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SACRIFICE — SACRILÈGE


commencé à la Cène et consommé au Calvaire. Par ces

paroles : « Faites ceci en mémoire de moi », le Sauveur nous confie le soin de refaire ce qu’il a fait à la Cène ; il nous met entre les mains le don qu’il a offert : son corps et son sang ; avec les dispositions morales non rétractées dans lesquelles il offrait, pour que nous nous l’appropriions et que son sacrifice rédempteur devienne le nôtre. Il ne s’agit pas de refaire du Sauveur une victime ; la victime a été constituée une fois pour toute et agréée éternellement ; il s’agit de nous approprier cette victime pour faire don à Dieu du corps et du sang du Sauveur réellement présents sous le signe représentatif de sa mort ; il ne s’agit pas par là d’obtenir une nouvelle rédemption, comme si l’unique oblation sanglante du Calvaire eût été insuffisante ; il s’agit simplement d’en appliquer, d’en monnayer les mérites. Entre la messe et la Cène, il y a identité de don olTert, identité de rite, mais différence dans la manière dont s’accomplit le rite. « À la Cène, l'Église n’offrait pas, mais Jésus-Christ tout seul ; encore moins offrait-elle par le ministère de ses prêtres dont la fonction n'était pas encore instituée. Elle offre à la messe, et elle y offre par ses prêtres. À la Cène, il ne se faisait pas une commémoraison de l'événement sanglant, lequel n'était pas encore révolu ; mais cet événement était préfiguré dans une image sacramentelle qui l’engageait devant Dieu. La messe commémore ce qui est passé ; elle n’en donne point les arrhes, mais en fait valoir le prix… » M. de La Taille, Esquisse, p. 19.

Pour l’appréciation de la valeur relative du sacrifice de la messe, il ne faut oublier ni l’identité du don offert à la Cène, au Calvaire, et à la messe, ni l’identité de l’unique prêtre principal, ni la différence des sacrificateurs visibles. Si l’on envisage le don, le corps et le sang rédempteur offert à la messe pour l'Église universelle possèdent une valeur surabondante de satisfaction ; si l’on envisage l’action sainte de l’Kglise qui offre, celle-ci est variable et finie ; de ce point de vue les différentes messes peuvent varier de valeur entre elles : « Mais toutes dépassent en valeur la simple contribution et le simple apport de l'Église universelle et de tels membres, ou agents particuliers, vu que toutes empruntent à la victime un surcroit qui majore incomparablement le prix de notre acte oblateur. » M. de La 'faille, dans Eucharistie, p. 172. Nous aurons toujours à puiser dans le trésor inépuisable de l’unique oblation rédemptrice. Le tout est de progresser dans notre union au Christ-Prêtre et victime pour progresser dans noire mise en valeur de son unique sacrifice rédempteur.

Ainsi, en résumé, l’oblation sanglante du Calvaire, émanée jadis de la charité du Christ obéissant jusqu'à la mort, apparaît comme toujours opérante dans l’actualisation de la Rédemption non seulement au Ciel dans l’interpellation du Souverain-Prêtre pour nous, mais sur la terre dans toutes les oblations particulières et subordonnées, qui en étendent le fruit dans le temps et dans l’espace à l’universalité de l'Église. Ainsi par la médiation du Prêtre et de la Victime parfaite se trouvent amenés à leur perfection, consommés, valorisés, achevés les sacrifices des hommes, devenus capables d’offrir les sacrifices spirituels requis par l’institution du culte en esprit et eu vérité. Ainsi dans le sacrifice de la nouvelle Alliance s'éclaire aux yeux de la Tradition chrétienne la signification profonde de l'économie des sacrifices : « Tous les sacrifices anciens ont de diverses manières symbolisé le sacrifice unique dont nous célébrons la mémoire. » S. Augustin Contra Faustum, t. VI, c. v, P. L., t. XI. ii, col. 231. « 'foules les choses qui sont

appelées sacrifices ont lieu à la ressemblance d’un certain vrai sacrifice… Les uns en sont des contre

façons… les autres annoncent le seul vrai sacrifice qui devait être offert pour les péchés ; maintenant de ce sacrifice consommé, les chrétiens célèbrent la mémoire par la sacro-sainte oblation et participation du corps et du sang du Christ. » Ibid., t. XX, c. xviii, col. 382.

Ainsi à l’autel, l'Église, corps du Christ, apprend du Sauveur qui est sa tête à s’offrir : « Le sacrifice ie plus glorieux, le plus excellent, qui puisse lui être offert, c’est nous-même, sa Cité, et c’est le mystère que nous célébrons dans nos oblations. » De ciu. Dci, t. XIX, c. xxiii, 5, t. xli, col. 655. « Toute la cité rachetée, c’est-à-dire l’assemblée des fidèles et la société des saints, est le sacrifice universel offert à Dieu par le grand Prêtre qui s’est offert pour nous dans sa Passion pour faire de nous le corps d’une tête si noble. Tel est le sacrifice des chrétiens : être tous un seul corps en Jésus-Christ, et c’est ce mystère que l'Église célèbre dans ce sacrement de l’autel où elle apprend à s’offrir elle-même dans l’oblation qu’elle fait à Dieu. » Ibid., I.. c. vi, col. 284.

De là, cette merveilleuse unité du sacrifice chrétien et son identité avec celui du Calvaire : « L’unité de l'Église chrétienne ne se laisse pas partager en plusieurs hosties et plusieurs sacrifices. Tous ces fragments d’holocauste, si nous pouvons ainsi dire, font partie d’un seul holocauste d’une plénitude universelle. Tant de victimes ne sont que les membres d’une victime unique qui célèbre sur la croix son oblation sanglante, et dans l’eucharistie son oblation non sanglante, et qui s’incorpore toute oblation, sanglante ou non, de ses membres comme des éléments de sa propre immolation. » Thomassin, De Verbo incarnato, t. X, c. xx, n. 4, éd. Vives, t. iv, p. 388.

Par la médiation de l’oblation parfaite de l’HommeDieu, toute l'économie sacrificielle prend son sens : un sacrifice temporel rayonne dans son efficacité sur le passé comme sur l’avenir.

Outre la bibliographie des articles Eucharistie, LÉVItique, Messe, Rédemption, de ce dictionnaire, on pourra se référer aux ouvrages suivants :

Ouvrages catholiques.

W. Schmidt, Der Ursprung

(1er (iottesidee, 5 vol. surtout le dernier : Endsynthese der Religionen der Urvolker Amerikas, Asiens, Australiens, Afrikas, Munster-en-W., 1930-1935 ; Id., Origine et évolution de la religion, Paris, 1931 ; Id., Ethnologische Bcmerkungen ZU theologischen Opferthcorien, Môdling, 1922 ; Id., Xotions générales sur le sacrifice dans les cycles culturels, dans Semaine d’ethnologie religieuse. Compte rendu analytique de la iiie session tenue à Tilbourg, 1922, Enghien, 1923 ; A. Lemonnier, O. P., .1. Tonneau, O. P., et R. Troude, Précis de sociologie, Marseille, 1 0.'5."> ; M.-.J. Lagiange, Études sur les religions sémitiques, 2e édit., Paris, 1905 ; M. Lepin, L’idée du sacrifice de la messe d’après les théologiens, depuis l’origine jusqu'à nos jours, Paris, 1926 ; Id., La messe et nous, Paris, 1937 ; M. de La Taille, Mysterium fidei. De augustissimo corporis et sanguinis Christi sacrifteio atque sacramento, Paris, 1921 ; Id., Esquisse du mystère de la /ci. sunic de quelques éclaircissements, Puis, 1)21 Id., dans Eucharistie Paris, 1934, p. 151 à 206 ; S. Thomas d’Aquin, Somme théologique : La religion, t. i, tiad. franc, par !.. Menessier, <>. P., Paris, 1932 ; A. Vincent, La religion des judéo-araméens d' Éléphanline, Paris, 1937, spécialement c. iv. Les sacrifias, p. 111 à 233.

Ouvrages non catholiques.

 M. Dussaud, Les origines

cananéenne., , lu sacrifice 'israélile, Paris, 1910 ; A. Loisy, Essai historique sur le sacrifice, Paris, 1920 ; R. Will, Le culte, dan-- Études 'l’histoire et île philosophie religieuses publiées par ta faculté de tlxéotogie protestante de l’université de Strasbourg, ' « vol., Paris, 1925-1935.

A. G AUDI !..

    1. SACRILÈGE##


SACRILÈGE. I. Notion générale. II. Espèces. III. Gravité.

I. Notion générale. les anciens appelaient

sacrilège, le vol d’une chose publiquement proti par la sainteté du temple, où elle se trouvait. C’est l’acception du mot pour saint Grégoire le Grand :