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SACRIFICE. RÉALITÉ HISTORIQUE


phites. est glorifié dans sa valeur réparatrice au 11° livre canonique des Machabées par le plus jeune des martyrs : « C’est à cause de nos péchés que nous souffrons… Pour moi ainsi que mes frères, je livre mon corps et ma vie pour les lois de nos pères, suppliant Dieu d'être bientôt propice envers son peuple… Puisse, en moi et en mes frères, s’arrêter la colère du Tout-Puissant, justement déchaînée sur toute notre race. » II Mac, vii, 32-38 ; cf. IN' Mac. (non canonique), xvi, 20-21.

Cette doctrine juive de la rédemption d’Israël par l’offrande généreuse du sang de ses martyrs préparait à entendre la parole du Christ sur la valeur réparatrice de sa mort : Marc, x, 45 ; Mat th., xx, 28.

/II. le nouveau TJS8TAMENT (voir ici les art. Eucharistie, Messe, Rédemption). — 1° Le Christ. — Par rapport aux sacrifices juifs, Jésus ne porte ex professo aucun jugement. L’autel et l’offrande sont des choses saintes pour lui. L’Ancien Testament n’admettait pas que l’on présentât une offrande mal acquise ; l’esprit de l'Évangile demande que l’on se réconcilie devant Dieu pour donner son offrande. Matth., v, 23, 24.

Sans condamner les sacrifices, mais dans la ligne des prophètes. Jésus met la charité au-dessus des sacrifices rituels. Matth., ix, 13 ; xii, 7. On conclura des parolessur la ruine du Temple, Matth., xxiv, 1, 2, que Jésus a envisagé que l’ancien ordre de choses disparaîtrait avec le Temple, et de celles de Joa., iv, 20-23. à la Samaritaine que bientôt l’on « n’adorerait plus » ni au mont Garizim, ni à Jérusalem et qu’au culte ancien serait substitué le culte « en esprit et en vérité ».

En quoi consistera le culte du nouvel ordre ? Jésus l’a lui-même laissé entendre et précisé en attachant au don de sa vie une valeur salutaire.

Prenant sur lui la mission du « Serviteur de Jahvé », il déclare qu’il est venu non pour être servi, mais pour « servir », et donner sa vie en rançon (XÛTpov) pour beaucoup. Matth., xx, 28 ; Marc, x, 45. Le texte, certes, est très sobre ; le mot de sacrifice n’y est pas prononcé. Mais, dans le contexte évangélique des préoccupations morales de Jésus et de ses annonces de la passion, il ne peut être question, dans la rançon payée, que du don onéreux, de l’offrande de ses souffrances et de sa mort qu’il annonce et accepte d’avance, pour la délivrance des hommes relativement à la dette du péché.

Sur ce point, les paroles de la Cône font la lumière décisive. Elles révèlent le suprême service du Sauveur : c’est le don spontané, plein d’amour et d’obéissance héroïque à la volonté du Père, de son corps et de son sang pour l’expiation du péché des hommes, pour la vie du monde En continuité avec le reste de sa vie, toute de soumission à la volonté de son Père et de dévouement à l’humanité, pour réaliser le dessein salviflque du Père et le glorifier en réparant les péchés des hommes, Jésus à la veille de sa mort offre, au fond de son cœur, dans un élan d’amour et d’obéissance héroïque et exprime visiblement son offrande : la passion et la mort auxquelles il se dévoue. Non seulement, il s’offre à l’immolation du Calvaire, mais il inaugure le rite de la nouvelle Alliance qui consistera pour l'Église à faire ce qu’il a l’ait : à l’offrir, et à s’approprier ainsi sous les apparences du pain et du vin le don de son corps et de son sang pour commémorer, représenter, appliquer ainsi l’action salutaire de la passion rédemptrice. - Pendant le repas. Jésus prit le pain : cl, ayant prononcé une bénédiction, il le rompit et le donna a ses disciples, en disant : Prenez ri mangez, ceci est mon corps > ; il prit ensuite la coupe et ayant rendu grâces, il la leur donna en disant : i Buvez-en tous : car ceci est mon sang, [le saug| de la nouvelle Alliance, répandu pour la mulliludi en

rémission des péchés. » Matth., xxvi, 26-29. Luc ajoute : « Faites ceci en mémoire de moi. » xxii, 16, 20.

Saint Paul.

Par sa conversion, Paul se trouve

mis en présence, dans la primitive Église, de l’institution eucharistique, avec la signification religieuse que Jésus et ses disciples lui avaient donnée. Par la tradition, il sait que Jésus « est mort pour nos péchés », I Cor., xi, 23 ; qu’il a institué la Cène comme mémorial de cette mort.

Son rôle va être d’approfondir cet enseignement en le rapprochant des analogies de l’ordre humain et particulièrement de l'économie sacrificielle de l’Ancien Testament. Il part du grand principe reçu dans tout le monde ancien, aussi bien chez les païens, que chez les juifs et les chrétiens : manger des victimes offertes à une divinité, c’est entrer en communion avec elle. I Cor., x, 14-21. Les païens offrent leurs victimes au démon, « car ce qu’ils immolent, c’est aux démons, non à Dieu qu’ils l’immolent » ; manger des idolothytes dans une cérémonie liturgique païenne c’est prendre place à la table des démons. Un fidèle ne peut en même temps participer à ta table du Seigneur et à la table des démons.

Quel sacrifice doit-il donc offrir ? Il y a bien les sacrifices « qu’Israël, selon la chair », offre sur son autel. Paul les connaît : « Voyez Israël selon la chair, ceux qui mangent les victimes ne participent-ils pas à l’autel ? » I Cor., x, 18 Mais pour les chrétiens, ces sacrifices sont caducs, étrangers à l’Israël selon l’esprit. Pour eux, il y a le sacrifice véritable, l’unique victime : « Notre agneau pascal le Christ, a été offert en sacrifice. » I Cor., v, 7. C’est au sang du Christ qu’il faut rattacher le salut du monde. Rom., v, 9 ; iii, 25 ; Eph., i, 7 ; Col., i, 14, 20. Vraiment « Dieu l’a constitué comme victime de propitiation par son sang ». Rom., iii, 25. Le sang du Christ est vraiment « la rançon de notre délivrance ». Ainsi l’effusion de ce sang est infiniment supérieur à celle de l’immolation des victimes de l’Ancien Testament. Paul sait que ce qui confère à la mort du Christ sa valeur unique, c’est son caractère de spontanéité, d’obéissance aux décrets du Père, d’amour pour nous, c’est l’esprit dont il l’anime. Le Fils de Dieu, en venant pour nous sur la terre, inaugure un état d’humiliation et d’obéissance qui atteint sur la croix sa plus sublime expression, Phil., ii, 5-11 ; et c’est à cet acte d’obéissance et d’amour, propre à compenser nos désobéissances, que Dieu a attaché une valeur salutaire universelle. Rom., v, 18-20. « Il m’a aimé et il s’est livré lui-même pour moi. » Gal., ii, 20. « Il s’est donné lui-même comme rançon pour tous. » I Tim., ii, 6. Paul propose aux Éphésiens en exemple la charité du Christ : « Marchez dans la charité, comme le Christ aussi vous a aimés et s’est livré pour vous comme oblation et victime à Dieu en odeur de suavité. » iv, 32 et v, 1, 2.

Bref, le vrai sacrifice chrétien est celui dont la victime est le Christ lui-même, livrant spontanément dans un acte d’obéissance et d’amour son corps et son sang pour nos péchés.

Mais les fidèles du Christ ne demeurent pas étrangers à son sacrifice. Car, de même que païens et juifs participent à leurs sacrifices en mangeant des victimes offertes, ainsi les disciples du Christ participent-ils au sacrifice de la Croix, en venant chercher sur la table du Seigneur », sa chair immolée et son sang répandu. I Cor., x, 14-22. f.à, selon l’ordre du Sauveur, se répète, sous les apparences du pain et du viii, l’acte authentique de la dernière Cène, où Jésus s’est offert et a distribué son corps et sou sang à ses disciples. I Cor., xi, 23-33.

L'épître aux Hébreux, destinée selon toute vraisemblance aux judéo-chrétiens de Palestine, va insister encore sur le caractère central et unique du