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SACREMENTS P REC H RÉTIE NS. ACTION


chez les jacobites, à des époques plus ou moins éloignées de leur naissance. Voir Denz.-Bannw., n. 712. Quant à l’autorité du concile de Trente, elle est moins concluante encore. Le can. 4 de la session v reproduit textuellement le can. 2 du concile de Carthage. Quant au c. iv de la session suivante, sur la justification, Hurter y trouve, au contraire, un point d’appui pour son opinion. Le concile, en effet, après avoir parlé (c. iii) du fondement de la justification, expose (c. iv) la condition de la justification, translation de l’homme de l'état de péché, dans lequel il naît en tant que fils d’Adam, à l'état de grâce et d’adoption divine. Quæ quidem translatio post evangelium promulgation sine lavacro régénération is aut ejus volo fieri non potest. Denz.-Bannw., n. 79C. Il ne serait donc pas très exact de dire que les Pères de Trente proclament sans distinction aucune la nécessité du sacrement ; ils ont inséré, au contraire, dans leur déclaration dogmatique, une restriction significative : post evangelium promulgatum.

Toute la controverse roule donc, en définitive, autour d’une question de fait : l'Évangile doit-il être considéré aujourd’hui comme promulgué partout et pour tous les hommes ? Question bien obscure, insoluble même, et dans laquelle il est difficile de prendre une position nette.

Sous la Loi mosaïque.

Après la promulgation

de la loi de Moïse, les sacrements, au sens où ce mot est entendu avant Jésus-Christ, existaient à coup sûr. Il est très certain, en effet, que Dieu avait sanctionné des rites et des pratiques sacrées, concernant la sanctification légale des adorateurs du vrai Dieu. En premier lieu, la circoncision pour les garçons, le remède de nature pour les filles et les garçons avant le huitième jour consacraient à Dieu les nouveau-nés et les agrégeaient à la société religieuse. (L'étaient les signes sanctificateurs répondant au baptême. D’autres pratiques avaient pour but de resserrer les liens du peuple élu avec Dieu : l’agneau pascal et les pains de propositions, qui préfiguraient l’eucharistie. Cf. Ex., xii, 24, 26, 43 ; Lev., xxiv, 9. D’autres pratiques et cérémonies avaient pour objet la purification légale et l’expiation du péché, et c'étaient bien là des sacrements préfiguratifs de la pénitence. Lev., xii-xvi ; Num., xix, 1-22. Enfin, les rites par lesquels étaient consacrés les pontifes, les prêtres et les lévites, Ex., xxix, 29 ; Lev., viii, 2 sq. ; xxi, 10, étaient les figures du sacrement de l’ordre. Ces rites et cérémonies étaient en nombre plus considérable que nos sacrements chrétiens, lesquels, virtute majora, utilitate meliora, aclu faciliora, devaient être nécessairement numéro pauciora. Saint Thomas fait observer qu’aucun rite de l’Ancien Testament ne préfigurait la confirmation, l’extrême-onction, le mariage. Sum. theol., I'-II®, q. en, a. 5, ad 3um.

Toutes ces argumentations n’apportent que des raisons de convenance, mais aucune preuve vraiment démonstrative. Aussi, tout en affirmant, comme vérité certaine, l’existence des sacrements de la loi mosaïque, on ne saurait, avec la même certitude, affirmer que telle ou telle cérémonie mérite, sans erreur possible, le nom de sacrement.

L’affirmation générale est, disons-nous, certaine. Parmi les théologiens, aucune note discordante, et la doctrine unanimement professée est exposée par saint Thomas, Sum. theol., III q. lxi, a. 3.

Sous son aspect général, cet enseignement est déduit de deux conciles : le concile de Florence, dans le décret Pro Armenis, enseigne que les sacrements de la Loi nouvelle « diffèrent beaucoup des sacrements de la Loi ancienne », Denz.-Bannw., n. 695 ; cf. décret Pro jacobitis, id., n. 711, 712 ; le concile de Trente prononce l’anathème contre « qui dirait que les sacrements de la Loi nouvelle ne diffèrent des sacrements

de l’ancienne Loi, qu’en raison des cérémonies différentes et des rites externes différents ». Sess. vii, can. 2. Denz.-Bannw., n. 845.

III. Mode d’action des sacrements anciens dans la sanctification des âmes. — Par eux-mêmes, les sacrements en question ne pouvaient opérer qu’une sanctification légale. Toutefois, puisque leur existence est justifiée par la volonté salvifique de Dieu, il s’ensuit qu’ils doivent posséder aussi une action réelle dans la sanctification intérieure des âmes. Comment, n'étant que des figures des sacrements de la Loi nouvelle, pouvaient-ils cependant concourir à la sainteté qui est l’effet propre des sacrements chrétiens ? Telle est la question agitée par les théologiens, question qui vaut aussi bien pour les sacrements de l'état de nature que pour les sacrements mosaïques. La réponse à cette question a déjà été fournie, en grande partie, à propos de la circoncision. Voir ce mot, t. ii, col. 2526. Nous ne rappellerons donc ici qu’une doctrine très générale, commune à tous les sacrements anciens, quels qu’ils soient. Cette doctrine peut être condensée en trois points :

1° Les sacrements anciens ne produisaient pas la grâce « ex opère operato ». — Cette première affirmation vise quelques théologiens scotistes qui ont enseigné l’efficacité ex opère operato par rapport à la grâce elle-même, de la circoncision et du remède de nature. Il.est impossible en effet d'éviter cette conclusion, si l’on considère attentivement les textes du décret Pro Armenis et le canon déjà cité du concile de Trente. « Les sacrements de l’ancienne Loi, dit le décret du concile de Florence, ne causaient pas la grâce ; ils la préfiguraient seulement, comme devant être donnée par la passion du Christ ; tandis que nos sacrements et contiennent la grâce et la confèrent à ceux qui les reçoivent dignement. » Denz.-Bannw., n. 695. Se fondant sur ce texte et considérant les erreurs protestantes, le concile de Trente anathématise quiconque affirme « que les sacrements de la Loi nouvelle ne diffèrent des sacrements de l’ancienne Loi, que parce que les cérémonies et les rites extérieurs sont différents ». Sess. vii, can. 2, ibid., n. 845. Voir ci-dessus, col. 604. Les théologiens postérieurs au concile de Trente justifient cette conclusion théologique par les assertions réitérées de saint Paul touchant l’impossibilité d’une justification véritable par la Loi seule. Rom., m, 20 ; Gal., ii, 16, 21 ; iii, 11 ; Heb., vii, 19, etc. Si les sacrements de la Loi ancienne avaient été de véritables causes instrumentales de la grâce, la Loi seule aurait suffi à justifier. De là cette expression de Paul, touchant ce que nous appelons les sacrements anciens, àaflevTJ >tai t.-oy/'x G-zoïyzicc, infirma et egena elemenla. Gal., iv, 9. De là son enseignement formel, spécialement au sujet de la circoncision, qu’Abraham avait été justifié par la foi avant d'être circoncis, et que ce rite n’a été pour lui que « le sceau de la justice qu’il avait obtenue par la foi quand il était encore incirconcis ». Rom., iv, 11 ; cf. tout le début du c. iv, 1-10 ; I Cor., vii, 19 ; Gal., v, 6 ; vi, 15. On invoque aussi l’autorité des Pères, particulièrement de saint Augustin, In ps. LXXIII, n. 2 ; Cont. Fauslum, t. XIX, c. xiii, déjà cités. Cf. S. Thomas, Sum. theol., IIP, q. lxii, a. 6 ; In IV m Sent., dist. I, q. i, a. 1, qu. 3, ad 5um.

2° Aux adultes, les sacrements préchrétiens ne conféraient la grâce qu’n ex opère operanlis ». — Par leur nature même, ces sacrements étaient aptes à exciter dans l'âme des mouvements de foi, d’espérance, de contrition, de charité, et l’on peut croire que Dieu aidait les sujets bien disposés par une grâce actuelle spéciale destinée à amener ces mouvements intérieurs de l'âme à une perfection telle que l’infusion de la grâce sanctifiante dût nécessairement se produire.