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    1. SAGESSE##


SAGESSE. BUT ET DESTINATAIRES

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en lettres de sang dans les pages émouvantes d’autres livres bibliques tout voisins du nôtre.

VI. But et destinataires.

L’auteur écrit à une époque et dans un milieu où s'étaient implantées dans les cœurs de ses compatriotes des « pensées folles et perverses », i, 3, 5 ; où se proféraient des « blasphèmes » et se tenaient des « propos injustes et clandestins », que ne réprimaient point les chefs du peuple, i, 6, 8, 11 ; où des « impies raisonnaient de travers » sur le sens de la vie et la destinée de l’homme, ii, 1-6, adoptant une vie de plaisir pernicieux et se rangeant à des « coutumes étrangères et contraires à la Loi », ii, 7-9, s'élcvant contre les « justes restés fidèles au Seigneur », les abreuvant d' « outrages », les menaçant « de tourments et de mort honteuse », s’excitant à « opprimer, avec ces justes, les veuves et les vieillards ». ii, 10-21. De la menace, ces impies paraissent avoir passé à l’effet : m, 2-4 ; iv, 7, 10 : des justes sont morts, "condamnés par eux, qui refusaient de partager leur « façon de vivre ». ii, 6, 13 ; v, 3, 4. Ceux qui pensent, parlent et agissent ainsi sont des « transgresseurs de la Loi », ii, 12, des « apostats », toû Kupîou àTCOTâvTsç, iii, 10 ; et ceux qui les conseillent, ou tout au moins les laissent faire sont des « juges de la terre », i, 1. des « monarques. v, 23, des « rois », vi, 1, 0, lesquels, bien que « tenant leur pouvoir du Très-Haut », vi, 3, n’ont pas en cela « jugé avec droiture », n’ont pas « marché suivant la volonté de Dieu », vi, 4. Et c’est à eux tous, « impies » et « puissants » que l’auteur « adresse ses paroles », vi, 10, 11, 26. Ces « ministres du gouvernement de Dieu. xjTvrfiézoLi …tîjç (Qeoû) pocaiXstocç, vi, 5, ayant, les uns manqué à leur devoir de bons juges, les autres n’ayant pas gardé la Loi, sont invités à « apprendre la sagesse », ïva ".<xOy)ts aoçîav — car ils se sont en vérité conduits comme des « insensés, — apàcppovsç, v, 20, ô^poveç, m, 2 ; v, 4 — afin de pouvoir, au contraire de leur conduite présente, les uns juger leur peuple avec justice, ix, 3, 12 ; en vrais « rois sensés », vi, 24, qui ne veulent pas « périr », vi, 10, 21, |j.rj TCapaTCé<r/]TS, les autres, observer mieux les saintes (lois), vi, lia, cpuXâ^avTeç ôcrîtoç xà oa'.a. C’est dans le but de les amener tous à résipiscence et conversion que l’auteur écrit son livre, où il leur montre : quelle est leur folie, leur erreur, dans l’attitude prise à l'égard des sages et des justes d’Israël, i-v ; quelle est en soi cette sagesse reçue de Dieu et pratiquée autrefois par Salomon pour son avantage et son bonheur, vi-ix ; quels exemples de folie sans cesse châtiée d’un côté, de sagesse toujours récompensée de l’autre, ont été donnés au monde, dès l’origine jusqu'à l’exode du peuple juif, par les premiers humains, par Israël lui-même et par ses oppresseurs, x-xix. Malgré leur aveuglement actuel, qu’ils pourront un jour, au jour du « jugement.reconnaître et regretter, v, 3, èv éau-roîç |j.stocvooOvtsç, il espère être écouté et compris, vi, 25-20 : ses paroles leur serviront, 20, y.rù wçeXrjOYjæaŒ ; leur sagesse affermira leur pouvoir, consolidera leur trône, vi, 21-22, rendra leur peuple prospère, 25 : et le peuple de Dieu une fois de plus sera sauvé, xix, 22. C’est dans le but de les gagner au pur monothéisme et de les amener à une vie conforme à la morale dictée au peuple choisi qu’il les instruit, et même qu’il les menace. Aux juifs athées qui se disent « nés du hasard », ii, 1 sq., aux païens qui adorent des idoles de bois et d’argile, statues des souverains, images visibles du roi vénéré et cependant objets sans aucune puissance, xiii-xv, il démontre l’existence du vrai Dieu par la contemplation de ses œuvres dans la nature, xiii, 1-9. Pour les juifs « hellénisés » (II Mac, iv, 10) et compromis dans leur folie de propagande des idées et des mœurs païennes, i, 3-16, ennemis de la « conduite » des justes fidèles à la Loi, comme pour les « rois » qui méconnaissent la véritable sagesse, vi, 1-4, il revêt celle-ci d’un « vêtement philo sophique » (Heinisch, op. cit., p. xxvi) emprunté à la pensée grecque, en vue de les prévenir en sa faveur, vu, 17-30. Il formule enfin, hardiment et sans crainte aucune, les châtiments qui attendent et les apostats, dans leur personne, i, 12, 16, dans leur postérité, iii, 10-12. 16-19 ; iv, 3-6, au dernier jour, iv, 17-20 ; v, 714, 17-23, et les rois eux-mêmes par la perte de leur royauté, vi, 3, 6, 8, s’ils ne se rangent enfin, ébranlés par le tableau de leur indignité présente et la menace du » jugement » futur, à une juste appréciation de la sagesse et à la « vie sans tache », iv, 8, 9, qu’elle comporte et exige.

Ce n’est qu’en seconde ligne (et non « tout d’abord Heinisch, p. xxiii) ou plutôt indirectement, que l’auteur voudrait « consoler les juifs restés fidèles, dans les circonstances si troublées du présent ». Ce n’est que pour prouver la sagesse des justes, opposée a la folie, à la déraison des persécuteurs, qu’il trace le tableau de la récompense des justes morts « méprisés » par leurs « adversaires, n. 22-m, 9, 13-15 ; iv, 1-2 ; v, 13-14, et qu’il explique comment Dieu a pu permettre leur mort prématurée à raison de leur mérite

acquis en peu de temps » et de la grâce que Dieu leur a faite de les rappeler si tôt d’un « milieu pervers ». iii, 1-9 ; iv, 7-15. « Il montre toutefois ainsi que vertu et crainte de Dieu ne rendent point nécessairement l’homme malheureux en cette vie, mais lui procurent le suprême bonheur dans l'éternité. L’histoire à la main, il montre à ses coreligionnaires que Dieu a autre fois assisté leurs pères de miraculeuse façon, alors qu’ils se trouvaient en situation plus fâcheuse encore qu’euxmêmes, alors qu’ils languissaient dans la servitude égyptienne, et qu’il a en tout temps donné à son peuple aide et glorification. i. 22. Il éveille ainsi en eux l’espoir que Dieu ne les abandonnera pas non plus, attendu qu’ils sont destinés à apporter au monde le salut, xviii, 4, et que l’idolâtrie d’où viennent tous les maux, xiv. 12 sq., et qui est en dernière analyse la cause de leur malheur, ne peut durer éternellement, mais aura un jour une fin. » Heinisch, ]). xxm-xxiv.

Et maintenant quels sont, pour les juifs fidèles, ces temps d'épreuve qu’a vécus et que vit encore l’auteur lui-même'? En quelle contrée celle de la diaspora

israélite (l’Egypte), ou celle du berceau de sa race (la Palestine) se joue ce drame, si douloureux au cœur du pseudo-Salomon ? À quels puissants, à quels « rois » (l’tolémées ou Séleucides) veut-il faire entendre sa pressante réclamation, faire écouter ses conseils de religieuse et pacifique sagesse'? Quel peut être enfin l’homme assez plein de courage et revêtu d’assez d’autorité religieuse pour faire ainsi la leçon aux corrupteurs officiels du peuple de Dieu et à ses avérés persécuteurs ?

On a parlé, comme des plus vraisemblables, de l'époque et du royaume égyptien des derniers Ptolémées — à l’exclusion des premiers qui furent on ne peut plus favorables aux juifs jusqu'à Ptolémée VI Philométor inclusivement. Après ce dernier. Ptolémée VII Physcon Évergète (145-116) se montre, au début de son règne, hostile aux juifs. C’est, du moins, ce que rapporte Josèphc, Cont. Ap., ii, 55, lequel place à cette date les événements antidatés par III Mac. Mais il n’est pas vraisemblable que ce roi, voulant alors poursuivre dans l’ensemble tous ceux qui avaient auparavant soutenu contre Antiochus Épiphane (vers 170) et contre lui-même, la cause de son frère aine. Ptolémée VI Philométor, (irecs aussi bien que Juifs, ait fait parmi ces derniers la distinction marquée par le livre de la Sagesse entre apostats et fidèles, les représailles devant s’exercer sans égard à la religion non plus qu'à la nationalité des anciens opposants. Du reste, Josèphe affirme au même endroit que le