμον ζῶον ἔμψυχον ἔννουν τε, Timée, 30 C, εὐδαίμονα θεὸν, 34 B, principe de tout ce qui se meut et vit dans l’univers, ἀρχὴ κινήσεως, pénétrant tout le monde des corps de son immatérialité, mais moyen-terme nécessaire entre ce dernier et la divinité, y produisant l’ordre par l’intermédiaire de la raison : τὸν νοῦν πάντα κοςμεῖν τὰ πράγματα διὰ πάντων ἰόντα, 413 C ; τὸν δὲ νοῦν πάντα διακοσμεῖν, Philèbe, 28 B. Après lui les stoïciens attribuèrent la même fonction au logos éternel », raison universelle qui fait la seule réalité des choses, qu’Héraclite d’Éphèse fut le premier à célébrer : γινομένων πάντων κατὰ τὸν λόγον τόνδε, Fragm., 1 : τοῦ λόγου δὲ ἐόντος ξυνοῦ (κοινοῦ) ζώουσιν οἱ πολλοῖ ὡς ἰδίᾳ ἔχοντες φρόνησιν, Fragm., ii ; qui s’étend διήκειν, διέρχεσθαι à travers toute la matière et gouverne tout (διοικεῖν, διέπειν).

Cette doctrine n’aurait-elle pas été empruntée telle quelle et directement aux écrits de ces philosophes par l’auteur du livre de la Sagesse, qui fait précisément de celle-ci un esprit remplissant l’univers : πνεῦμα Κυρίου πεπλήρωκε τὴν οἰκουμένην, 1, 7 ; le pénétrant tout entier : χωρεῖ διὰ πάντων, vii, 24 ; extrêmement mobile : εὐκίνητον, vii, 22 ; plus mobile que tout ce qui se meut : πάσης κινήσεως κινητικώτερον, vii, 24 ; principe omniprésent, gouvernant tout : διοικεῖ (διοικῶν) τὰ πάντα, viii, 1 (xv, 1) ; émanant de Dieu, ἁποῤῥοια, comme l’âme humaine et l’ordre du monde (κόσμος) « émanent » (ἁποῤῥοια) du logos stoïcien, Dieu n’étant pas ainsi essentiellement distinct de sa création, vii, 25 ? Animisme ? Émanatisme ? Panthéisme ? Matérialisme ? Quelques philosophes, critiques, exégètes l’ont pensé. Ici leurs noms et la référence à leurs études énumérées plus loin: Eichhorn, p. 111 ; Heinze, p. 101, 195 ; Grimm (commentaire), p. 167 ; Pflciderer, p. 293 ; /cllcr, t. ni 6, p. 293 ; Couard, p. 98 ; Drummond, t. 1, p. 87 ; Bois, p. 391.

Pour ce qui est de la sagesse-esprit, succédané hébraïque, helléno-palestinien, de l’âme du monde de Platon, l’auteur du livre est bien éloigné d’affirmer qu’elle aurait été le moyen-terme nécessaire dont Dieu aurait dû se servir pour créer le monde et continuer d’agir sur lui; puisque à son sentiment c’est Dieu lui-même qui a créé: ὅτε ἐποίεις τὸν κόσμον, ix, 96 ; ὁ ποιήσας τὰ πάντα, ix, 16, et que, si sa sagesse, alors présente, organisa l’univers en création, viii, 6 ; vil, 22a, elle ne dut pour cela nullement s’unir, comme une âme à un corps, à la matière où elle se meut toujours, bien qu’il fût en son pouvoir de lui conférer la vie. Si notre auteur, helléniste consommé, peut bien penser, sans en parler jamais, à l’âme du monde platonicienne, lorsqu’il attribue cette activité à la sagesse, ce ne peut plus être que pour trouver entre l’une et l’autre une notable ressemblance, et donc sans vouloir par là les assimiler, les identifier, marquer entre ces deux entités possibles… sa préférence pour la sagesse.

Quant au logos stoïcien, son omniprésence panthéiste n’a nullement déteint, en dépit des expressions choisies, sur les conceptions religieuses de l’auteur de la Sagesse. Le Dieu créateur qui, selon Sap., xv, 1, gouverne tout par la sagesse, viii, 1, ne peut être assimilé au λόγος κοινός stoïcien, pas plus que le Dieu ouvrier et maître du monde selon Job, xxxiv, 12-15 ; xxvii, 3, Eccle., xii, 7, qui remplit le ciel et la terre de son esprit, Jer., xxiii, 24 (ἐγῶ πληρῶ), omniprésent, Ps., cxxxviii, 1-13, (ποῦ πορευθῶ ἀπὸ τοῦ πνεύματος, σου) ; et l’envoie à sa volonté renouveler la face de la terre, Ps., ciii, 30 (ἐξαποιστελεῖς τὸ πνεῦμά σου…) : l’un et l’autre sont traditionnellement de même nature transcendante. De plus, à considérer les choses du point de vue moral, à savoir de la pénétration des âmes par la sagesse, une distinction essentielle doit être faite entre le logos κοινός, qui habite dans tous les hommes d’une même et unique façon, qu’ils soient bons ou mauvais, et la sagesse qui, si elle peintre également les âmes des bons et des impies pour les maintenir dans leur çtre et leur existence, agit néanmoins en elles de façon différente, travaillant à sanctifier celles qui sont bonnes, vii, 27, 28, mais se refusant à cette œuvre dans les autres, en ce qu’elles sont artificieuses, 1, 4a : ψυχὴ κακότεχνος, ou hôtes de corps ruinés par le péché, 1, [n, σῶμα κατάχρεον ἁμαρτίας.

Ne taisant pas de distinction réelle entre la divinité cl le cosmos, le stoïcien voit dans tous les êtres autant d’émanations du logos divin. La sagesse, qui pénétre le monde entier de son action, que le Siracide dit même répandue par I)icu créateur n sur toutes ses œuvres », Eccli., i, 9b : Κύριος… ἐξέχεεν αὐτὴν ἐπὶ πάντα τὰ ἔργα