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SAC.ESSE. AUTEUR


son auteur « Sagesse de Salomon », sinon par une pure fiction littéraire dont la portée réelle ne peut avoir échappé aux premiers lecteurs. Il eût donc été dès l’origine pseudépigraphe et, sous ce titre, ne pouvait avoir de sens que par rapport à sa doctrine de la sagesse qu’il mettait dans la bouche de Salomon. Son titre, s’il est primitif, n’est pas ainsi théologiquement traditionnel et, tout comme les passages cités plus haut relatifs au personnage fictif de Salomon auteur, n’a pu qu’induire en erreur les Pères et écrivains ecclésiastiques qui l’ont interprété comme une désignation de l’auteur même. Déjà, du reste, dans l’antiquité chrétienne, des doutes se firent jour à ce sujet. L’auteur du fragment do Muratori, de quelque façon que l’on interprète son texte (voir col. 703), écarte absolument la qualité d’auteur de la Sagesse attribuée au roi Salomon. Origène citait le livre simplement comme « intitulé » Sagesse de Salomon : y) emyeYpa.iiy.evq -roij E0X0U.WVTOÇ aoepîoe, In Joan., xx, 4, P. G., t. xiv, col. 581, ou comme « attribué » à Salomon : in Sapientia qux dicitur Salomonis. De princip., t. IV, c. xxxiii, P. G., t. xi, col. 407. Eusèbe de Gésaréc introduisait un texte du livre de la Sagesse par une formule toute semblable, sinon plus dubitative encore : « Celui qui attribue la toute vertueuse Sagesse à la personne de Salomon, a dit » ô tyjv TCxvapé-rov cocp’.xv sic gojtoù (SoXojjLÔivToç) tcoÔctcûttov àvaOslç Sq>T), Præp. evang., t. XI, 7, P. G., t.’xxi, col. 865. Le doute et la négal ive deviennent catégoriques chez saint Augustin et saint Jérôme. De civit. Dei, t. XVII, c. xx, P. L., t. xli, col. 554 : Sapientia ut Salomonis dicatur oblinuit consuctudo : non autem esse ipsius non dubitant doctiores. Et parmi ces « plus doctes », Augustin rangeait peut-être saint Jérôme qui, après s’être refusé à traduire ce livre qui a plerisque Sapientia Salomonis inscribitur, Præj. in libros Salomonis juxla LXX interprètes, P. L., t. xxix, col. 404, le déclare fermement pseudépigraphe : tyzu-Bsniyç > r x(f>oç, qui Sapientia Salomonis inscribitur… apud Hebrœos nusquam est, quia (quin ?) et ipse stijlus grxcam eloquenliam redolct. Præj. in lib. Salomonis, P. L., t. xxviii, col. 1242.

Quant à la voie moyenne, si la langue et même le contenu du livre de la Sagesse, à savoir sa doctrine en tant que formulée à la manière dont la pensée grecque se cristallise dans les mots (voir plus loin) — siylus… grxcam eloquentiam rcdolens — interdisent de l’attribuer exclusivement à Salomon, l’hypothèse d’un rapport plus lointain et plus libre du livre à ce sage couronné, par l’utilisation d’un fonds de pensée salomonienne remis en œuvre par un juif écrivant en grec, n’est pas moins exclue. Pour que ce rapport fût réel au point d’amener à conclure à la qualité d’auteur, il faudrait que l’on pût constater qu’une masse importante, tout à fait considérable, voire la plus essentielle du contenu doctrinal appartient en réalité à Salomon émettant ces enseignements en tel milieu et en telles circonstances historiques ; car l’introduct ion de quelques pensées ou aphorismes salomoniens dans une œuvre d’aussi longue haleine que la Sapiencc ne peut suffire à créer deux parts égales de responsabilité littéraire. Or, bien que l’écrivain juif du livre de la Sagesse se rencontre assurément en plus d’un point, et dans l’expression même, avec la doctrine sapicntielle des livres salomoniens, il est clair qu’il la présente et l’expose dans des conditions de culture générale, de mentalité ambiante et d’événements contemporains d’un àu> de beaucoup postérieur à celui du roi Salomon (voir plus loin), et qu’à lui seul peut convenir le litre d’auteur. D’autre part, la supposition d’ « écrits perdus venant de Salomon lui-même » dont il aurait fait usage n’est démontrée par aucun argument positif », d’autant que

notre auteur aurait été seul chose improbable « à

connaître de ces écrits de Salomon totalement igno rés. 1 Renié, Manuel d’Ecriture sainte, t. 11, Lyon-Paris, 1930, p. 187, citant Cornely-Hagen, Compendium introductionis in S. Scripturx libros, 8e éd., p. 308.

Les mêmes raisons de l’ordre matériel ou formel qui ne permettent pas de voir dans l’auteur du livre de la Sagesse un juif de langue et de formation uniquement palestiniennes, rendent également caduques les hypothèses par lesquelles on a cru pouvoir attribuer ce livre soit à Zorobabel, « un second Salomon », Faber, Prolusiones de libro Sapientix, Anspach, 1776-1777, part. V, p. i-vi ; soit à Jésus, fils de Sirach, S. Augustin, De doclr. christiana, t. II, 13, P. L., t. xxxiv, col. 41 : Duo libri, unus qui Sapientia, et alius qui Ecclesiasticus inscribitur, de quadam similitudine Salomonis esse dicuntur : nam Jésus Sirach eos conscripsissc perhibetur. Du reste, si Zorobabel édifia lui aussi un temple, ou plutôt réédifia le premier temple détruit, il s’agit trop clairement, dans ix, 8, de ce premier temple ; et jamais Zorobabel, simple satrape d’une minuscule province de l’empire perse, ne fut le jeune roi de ix, 1-7, demandant à Dieu la sagesse. Hypothèse combattue et réfutée sitôt que née par Hasse, Kœnigsberg, 1788, Eichhorn et Bertholdt, loc. cit. Saint-Augustin s’est repris lui-même et a rétracté sa première conjecture dans Rctractationes, t. II, c. iv, 2, P. L., t. xxxii, col. 031 : De auctore libri quem plures vocant Salomonis, quod etiam ipsum sicut Ecclesiasticum Jésus Sirach scripserit, non ita eonstare sicut a me diclum est postea didici, et omnino probabilius comperi non esse hune ejus libri auctorem. L’auteur qui s’adresse directement aux rois païens du monde étranger au peuple juif (1, 1 ; vi, 1), comme s’il se donnait particulièrement mission de les amener à partager ses vues sur la Sagesse, pouvait cependant, et légitimement, user de cette fiction de leur parler au nom du roi Salomon. Celui-ci, dont la sagesse avait suscité l’admiration profonde des rois ses voisins et des princes qui étaient venus de loin le visiter.III Reg., iv, 29-34 et x, 6-8, était alors resté le modèle de cette sagesse, et c’est à lui que l’on attribuait communément les proverbes et maximes qui avaient cours en Israël. Ces rois et princes anciens, jusqu’aux rois et princes actuels en qui de quelque façon ils se personnifient, gouvernaient autrefois par la sagesse même des Proverbes, bien que peut-être à leur propre insu (Prov., vin, 15-16 et Sap., vi, 3) ; mais ils l’ont perdue, cette sagesse, si bien qu’elle a dû se réfugier « à Sion, et Jérusalem sa ville bien-aimée » (Eccli., xxiv, 6-31) ; et ils ne peuvent maintenant la recouvrer qu’en l’apprenant à nouveau de leur collègue dont la voix autorisée franchit les siècles. Sap., vi, 9. Ainsi les paroles de l’auteur lui-même, dans le livre qu’il adresse sans crainte aux puissants de la terre pour les induire à rechercher Dieu et à se garder de toute offense à son égard, n’auront que plus de poids sous le couvert de cette prosopopée transparente, intelligible et nullement choquante pour les contemporains, et imposeront davantage aux païens et aux juifs eux-mêmes. 2° L’auteur probable.

On ne peut plus nier que

cet auteur ne soit un juif de culture littéraire et philosophique de provenance hellénique ou gréco-alcxandrine, écrivant, non. peut-être en Egypte (voir plus loin), au cours des trois siècles qui suivirent la conquête de l’Orient par Alexandre le Grand, et nombre d’années apparemment après Ptolémée II Philadelphe (285-246) sous le règne de qui fut commencée la traduction grecque des Livres saints, dite des Septante, citée dans l’ouvrage. Il paraît bien avoir eu connaissance de tonte science et de tout art à quoi s’adonnail avec quelque ardeur son entourage hellénisé et que des orateurs ambulants sortis des écoles philosophiques prenaient alors à tâche de répandre dans le peuple : science de la nature dans tous ses