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SACRIFICE. RÉALITÉ HISTORIQUE


Der Ursprung der Gottesidee, t. vi. 1935. Voir aussi du même : Origine a évolution de la religion, 1931 ; et d’autre part Précis de sociologie, par A. Lemonnyer ; O. P., .I. Tonneau, 0. P. et R. Troude, 1935.

Civilisations primitives.

Dans ces civilisations,

il y a de vrais sacrifices : ce sont les sacrifices de prémices : ils ont pour matière quelqu’un des produits naturels de la cueillette ou de la (liasse ; ils revêtent deux aspects ; ainsi comportent-ils tout à la fois un don, un tribut que l’on offre à un autre et, par le fait, un renoncement que l’on s’impose en opérant un prélèvement sur des produits utiles. C’est" au grand Dieu, à l'Être suprême, qu’est faite celle offrande dans le but d’exprimer qu’il est le créateur et le. dispensateur, non seulement de la vie à ses origines, mais des moyens aussi (végétaux et animaux) de l’entretenir, et qu’il nous permet d’en user, non d’une façon quelconque, mais avec mesure et après que nous avons reconnu son domaine. Aussi, pour traduire extérieurement la reconnaissance de ce domaine, doit-on, préalablement à tout usage, prélever une petite p ?rt pour l’offrir. La petitesse, de cette part indique bien qu’il ne s’agit pas d’enrichir l'Être suprême, de le nourrir, car il est le maître, riche et possesseur de tout. Mais la petite part prélevée a la valeur particulière d’un rite, riche en signification symbolique ; il traduit le sentiment religieux de dépendance d’une façon spontanée et obvie, pour des hommes près de la nature et cpii n’ont rien de plus précieux que le produit de leur cueillette ou de leur chasse. Cf. W. Schmidt, Notions générales sur le sacrifice…, dans Semaine d’ethnologie religieuse, iii° sess., Tilbourg, 1922.

Dans les civilisations des pasteurs nomades où la civilisation primitive s’est le mieux conservée, on retrouvera le sacrifice des prémices pour honorer le Dieu du ciel.

Dans la civilisation féminine de la petite culture horticole, apparaît le culte de la Terre-Mère ; on offre à celle-ci le sacrifice végétal de prémices. La force vitale, dont le sang est le siège, commence à être utilisée pour des rites magiques de fécondité. Bientôt apparaît, dans ce contexte magique, le sacrifice sanglant.

Dans la civilisation de la grande chasse, l’idée totémiste exerce sur la religion une action de matérialisation et de dépression. Ainsi le sacrifice languit, étouffé qu’il est par le développement énorme des rites magiques.

La civilisation des pasteurs nomades est celle qui garde le mieux la tradition des cultures les plus archaïques. On y offre au grand Dieu du ciel comme sacrifice, de prémices le premier lait des animaux. Plus tard. apparaîtra, selon l’esprit particulier de cette civilisation, le sacrifice sanglant, immolation des premiersnés des animaux, puis la circoncision, sorte d’offrande îles prémices de la vie. sexuelle.

2° Dans les civilisations secondaires et tertiaires à dominante pastorale. — On voit s’organiser peu à peu les grands panthéons polythéistes et le culte prendre un développement considérable. Des temples s’edi fient, des collèges sacerdotaux se constituent et se hiérarchisent, les rituels se compliquent et fixent les cérémonies cultuelles, quotidiennes ou périodiques. Les sacrifices se différencient. Le sacrifice sanglant devient l’une des caractéristiques de ces grandes religions polythéistes ; le sacrifice animal des prémices apparu dans la civilisation des nomades, va s'étendre aux premiers-nés de l’homme. On croira devoir sacrifier ceuxci connue les premiers nés des animaux. I ne autre

cause des sacrifices humains, c’est l’esclavage. Les esclaves doivent suivre leurs maîtres dans l’autre vie pour les servir. En de grandes circonstances, victoires OU malheurs publics, On sacrifie aussi des hommes pour rendre grâces ou apaiser la colère des dieux. I.à

où l’on mangera la chair humaine, on croira offrir aux dieux l’aliment les plus précieux, en leur offrant cette chair. Enfin, le sacrifice pour le péché prend dans ces civilisations un développement considérable.

Dans les grandes religions historiques.

En

Chine, le taoïsme et le confucianisme ; dans l’Inde, le brahmanisme et le bouddhisme ; en Arabie, l’islamisme ; en Palestine, le judaïsme et le christianisme. On se contentera de signaler ici particulièrement l’importance pratique et théorique du sacrifice d’une part dans le brahmanisme, d’autre part dans les religions sémites au milieu desquelles est éclos l’Ancien Testament.

1. Le védisme ou ancien brahmanisme.

Il possède un rituel sacrificiel très compliqué. La vertu du sacrifice est telle qu’elle domine les dieux eux-mêmes. « Nulle part ailleurs, le sacrifice ne s’est élevé théoriquement à pareille hauteur. Le sacrifice est tout : de lui sont sortis et le monde et les dieux et c’est par lui qu’ils subsistent. Sans doute, il est offrande aux dieux et aux esprits, mais il est et il reste le moyen de gouverner les dieux mêmes et de les conduire. » A. Loisy, Essai historique sur le sacrifice, p. 490. Les brahmanes ont spéculé sur le sacrifice, spécialement sur son but et sur son efficacité.

2. Les religions orientales (cf. M. J. Lagrange, Éludes sur les religions sémitiques). — a) Chez les Assyroliabyloniens et les Phéniciens. — « On ne peut nier que l’une des idées les plus anciennes qui ont présidé à l’institution religieuse des sacrifices, c’est l’idée d’un don et d’un don qui est fait pour conquérir la faveur d’un dieu… Chez les Assyro-Babyloniens, le sacrifice est un don, un présent, et l’une des expressions les plus courantes des tablettes rituelles est la suivante : devant telle ou telle divinité, tu feras un présent. » A. Vincent, La religion des judéo-araméens d'Éléphantine, Paris, 1937, p. 182.

S’il est un don, le sacrifice est aussi une nourriture et ce fait entraîne souvent une immolation. Chez les Chaldéens, il est avant tout un repas offert aux dieux. De même, pour les Israélites, comme pour les autres sémites, l’offrande se manifeste sous la forme d’un don alimentaire. Ainsi, le sacrifice sera-t-il appelé parfois « la nourriture de Dieu » et l’autel, « la table de Jahvé ». Lev., xxi, 6, 8, 17 ; Mal., i, 7.

L’idée du sacrifice offert pour expier une faute, pour éliminer un mal, le concept de la victime substituée à l’homme sont des idées très vivantes aussi chez les peuples sémites.

A. Vincent relève » la constatation capitale que les noms des sacrifices chez les Hébreux se retrouvent chez les Phéniciens ; les textes de Ras Satura en sont la preuve et que dès lors le rituel sacrificiel d’Israël a été certainement influencé dans une large mesure par la liturgie phénicienne ». Loc. cit., p. 163.

h) Chez les Arabes (cf. A. Médebiclle, art. Expiation, dans Suppl. au Dictionn. de la Bible, t. iii, col. 29). I.e sacrifice s’y distingue par un trait remarquable : le principal rôle y appartient au sang. Pas île sacrifice, sans effusion de sang. L’acte indispensable, proprement rituel, sera l’acte de l’immolation. En versant le sang au pied de l’autel, les croyants ont le senliment de s’unir intimement à Dieu. Comment ? On comprendra ce rite, si on l'éclairé par l’idée plus large que le sang est symbole de fraternité. Si le sang de deux Arabes coule ensemble devant l’autel, ils ne forment plus qu’un par le sang. C’est un geste expressif de prière qui invite la divinité à agir en faveur de l’homme, comme si elle y était obligée par les liens <u sang.

Autre application du principe de la fraternité par le saut ;  ; c’est le repas sacrificiel qui établit ou renouvelle entre les fidèles convives la parenté du sang.