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SAGESSE. AUTEUR


qu’amener le lecteur à la même conclusion. Comme notre auteur, du reste, « Ézéchiel, xx, reprochant au peuple de Dieu ses fautes s’arrête préférablement à la traversée du désert ; et le psaume civ (liéb. cv) que Par., xvi. 7. attribue à David, ne traite non plus de l’Histoire sainte que jusqu'à l’entrée d’Israël en Palestine sous le rapport plus particulier des prodiges accomplis lors de la sortie d’Egypte et au cours des pérégrinations dans les solitudes » (Heinisch, p. xxxv).

Si quelques stiques peut-être — dans i, 15 et ii, 18 — auraient été perdus lors de la transcription du texte grec, il ne se peut toutefois que les versets signalés par Grâtz dussent être considérés comme des interpolations chrétiennes uniquement parce qu’ils contiennent des doctrines purement chrétiennes, car l’Ancien Testament contient beaucoup de doctrines de ce caractère qu’il serait certes tout à fait abusif de taxer de « bousillage » de textes, opéré par des « copistes chrétiens », désireux d' « introduire leur dogmatique » dans le livre de la Sagesse. « Du reste, il n’y a rien dans les versets objectés qui n’ait pu être écrit par un auteur juif inspiré. Assurément la doctrine qui affirme que l’introduction de la mort dans le monde est due à l’envie du diable (n, 24) n’est pas moins juive que chrétienne, puisque c’est aux premiers chapitres de la Genèse que l’a puisée l’ancienne Synagogue. La virginité volontaire a été sans doute inconnue de l’Ancien Testament : mais les passages iii, 13 et iv, 1, ne louent premièrement et directement que la chasteté, et c’est à bon droit que nous (chrétiens) après avoir appris du Christ l’excellence de la vertu spécifique de virginité dans le genre chasteté, aflirmons que ces louanges se rapportent aussi à la virginité. Bien que peut-être l'écrivain lui-même n’ait point su qu’elles valaient de la virginité, « l’Esprit-Saint qui en arrêta les termes par l’auteur inspiré a prévu sans aucun doute cette occurrence de pensée chez le lecteur et l’auditeur chrétien, bien plus, y a pourvu parce qu’elle est elle-même en liaison étroite avec la vérité ». S. Augustin, De doclr. christ., t. III, xxvii, P. L., t. xxxiv, col. 80. Le quatrième texte, enfin, xiv, 7, traite au sens littéral de l’arche de Noë, laquelle est dite « bénie », parce que c’est par elle que Dieu dans son juste dessein préserva la pieuse famille de Noë de la mort des pécheurs. Cette doctrine est, elle aussi, certainement non moins judaïque que chrétienne. Mais de ce que l’auteur ait employé les mots : « Béni est le bois par quoi naît la justice », fort justement entendus au sens mystique du bois de la Croix, il ne s’ensuit pas assurément qu’il fut lui-même chrétien, mais que sa plume fut conduite par le Saint-Esprit. » Cornély, Introductio specialis, t. ii, p. 220-221.

V. Auteur et date.

1° Le livre de la « Sagesse de Salomon » est-il du royal fils de David écrivant en hébreu au xe siècle avant notre ère ? 2° Sinon — comme il est certain — à quel auteur juif écrivant en grec vers le IIe siècle avant le Christ, faut-il le rapporter ?

Salomon ne peut avoir été l’auteur du livre.

En

quelques passages, il est vrai, le livre de la Sagesse paraît entendre se présenter lui-même comme écrit par le roi Salomon : c’est un roi qui parle d’un bout à l’autre de l’ouvrage, vii, 1-6 ; ix, 7 ; un jeune roi qui a demandé (et obtenu) de Dieu la sagesse, ix, 1-6, et qui a reçu de Dieu mission d' « élever un temple sur la montagne sainte » de Jérusalem, ix, 8 ; et c’est aussi bien d’abord en raison de ces assertions très claires que, plusieurs siècles après la rédaction (ou traduction) de ce livre en grec, les copistes des plus anciens manuscrits que nous en possédions (N, B, A, C) lui donnèrent le titre de « Sagesse de Salomon », et que nombre de Pères de l'Église chrétienne et d'écrivains ecclésias tiques, comme de rabbins du Moyen Age, et même, jusqu’aux temps les plus modernes, voire contemporains, de théologiens protestants ou catholiques, virent en lui une œuvre exclusivement salomonienne en sa totalité ou, pour quelques-uns tout au moins, primordialement conçue par le fils de David et restée inachevée.

Clément d’Alexandrie, Strom., t. VI, c. xiv, P. G., t. ix, col. 332 ; Tertullien, De prmscr. adv. har., e. vii, P. L., t. ii, col. 20 ; S. Hippolyte, Adv. Jud., c. ix, P. G., t. x. col. 7'.)2 sq. ; S. Cyprien, Exhort. mart., c.xii, P. £., t. iv, col. 673 ; De mortal., c. xxiii, ibid., col. 598 ; Lactance, De instit., iv, 16, P. L., t. vi, col. 197 ; pseudo-Àthanase, Synopsis, c. xlv, P. G., t. xxviii, col. 373 ; S. Basile, Jn princ. Prou., iv, P. (.'., I. xxxi, col. 393 ; S. Épiphane, Adv. hær., i.xiv, 54, P. G., t. xi.i, col. 1160 ; S. Hilaire, in /'.s. r.. 1//, '.t. P. L., I. ix, col. 708 ; S. Ambroise, De paradiso, c. xii, 54, /'. L-, t. xiv, col. 301. — Rabbins lisanl N' livre dans une traduction hébraïque : Alii (Rabbini t dicunt composuisse Muni (lib. Sap.) ipsuni Salomonem regem (Rab. Gedaliah) ; ci Rab. Azarias : Mihi verisimile videtur itlum (lib. Sap.) ita composition esse a Salomone rege… ut mitterei eum ad aliquem reqem ad finem Orientis : Dans Hottinger, Thesaur. philol., Zurich, 1649, p. 522 sq. — Théologiens : Rob. Holkoth, Pastilla supra lib. Sup. Salom., Cologne, 1689, p. 3 ; Sixte de Sienne quif converti), Bibïioth. sancta, I. i. Venise, lf)7. r >, p. 18 ; Tirin, In univ. S. Script, cumin., éd. Turin, t. iii, 1883, p. 5 : Longe probabilius… ; Schmid, Dos liuch der Weisheit, Vienne, ix : >s, p. 21 sq. — Protestants : Petersen, Erklârung ilcr Weisheit Salomonis, Budingue, 1727, p. 7 sq. ; Margoliouth, The Wisdom… of Solomon, dans Expositor, 11)00, t. i, 141 sq., et 186 sq.

Suivant une voie moyenne, Conrad Pellican (luthérien), dans le prologue à son commentaire de la Sagesse In libnis Apocryphos, Zurich, 1582, jugeait que ce livre contenait un fond salomonien — pensées ou même écrits — mis en œuvre par un juif de langue grecque. Ont professé cette opinion jusqu'à nos jours parmi les catholiques : Bonfrère. Prseloquia in lotam Scriptiirnin sucrant, dans son commentaire du Pentateuque, Anvers, 1625. dans Migne, Script, sacra cursus eompletus, t. i. Paris, 1839, col. 53-54 : Existimo Judeeum quempiam, grseci sermonis peritum, librum hune gnvee conscripsisse, sed hune multa ex Salomonis iibris esse mutualum et varias hinc inde sententius collegisse, quas ipse in ununi c< ; rj>us compegerit, nulla fere mutatiunc alia facto, quant ipsius dictionis et loquendi modo Gra’cis proprio ; Bellarmin, De verbo Dei, i, 13 ; Lorin, Comm. in Sup., Cologne, 1624. præꝟ. 2 ; Cornélius a Lapide, In lib. Sap. Argum., Comment., éd. Vives, t. viii, ]). 265 : Auctor Sapientise imitatus (est) Salomonem ejusque sensu, forte etiam sententias et verba in Iibris hebraicis illius sévi sparsim repertas collegit, ordinavit grsecaque phrasi expressit ; Huct, Demonslr. evang., Venise, 1765, p. 266 ; Haneberg, Geschichte der biblisclien O/Jenbarung, Bat isbonne, 1876, p. 491 ; Welte, Emleitung in die deuterokanonischen Bûcher des A. T., t. ii, b’ribourg, 1814, 3e part., p. 189 ; Comely, Inlrod. in lib. sacras, t. ii, 2e part., 1887, p. 226 : eum egisse auctorem dicemus, qui Iibris salomonicis ita pro fontibus usus sit, ut ex illis novum opus componeret, in quod forte etiam nonnullas sententias aut minores pericopas grivec dumtuxat versas transsumsit.

Ayant été écrit en grec hellénistique, lorsque la traduction des Livres saints composés en hébreu, dite des LXX, avait déjà été exécutée pour sa plus grande partie — car il cite dans cette traduction le Pentateuque : Deut., i, 17 = Sap., vi, 7 ; Deut., viii, 15 = Sap.. xi. 4 ; Ex., ix, 24 = Sap., xvi, 22 ; Ex., xxiii, 28 = Sa))., xii, 8, ainsi qu’Isaïe, iii, 10 = Sap., ii, 12 ; xliv, 20 = Sap., xv, 10, et Job, ix, 12, 19 = Sap., xii, 12 — en un temps de persécution des juifs pieux par les païens sur lesquels il veut par ailleurs influer (voir plus loin), le livre ne peut avoir été intitulé par