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SAGESSE. BUT ET DESTINATAIRES


prince ne réalisa pas son projet et se repentit même de l’avoir conçu.

D’époque d’hostilité aux juifs d’Egypte, il ne reste plus après celle-là que celle où régnèrent les tout derniers Ptolémées, de l’an 88 à l’an 30, date où, sous Auguste, l’Egypte devint province impériale. Durant ce demi-siècle, en effet, les juifs d’Alexandrie qui avaient de nouveau combattu contre divers aspirants au trône, tels que Ptolémée VIII Soter Lathyre (116108). Ptolémée IX Alexandre (108-88). Ptolémée X (lemêmequePtoléméeVIII(88 80), Ptolémée XI Dionysos Aulète (80-58) et X i 1 1 (55-51), cf. Josèphe, Antiq., t. XIII, c.x.n. I et xiii, l-2 ; l. XIV, c. vi, 2 ; Debell.jud., t. I, c. viii, n. 7, purent bien souffrir aussi de représailles lorsque ces princes vinrent à régner ; mais ces représailles ne revêtirent non plus le caractère anti-religieux et anti-social, que supposerait la Sagesse.

Ce ne sauraient donc être des -rois » hellènes d’Egypte, ni d’hypothétiques « apostats » du judaïsme alexandrin qui seraient évoqués et morigénés par le pseudo-Salomon, et ce ne serait pas non plus en Egypte que son livre aurait été écrit. Aussi bien, les événements historiques de portée sociale et religieuse qui coïncident parfaitement avec le tableau discrètement tracé par l’auteur du livre, des épreuves infligées aux « justes » dans les rangs du peuple juif demeuré fidèle à la Loi — épreuves dont cet auteur fut assurément le témoin fort ému et au milieu desquelles, à y regarder de près, il fut aussi partie agissante autrement que par son éloquente protestation — sont-ils ceux qui se produisirent dans le pays judéo-palestinien immédiatement avant l’insurrection machabéenne ; et l’écrit doit-il avoir vu le jour en ce pays même, à l’exclusion de tout autre, par les soins du seul homme qui pouvait alors s’adresser en toute autorité et compétence aux « rois » étrangers et aux « apostats » ses compatriotes, fauteurs responsables de ces épreuves et des troubles politiques déjà profonds qu’elles commençaient d’engendrer.

Dès Pavèncmcut d’Antiochus IV Épiphane, « s’élèvent d’Israël des gens pervers ». utoï 7capàvou.oi (ennemis de la Loi), I Mac, i, 11, qui parlent d’introduire « chez eux » et de « pratiquer les coutumes des païens », Stxauôjj.a-u’a (droit civil et religieux), « abandonnant ainsi la sainte alliance », et « entraînant avec eux un grand nombre » de leurs compatriotes, 11-15 : véritables « apostats » (à^éo-r^aav, 15), « rendant même un culte (Aa-rpeîoc) au souverain, sacrifiant aux idoles et profanant le sabbat », 43, dans « l’oubli de la Loi et par un changement total du droit », 49, 52. Ces gens pervers que le premier livre des Machabées, les rapportant aux premières années du règne d’Antiochus (176-168), nous dépeint sous des traits si ressemblants à ceux des « impies » du livre de la Sagesse, sont nom mes dans leurs principaux chefs au second livre. Ce sont : le frère même du grand-prèlre Onias, Jason, qui avec « son parti trahit la cause (inéart)) de la Terre sainte et du royaume (de Dieu) », Il Mac., i, 7, et qui, devenu grand-prêtre à son tour, supplantant Onias auprès du roi, « s’empresse d’helléniser ceux de sa race, en les poussant aux mœurs étrangères, jusqu’aux prêtres eux-mêmes », iv, 10-14 : puis Ménélas. qui, « trois air-après », supplantant Jason comme celui-ci avait supplanté Onias. et i animé des passions d’un tyran et des colères d’une bête féroce » fait traîtreusement assassiner l’ancien grand prêtre, 23-24. L’œuvre d’hellénisation est tout d’abord simplement autorisée par Antiochus, I Mac, i. 13-15 ; II Mac. iv. Ht. eu attendanl que ce même roi vienne à la prescrire formellement, I Mac. i. Il 5 :  ;, sous peine de mort.

Éloquent plaidoyer, auprès des « rois et des impies

apostats i, contre l’OSUVTe de propagande en faveur de

l’hellénisation à ses débuts, le livre de la Sagesse dut èl re écrit avant l’ère de ces mesures draconiennes prises par Antiochus, et dès avant la mort d’Onias dont l’assassinat « révolta non seulement les juifs (fidèles) mais un grand nombre de païens » et « affligea sincèrement Antiochus, Lequel, touché de compassion, pleura cet homme vertueux et si plein de probité ». II Mac, iv, 35-37. Ne l’aurait-il pas été alors par Onias lui-même dépossédé de sa charge de grand-prêtre, « réfugie dans un lieu d’asile (probablement un temple d’Apollon et de Diane) à Daplmé », près d’Antioehe. et néanmoins tenu au courant des faits attentatoires à la piété juive et à la sainteté de la demeure divine qu’il devait déplorer, réprouver, condamner ? iv, 33.

Aussi bien, la noble et douloureuse figure du célèbre pontife domine-t-elle de toute sa hauteur, d’après les livres des Machabées, la série des événements de caractère de plus en plus tragique qui marquèrent les « jours mauvais » pour « l’alliance conclue par Dieu avec ses serviteurs fidèles, Abraham, Isaac et Jacob », II Mac, i, 1-5, depuis l’avènement de Séleucus IV, « roi d’Asie » ( I 87-175), iii, 3 -temps d’abord heureux, où « les rois eux-mêmes respectaient le saint lieu et honoraient I" temple de beaux présents », iii, 2, sous le pontificat du grand-prêtre Onias si distingué par « sa piété et sa sévérité » envers les méchants — jusqu’à la brutale intervention d’Antiochus IV dans la vie religieuse d’Israël (vers 170-109), six ans environ après son avènement. I Mac, i, 20-64 et II Mac, vii, Il sq. Durant cette période, tout en restant « ami des rois » et de leurs ministres, II Mac, iii, 9 et 35 ; cf. I Mac, x, 20, le pieux Onias défendait, en effet, sous Séleucus IV, avec fermeté et douceur le trésor du temple, « dépôt appartenant aux veuves et aux orphelins », contre le préfet du temple lui-même. Simon le Bcnjaminite, et contre Héliodore ministre de Séleucus, II Mac, iii, 4-35, et plaidait auprès du roi « pour la paix publique » déjà troublée « par les excès du même Simon », II Mac, iv, 1-0, alors chef du parti qui voulait s’affranchir de la contrainte de la loi mosaïque pour adopter les mœurs grecques. I Mac, i, 11-15. Sous Antiochus, et dépossédé depuis trois ans au moins, II Mac, iv, 23, il reprochait encore vivement à son successeur Ménélas le pillage éhonté du temple et, « malgré ses soupçons », espérant toujours ramener à de meilleures dispositions ministres du roi et grand-prêtre, consentait à quitter par une imprudence fatale son lieu d’asile, après avoir reçu leurs « serments ». II Mac, iv, 32-34.

A quel autre attribuer la défense de la Loi violée, le plaidoyer pour la sagesse libératrice qu’est notre livre, qu’à cet homme dont le nom demeurait dans la mémoire de tous comme celui du « bienfaiteur de la ville, du protecteur de ses compatriotes », II Mac, iv, 2, que Judas Machabée voyait en « songe » prier encore les mains tendues pour toute la communauté juive ? xv, 12. Nul doute qu’il n’ait reçu dans sa jeunesse, comme les jeunes gens les plus distingués », iv, 12, en même temps que son frère Jason, la culture hellénique qui le mettait à même d’exercer plus utilement, sous la dominât ion des Séleucides, les fonctions de grand-prêtre cl le pouvoir qui y était attaché, culture qui ne l’empêcha nullement de « s’appliquer depuis son enfance à toutes les vertus », xv. 12, alors qu’elle amenait malheureusement son frère à une « extrême perversité ». iv, 13. Il avait vu de ses propres yeux « le temple et les sacrifices délaissés par les prêtres courant aux jeux profanes », iv, 1 I, et aux « banquets païens », Il Mac, VI, 7 8. oïi l’on mangeait, couronné de « lierre » ou de » roses (Sap., n. M 01 signe de l’apostasie le plus impressionnant pour la foule, II Mac, vii, 42 — la chair des victimes sacrifices aux dieux du paganisme. On ne peut voir qu’en ce « zélé défenseur des lois » mosaïques, iv, 2, par ailleurs « homme de bien,