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SAGESSE. LANGUE


modeste et doux, sachant si bien parler », XaXiàv rcpoïé[xevov rrpsTTÔvTcoç, II Mac., xv, 12, aimé de tous, l’auteur d’un écrit adressé à tous et ne respirant malgré sa vigoureuse éloquence que piété, modération, mesure et discrétion. Au surplus, rien de surprenant qu’il ne se soit désigné lui-même à mots couverts sous les traits du « juste », Sap., ii, 12-20, menacé ouvertement par les apostats jouisseurs, tenu qu’il était pour un reproche vivant de leur conduite sacrilège, ayant toujours été, en etïet, jusqu’à la fin celui qui < s’opposait » à leurs menées, leur reprochait de transgresser la Loi, et se tenant lui-même, dans la conscience qu’il avait de « posséder vraiment la connaissance de Dieu » et d’être « l’enfant du Seigneur », Sap., ii, 12-13. pour l’émule du premier bâtisseur du temple dont il était le gardien, et le dépositaire de la divine sagesse qu’il souhaitait à ses ennemis conjurés. Sap., viii, 2-ix, 18. A ceux-ci donc, qui réussirent à le frapper traîtreusement hors de l’asile abandonné, comme aux « rois », toujours sympathiques, mais faibles devant leurs flatteurs, ministres et conseillers, son livre de réprobation et d’exhortation sacerdotale était destiné, conçu, écrit et demeuré comme inachevé à Daphné, à l’heure de sa mort tragique.

Plusieurs exégètes et théologiens ont considéré le livre de la Sagesse comme une réfutation de celui de l’Ecclésiaste : au Salomon de celui-ci, « incroyant » et prônant la jouissance des biens de la vie, comme les « impies » de la Sagesse, ii, 1-19, l’auteur opposerait le « Salomon vraiment juif », ami de la sagesse. Nôldeke, Die alttestamentliche Literatur, Leipzig, 1868, p. 177 ; Ed. Kônig, Einleitung in das A. T., Bonn, 1893, p. 435 ; Siegfried, Kummentar zum Prediger, Tubingue, 1898, p. 23 et Die Weisheii Salomos, dans Kautzsch, Die Apokryphen und Pseudepigraphen des A. T., t. i, Tubingue, 1900, p. 476. D’autres l’eimsagent comme une protestation contre l’abus fait parles libertins de quelques propos de l’Ecclésiaste touchant la brièveté et la tristesse de la vie humaine, Sap., ii, 1 sq., comparé à Eccle., ii, 3, 23 ; v, 10-17 ; vi, 2 ; viii, 8 ; la mort implacable, Sap., ii, 2, comp. à Eccle., iii, 2, 18-21, ix, 4-G ; l’oubli total auquel sont voués les morts, Sap., ii, 4, comp. à Eccle., i, 11 ; ii, 10 ; iv, 16 ; ix, 10 ; l’heureuse jouissance des biens de la vie donnée à l’homme en « partage » et à lui proposée comme son unique fin, Sap., ii, 6-9, comp. à Eccle., ii, 10 ; iii, 12, 22 ; ix, 7-9 ; viii, 15 ; xi, 8 ; xii, 2-9. Voir Grimm, Das Buch der Weisheit, Leipzig, 1860, p. 30 ; Pflciderer, Die Philosophie des Heraklit, Berlin, 1886, p. 290 ; Wright, The Book of Koheleth, Londres, 1883, p. 61-72 ; Moulton, Ecclesiastes and the Wisdom of Solomon, New-York, 1903, p. xxvi sq. ; Zapletal, Das Buch Koheleth, Fribourg, 1911, p. 61 sq. — En réalité l’Ecclésiaste ne prône pas la tendance exclusive à la jouissance de la vie, mais seulement l’acceptation reconnaissante et l’usage joyeux des biens de cette vie, là où la bonté divine les accorde et les permet, iii, 13 ; v, 18. Il rejette plutôt le plaisir orgiastique et la vie sensuelle, x, 16 sq., 19. S’il a goûté expérimentalement à cette vie de plaisir, ii, 1-11, il en a d’ailleurs confessé le néant et a conclu à la nécessité de « craindre Dieu et d’observer ses commandements ».xii, 13 sq. Il n’a, du reste, pas dit un mot d’une invitation à persécuter, à opprimer les justes. Les passages comparés des deux livres ne sont pas, du côté de la Sagesse, des citations verbales ; les formules employées par les impies peuvent se référer à d’autres livres de l’Ancien Testament que l’Ecclésiaste, sans que pour cela ces impies — et surtout les païens eux-mêmes, ii, 1 sq. — dussent s’être autorisés de ces passages. L’auteur de la Sagesse, enfin, ne peut guère avoir eu la pensée de mettre sur les lèvres des impies des citations d’un livre saint, ni l’intention de les réprouver.

VII. Langue, texte et versions. — 1° Langue. — Le livre de la Sagesse, bien que transmis dans les manuscrits contenant la version des Septante, a été composé en grec et n’est donc pas une traduction de l’hébreu comme le sont. par exemple, le livre de l’Ecclésiastique et le premier des Machabées. fin font foi le vocabulaire, la syntaxe et le style proprement helléniques et qui ne laissent que peu de place à la couleur sémitique si particulière aux traductions grecques des livres composés en hébreu : mots spécifiquement grecs sans correspondants en hébreu ; adjectifs composés à la grecque ; allitérations par souci d’harmonie, paronomases, assonances intentionnelles praticables en grec seulement et extrêmement rares dans les traductions de l’hébreu : termes techniques empruntés à la langue philosophique ou mythologique dont les traducteurs ne font aucun usage là où ils les auraient pu employer, ou qu’ils n’emploient pas dans le sens que ces termes avaient couramment dans les écoles ; longues périodes contrastant avec la simple juxtaposition des propositions dans la phrase hébraïque ; raisonnement philosophique, bien que non conduit tout à tait selon la forme strictement logique du syllogisme aristotélicien (sorite de VI, 17-20) ; accumulation d’épithètes à l’adresse de la sagesse (vu, 22-23) dans le goût des rhéteurs grecs et des écrivains judéoalexandrins (tels le stoïcien Cléanthe énumérant toute une série de propriétés, attributs et qualités du Bien, selon Clément d’Alexandrie, Protreplique, vi, 72 et Eusèbe, Priepar., xiii, 3 ; Philon, De sacrif. À bel et Caini, 32) ; expressions et tournures favorites se répétant dans les diverses parties du livre et qui se comprennent mieux de la part d’un auteur que de celle d’un traducteur. On sait que les anciens classiques exigeaient de la prose même qu’elle fût rythmée en quelque manière par l’emploi d’une cadence finale : or cette loi se trouve souvent observée dans le livre de la Sagesse. Si bien que, de saveur proprement hébraïque, il ne reste, pour le style, que le parallélisme des membres de phrase employé de façon intermittente par l’auteur, familiarisé de longue date avec les écrits sapientiaux de l’Ancien Testament et s’étudiant parfois à les imiter, et, pour la syntaxe des mots, quelque rare locution en infinitif absolu de renforcement ou en répétition de vocables exprimant la même idée (xpîveiv xpicr.v, ix, 3 ; ôaîcoç ~y. ocr.a ôoitoG^oovrai, vi, 10).

La culture hellénique reçue par l’auteur dès sa prime jeunesse se trahit, du reste, sous sa plume par mainte réminiscence des auteurs en vogue dans les écoles, parmi les allusions bibliques, toutes naturelles (liez un auteur juif palestinien de naissance. Ce sera, suivant l’occasion ou l’opportunité, une façon de pensée, une image, une simple expression d’appartenance classique, restée jusque-là incommuniquée au trésor des vocables littéraires ou philosophiques des traducteurs de l’hébreu en grec : Ainsi l’aÙToa/soloç èyzvrflr^ev, des impies, ii, 2a, est [’expression même dont se servaient les matérialistes (contredits par Cicéron ; nec « fortuito » sati et creati sumus, Tusc, i, 49) pour affirmer le jeu du hasard dans les phénomènes de la nature ; les mêmes impies assimilent l’âme humaine à une « fumée » (xaTrvôç) qui se dissipe à la mort, ii, 2c-3 : image familière aux anciens poètes et philosophes, Homère, Iliade, xxiii, 10 ; Platon, Phédon, 70 A ; Lucrèce, De naturel rcrum, iii, 2 :  ;  :  ;, 156 ; la fascination que le vice exerce sur l’âme comparée à un « aveuglement » qui empêche de voir « le bien », iv, 12, àpiaupoî Ta y.aLà : expression pythagoricienne, Stobée, 18 ; la mort prématurée du juste conçue comme une marque de la bienveillance divine, iv, 14-15 : compa er Ménandre, 425, Ôv vàp Œoi çiXoùctiv à.T.oQvrpv.zi vsoç (Plante, Les Bacchis, IV, vii, 18 : Quem dii diligunl, adolescens moritur). Empruntée aussi au grec classique