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SACRILÈGE. ESPÈCES


Sacrilegium et contra leges est, si quis quod venerabilibus locis relinquitur, pravsc voluntatis studio suis tentaverit compendiis relinere. Inséré au Décret de Gratien, caus. XVII, q. iv, cap. 4, Sacrilegium.

Au sens large, ce mot s’applique à toute faute commise contre la vertu de religion ; au sens strict, c’est la profanation d’une personne, d’une chose ou d’un lieu sacrés, ou, pour mieux dire, publiquement dédiés par l’autorité de Dieu ou de l'Église au culte divin. Une résolution ou un vœu d’ordre privé ne suffit pas pour conférer le caractère sacré. Une irrévérence ne constitue cependant un sacrilège que si elle porte sur un objet sacré en tant que celui-ci est tel ou lorsque agitur directe contra ejus sanctitatem. S. Thomas, Sum. IheoL, IP-II*, q. xcix, a. 3, ad 3um. Aussi importe-t-il de se rendre bien compte pourquoi un objet, qu’il soit une chose, une personne ou un lieu, est sacré. Un prêtre, par exemple, qui se laisse aller à la fornication, commet un sacrilège, parce que l’engagement du sous-diaconat lui impose de vivre, dans la continence : mais, en revanche, il n’en fait pas s’il blasphème, s’il se met en colère, car il n’est pas spécialement sanctifié pour éviter ces péchés. S. Alphonse, Theologia moralis, t. III, n. 33.

Le sacrilège suppose en outre une action directement opposée à ce qui est ordonné au culte divin, ou qui est posée contre ce qui est prescrit d’une façon positive ou négative. Il y a, on le sait, sacrilège à frapper un prêtre, mais il n’y en a pas à le calomnier. De cette différence, aucune explication a priori ne peut être fournie. Il en est ainsi uniquement parce qu’au regard de l'Église le piètre est sacré dans sa personne, mais non dans sa réputation, et surtout parce que le droit positif s’est prononcé.

II. Espèces.

Le sacrilège est distinct des autres péchés opposés à la religion ; Ubicumque invenitur specialis ratio deformilatis, ibi necesse est quod sit spéciale peccatum : quia specics cujuslibet rei præcipuc attenditur secundum ralioncm jormalem ipsius… ; in sacrilegio autem invenitur specialis ratio deformilatis, quia scilicet violatur res sacra per aliquam irreverentiam ; et ideo est spéciale peccatum. S. Thomas, Sum. IheoL, IIa-IIæ, a. xcix, a. 2.

D’après une distinction antique et reçue par le droit ecclésiastique antérieur au Code, le sacrilège est personnel, réel ou local. Cette division est-elle formelle et constitue-t-elle trois espèces de péché de sacrilège ? Saint Thomas semble l’admettre, car une diverse ratio sanctitatis se trouverait formellement dans les personnes, les lieux et les choses sacrés. S. Thomas, ibid., a. 3.

Certains théologiens semblent hésitants dans leurs affirmations, car la sainteté de la personne leur paraît seule formelle et absolue, tandis que celle des lieux et des choses ne serait que relative à celle des personnes. Un lieu, en effet, est sacré, parce qu’il a été destiné par l’autorité compétente à servir aux personnes « sanctifiées » pour l’accomplissement des fonctions qui concernent le culte divin ; celle des choses est relative elle aussi, car ou bien elle tend à sanctifier les personnes, ainsi des sacrements, ou bien elle vise leur utilité spirituelle comme les choses sacrées en général. Aussi la distinction formelle entre la sainteté des lieux et des choses est-elle assez difficile à établir ; il est même presque impossible de la marquer dans des actes sacrilèges tels que la violation d’un lieu sacré, le vol d’un bien ecclésiastique ou la mutation des paroles de la sainte Écriture. Voir S. Alphonse, loc. cit., S. Thomas, loc. cil. Examinées sous cet angle, les trois espèces de sacrilège, se réduisent donc en fait à deux : le sacrilège personnel et le sacrilège réel. Malgré ces difficultés d’ordre dialectique nous conserverons pourtant en cet article la division pratiquement commune

et classique. Il faudrait même spécifier davantage ces trois espèces de sacrilège, car entre une communion indigne et la profanation d’un vase sacré (classée l’une et l’autre comme « sacrilège réel » ), il y a de telles différences qu’il répugne presque de ranger ces deux actes sous la même dénomination.

Par ailleurs, celui qui maltraite un prêtre fait-il un sacrilège de même espèce que celui qui commet un acte de fornication avec lui ou avec une personne liée par le vœu public de chasteté? Il est bien difficile de répondre par l’affirmative. Les auteurs cependant ne distinguent pas davantage. Voir S. Thomas, loc. cit.. ad 3um ; S. Alphonse, t. III, n. 34. Nous suivrons cette tradition et nous étudierons successivement : le sacrilège personnel, le sacrilège réel et le sacrilège local.

Le sacrilège personnel.

C’est la profanation

d’une personne sacrée. Il y a donc lieu de définir ce qu’est une telle personne, et comment elle peut être profanée. — 1. Les personnes sacrées. — Le caractère sacré s’acquiert par l'état clérical ou par l'émission du vœu de chasteté. Sont dès lors nantis de ce privilège, qui les sépare du commun des fidèles, les clercs destinés par l’autorité ecclésiastique aux fonctions du culte divin, les religieux, même laïques ou novices ; cf. can. 614 : Religiosi, eliam laici ac novilii, fruuntur clericorum privilegiis, et les religieuses, can. 490 : Quir de religiosis slatuuntur, etsi masculino vocabulo expressa, valent etiam pari jure de mulieribus nisi ex contextu sermonis vel ex rei natura aliud constet ; enfin les membres de divers instituts, assimilés aux religieux et qui vivent en commun, can. 080, lidem (sodales societatis) etiam laici gaudent clericorum privilegiis de quibus in can. 110-123, aliisque socielali directe concessis, non autem privilegiis religiosorum sine speciali indulto.

Sont enfin considérés comme des personnes sacrées, ceux qui font le vœu public de chasteté. Sans doute le can. 132, § 1 : Clerici in majoribus ordinibus constitua a nuptiis arcentur et servandæ castitatis obligatione ila tenentur, ut contra eandem peccanles sacrilegii quoque rei sinl, salvo prsecepto can. 214, § 1, ne parle que des clercs majeurs ; pourtant ce caractère est étendu communément à tous ceux qui font un vœu public solennel ou simple. Avant le Code, seul le vœu solennel pouvait constituer une personne sacrée. Vermeersch, Theologiæ moralis principia, t. ii, n. 207 ; Priimmcr, Manuale theologiæ moralis, t. ii, n. 540 et 544. Le vœu prive suffit-il pour donner ce caractère ? Pour les uns, le vœu de chasteté, même privé, qui consacre à Dieu confère à ceux qui le font un certain caractère sacré. Cette opinion, surtout partagée par les anciens, l’est encore par quelques auteurs modernes, Eerreres, i, 372 ; Arregui, n. 101. Pour les autres, ne doit être considérée comme une personne sacrée que celle qui est destinée par l’autorité publique aux fonctions du culte divin. BalleriniT’almieri, Oi>us morale, n. 386-390 ; Tanquerey, Synopsis theologiæ moralis, n. 930 ; voir S. Thomas, II » -II », q. xcix, a. 3, ad 3 nm. Par ailleurs le can. 1308, § 1 ne déclare-t-il pas : Yotum est publicum, si nomine Ecclesise a legitimo superiore ecclesiaslico acceplctur, secus privation ?

D’après cette dernière opinion, qui peut être considérée comme certaine, il y a une différence spécifique entre la violation d’un vœu public qui seul rend une personne sacrée et celle d’un vœu privé ; la première est sacrilège, tandis que la seconde n’est que péché contre la religion. Wouters, Manuale theologiæ moralis, t. i, n. 613.

2. Les modes de pêche. L’attentat contre des

personnes spécialement consacrées à Dieu peut se commettre de trois façons : par la violence commise à leur endroit ; en usurpant la juridiction sur les personnes sacrées ; par le péché de luxure.