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SACRIFICE. OBLIGATION


cette oblation intérieure. Mais cette oblation se traduira au dehors de deux manière différentes : a) par un minimum d’extériorisation symbolique sur la croix et ce sera l’oblation sanglante du Calvaire ; b) par une action liturgique, qui sous le symbolisme expressif du pain rompu et du vin dans le calice d’une façon non sanglante, préfigurera à la Cène et commémorera à la messe l’oblation consommée au Calvaire. Ainsi l’on distinguera dans l’unique oblation du Nouveau Testament une double manière de l’offrir.

1. Le sacrifice sanglant de la passion et de la mort du Christ. — L'Église s’appuyant sur l'Écriture et la Tradition reconnaît une signification et une valeur sacrificielle de rédemption à la passion et à la mort du Christ. Saint Thomas exprime ainsi cette pensée : « Le Christ s’est offert lui-même dans 1? passion pour nous ; et ce fait d’avoir enduré la passion volontairement, a été souverainement agréable à Dieu, comme provenant d’une souveraine charité. D’où il suit que la passion du Christ a été un véritable sacrifice. » III a, q. xlviii, a. 3.

Au fait, l’oblation qui a commencé à la Cène, qui s’est manifestée diversement durant la passion et s’est consommée sur la croix, réalise excellemment la notion de sacrifice. Elle en implique les deux éléments intérieurs et extérieurs nécessaires : l'âme de ce sacrifice, c’est l’acte sacerdotal d' oblation, plein d’obéissance et d’amour, en vertu duquel Jésus fait le don total de sa vie et se dévoue à la mort ; l’aspect sensible et extérieur de ce sacrifice, sans avoir rien certes d’un sacrifice rituel, ce sont les gestes, les paroles, les attitudes du Christ que traduisent au dehors, depuis la Cène jusqu'à la mort sur la croix, sa volonté de s’offrir, son abandon à la volonté du Père ; c’est en un mot, le sang qui coule, non pas en tant que signe de l’immolation criminelle accomplie par les juifs, mais en tant que signe de l’acceptation spontanée par le Sauveur du sacrifice de sa vie.

Nous ne dirons donc pas que ce sacrifice de la passion et de la mort du Sauveur est permanent du simple fait que l’hommage intérieur de dévotion, commencé avec le premier instant de la vie, demeure éternellement actuel. Il manque à cet hommage intérieur, commencé avec l’incarnation, le minimum d’extériorisation et de signification requise, pour le sacrifice proprement dit. Il lui manque aussi la détermination positive venue de Dieu pour attacher à cet hommage la signification et la valeur de sacrifice rédempteur. D’après les données de l'Écriture et de la Tradition, c’est à la passion et à la mort du Christ, à l’oblation sanglante du Calvaire, qu’est attachée exactement cette signification et cette valeur.

Si nous refusons de confondre l’oblation proprement sacrificielle du calvaire, avec l’hommage journalier de la religion parfaite de Jésus, nous ne nions point que celui-ci, d’ordre moral, prépare le vrai sacrifice du Calvaire et en constitue l'âme. Avec M. Lepin, nous le reconnaissons volontiers : « De même que le Christ s’est offert dans les tourments de la passion, ainsi il a pu s’offrir et incontestablement il s’est offert, à chaque instant de sa vie mortelle, sous l’impulsion de la même charité sans borne, dirigeant vers le Père toutes ses puissances et tous ses actes humains, réalisant d’une manière idéale le sacrifice d’adoration, de louange, de glorification, d’amour, que la créature libre doit offrir d’elle-même au chrétien. » Op. cit., p. 744.

On ne peut mieux marquer la continuité et l’excellence de la religion intérieure parfaite de Jésus, l'âme de tout vrai sacrifice. Mais là n’est point adéquatement le vrai sacrifice humain, la donation sensible et extérieure telle que Dieu l’a voulue pour la Rédemption du monde. Il nous paraît plus conforme au

langage traditionnel de réserver le nom de sacrifice proprement dit à l’oblation réalisée dans la passion et la mort du Christ. Là est l’unique oblation sacrificielle offerte immédiatement par le Christ lui-même. L’oblation intérieure de Jésus, donnant toute sa vie, tout en étant infiniment glorieuse au Père et méritoire pour nous, reste de l’ordre des sacrifices moraux, qui ne réalisent pas adéquatement la notion de sacrifice.

2. Le sacrifice non sanglant, rituel de la Cène et de la messe. — La foi nous enseigne qu'à la Cène, Jésus s’est offert comme sur la croix ; c'était le même sacrifice identique pour le prêtre et la victime, différent par le mode d’oblation, car, à la Cène, le Christ s’offre d’une façon non moins réelle, mais d’une façon rituelle, sous l’image pré figurative de son immolation réelle du lendemain. La Cène a tous les caractères du sacrifice rituel : « C’est l’oblation de la victime, actuellement et simplement destinée à être immolée, et rendue présente sous les signes figuratifs de cette immolation prochaine ; comme telle dès maintenant offerte à Dieu en véritable sacrifice. » M. Lepin, op. cit., p. 696. Cette représentation sensible marque à la fois la volonté de Jésus d’offrir son corps et son sang et son intention d'éterniser son offrande, de donner à l’humanité le sacrifice visible et rituel, approprié à sa nature ; il met entre les mains de son Église la vérité et le mérite de sa propre oblation sous la forme du rite eucharistique, qui rappellera, représentera l’oblation sanglante du Calvaire. C’est le véritable sacrifice non sanglant de la nouvelle Alliance ! Offrande symbolique, sous les espèces séparées du pain et du viii, de la personne vivante même du Christ : « Après avoir célébré la Pâque ancienne que la multitude des enfants d’Israël immolait en mémoire de la sortie d’Egypte, il a institué la Pâque nouvelle, savoir sa propre personne (seipsum) qui devait être immolée sous des signes visibles, par l'Église au moyen des prêtres en mémoire de son passage de ce monde au Père. » Conc. Trid., sess. xxii, c. i, Denz.-Bannw., n. 938. « Et parce que, dans ce divin sacrifice qui s’accomplit à la messe, ce même Christ est contenu et immolé d’une manière non sanglante, qui s’est offert lui-même une seule fois sur l’autel de la croix, d’une manière sanglante, le saint concile enseigne que ce sacrifice est véritablement propitiatoire. C’est, en effet, une seule et même hostie, et le même l’offre maintenant par le ministère des prêtres qui s’offrit alors lui-même sur la croix, la seule différence étant dans la manière de l’offrir. » Ibid., c. ii, n. 940.

Sacrifices frais et sacrifices faux.

Les vrais

sacrifices, selon la Révélation, sont ceux qui sont offerts au vrai Dieu, selon les rites établis par l’Ancien ou le Nouveau Testament, et avec les dispositions morales convenables. Ils sont offerts par des ministres spécialement députés à cet office : les prêtres.

Les faux sacrifices sont ceux qui sont offerts aux idoles : les sacrifices qui ne sont pas offerts avec les dispositions morales convenables sont vains pour ceux qui les offrent ainsi.

IV. L’obligation morale et religieuse des sacrifices. — En lui-même, le sacrifice est un hommage réservé à Dieu. C’est une dette spéciale que nous lui devons comme au Maître souverain de la vie et de la mort et de tous les biens que nous possédons. II a -II a !, q. lxxxv, a. 1 et 2. Étant l’acte spécial, caractérisé par ce fait qu’on l’accomplit à l’honneur de Dieu, il appartient à une vertu déterminée, la vertu de religion. Mais il peut, sous l’inspiration d’autres vertus, également ordonnées à promouvoir l’honneur de Dieu, s’enrichir pratiquement de finalités qui dépassent le simple acquittement d’une dette religieuse. "Voir L. Menessicr, La religion, p. 367.