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SACRIFICK. NOTION THÉOLOGIQUE


humaine, ni du sacrifice qui en est l’expression. Pas plus que le sentiment du péché, l’adoration ne portera donc l’homme à anéantir l'être qu’il a reçu, comme si c'était la meilleure manière d’honorer l'être divin. Son mouvement le plus profond sera au contraire, d’attester qu’il tient cet être du Créateur et de le tendre de désir, d’intention, de volonté efficace à celui qui est sa fin suprême, comme il est son premier principe. C’est la seule façon, glorieuse à Dieu, de reconnaître son souverain domaine. Le sacrifice de l’homme ne sera pas un acte de destruction séparant violemment la créature du Créateur, mais un acte à'oblation ou de donation qui la fasse entrer dans une communion intime avec lui ». M. Lepin, La messe et nous, p. 74. Une fois le péché intervenu, l’oblation du pécheur devra traduire en un symbole convenable sa volonté de réparation : d’où la place, sinon nécessaire, du moins fort convenable de l’oblation du sang, pour symboliser l’amour souverain dû à Dieu jusque dans la souffrance et la mort en compensation du péché.

2° Essai d’une définition plus adéquate du sacrifice, en conformité avec les données de l’histoire des religions, des données scripturaires et traditionnelles. — Le sacrifice proprement dit est un acte de culte extérieur dans lequel l’homme, sous le symbole d’une oblation visible, signifie l’acte intérieur de religion par lequel il s’ollre lui-même en hommage à Dieu, en vue de s’unir plus intimement à lui.

1. C’est un sir/ne. — Il faut le placer d’abord dans la catégorie des signes : il est significatif d’un hommage tel qu’il est dû à Dieu par l’espèce humaine. Il convient à celle-ci, composé de corps et d'âme, d’offrir à Dieu un hommage intégralement humain. La religion humaine, selon saint Thomas, est avant tout intérieure ; Notre-Seigneur en disant : « Dieu est esprit et qui l’adore, le doit adorer en esprit et en vérité », ne parle que de ce qui dans le culte a primauté et valeur en soi. « Révérer Dieu et l’honorer, c’est, en fait, lui assujettir notre esprit, qui trouve en cela sa perfection. Mais, pour rejoindre Dieu, l’esprit humain a besoin d'être guidé par le sensible… Le culte divin requiert donc nécessairement l’usage des réalités corporelles, comme de signes capables d'éveiller en l'âme humaine les actes spirituels par lesquels on joint Dieu. Ainsi la religion a bien au premier rang des actes intérieurs qui par eux-mêmes lui appartiennent ; mais elle y ajoute à titre secondaire des actes extérieurs ordonnés aux premiers. Ainsi « les offrandes extérieures ne sont point présentées à Dieu pour subvenir à une indigence, mais en signe de certaines œuvres intérieures et spirituelles, par elles-même agréées de lui. D’où ce mot d’Augustin : le sacrifice visible est le « sacrement », c’est-à-dire le signe sacré du sacrifice invisible. » Ce serait dérision, au lieu d’y voir des symboles et d’y chercher un éveil spirituel, de s’y attacher comme à des valeurs en soi indépendamment de leur référence à l’hommage spirituel qu’ils représentent. IP-II"', q. lxxxi, a. 7. Voilà, marquée dans l'économie d’une religion humaine, la place et le caractère relatif des actes extérieurs et par conséquent des sacrifices proprement dits. Ce sont essentiellement des signes sensibles, relatifs à notre religion intérieure. Considérés dans leur référence au culte intérieur qu’ils expriment et stimulent, ils ont une valeur propre, celle de signifier parfaitement l'étendue de notre dépendance, corps et âme, envers Dieu. Ainsi compris dans sa complexité, le sacrifice proprement dit implique un double élément, le signe expressif 1'élément extérieur et visible la chose signifiée l'élément intérieur, l’hommage spirituel de dépendance. Sans aucun doute, l'élément intérieur est principal. « Ce qui compte dans le sacrifice, ce n’est pas le prix de la victime Immolée, mais sa signification d’honneur rendu au souverain maître de l’univers…

Le sacrifice qu’il faut à Dieu, c’est l’esprit affligé, c’est l’oblation spirituelle que l'âme fait d’elle-même à Dieu, principe de sa création, et sa fin béatifiante. Tel est, nous le savons, l’ordre des actes extérieurs de religion aux actes intérieurs. » Ibid., q. lxxxv, a. 2. Si cet élément spirituel fait défaut, en conséquence d’une déformation formaliste de la religion, le sacrifice est vain. C’est dans ce sens qu’il faut entendre la condamnation des psalmistes et des prophètes touchant le formalisme des rites sacrificiels. Plus la religion devient parfaite, plus elle se spiritualise, et plus aussi elle se rend compte du caractère secondaire de l’aspect visible et extérieur du sacrifice ! Mais, si secondaire que soit cet aspect, il est requis pour constituer le sacrifice proprement dit, hommage intégralement humain à la divinité.

Aussi distinguera-t-on celui-ci de l’hommage purement intérieur, comme sont les actes de soumission, d’obéissance qui ne s’extériorisent point. « Cette remarque a son application théologique en ce qui concerne le sacrifice du Sauveur. On ne peut le dire permanent, du simple fait que son hommage intérieur de dévotion, commencé avec le premier instant de sa vie, demeure éternellement actuel. » S. Thomas, Somme théologigue, La religion, t. i, trad. de L. Mennessier. Par l’intensité de sa religion intérieure pleine d’obéissance et d’amour au Père céleste, Jésus pourra être le parfait religieux et glorificateur de son Pèro, sans pour cela offrir à chaque instant un sacrifice proprement dit.

2. C’est une donation sensible.

Essentiellement significatif ou symbolique, le sacrifice est dans son caractère le plus général une donation sensible, expressive d’une donation ou d’un hommage intérieur, réservé à Dieu. « Venant à signifier au dehors nos sentiments intérieurs de respect, nous donnons certaines marques de révérence aux créatures éminentes et cela va jusqu'à l’adoration. Mais il est une chose qu’on réserve absolument à Dieu, c’est le sacrifice… Qui eut jamais, dit Augustin, l’idée d’offrir un sacrifice à un être qu’il ne sût, pensât ou imaginât être Dieu ? » Sum. theol., IP-II*, q. lxxxiv, a. 1. Ainsi le sacrifice est l’acte essentiellement symbolique du culte qui n’est dû qu'à Dieu : « Pour affermir en nous par des moyens sensibles l’idée de la transcendance de Dieu sur toutes choses, il nous faut lui donner des témoignages d’honneur tout à fait à part… Le sacrifice a lui-même, parmi les autres actes religieux, quelque chose de spécial : les marques d’honneur telles que génuflexion, prostration et autres de ce genre peuvent être rendues à des hommes, bien que l’intention soit alors différente. Mais le sacrifice est ce que l’on a toujours réservé à Dieu, ou à qui l’on tenait pour tel. » Cont. gent., t. III, c. cxx.

Ce pourra être un geste analogue à celui du vassal qui fait hommage à son suzerain d’une partie de ses biens : « La raison porte donc naturellement l’homme à faire, usage de certaines choses sensibles qu’il offre à Dieu en signe de sujétion et de l’honneur qu’il lui doit, (/est l’analogue de ce que font les vassaux qui reconnaissent par des offrandes le domaine de leur seigneur. C’est à cela que se rapporte l’idée du sacrifice… ».S’t// ; i. theol., II » -II", q. lxxxv, a. 1. Mais l’oblation sacrificielle devra porter en elle-même sa signification d’hommage religieux, réservé à Dieu. « Selon la vraie foi, Dieu seul est créateur de nos âmes cl en lui seul aussi réside notre béatitude spirituelle. Dès lors, ne devant qu’au Dieu souverain l’offrande du sacrifice spirituel, nous devons également n’offrir qu'à lui seul les sacrifices extérieurs, de même que dans la prière et la louange, nous faisons monter nos paroles vers celui a qui nous offrons en notre cœur les