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SACREMENTS. EFFETS, CONCLUSIONS


sacramentel de telles analogies, qu’on doit l’appeler « quasi-caractère ».

Il ne semble pas que cette notion et cette terminologie puissent être retenues. Sans doute, dans l’extrême-onction et surtout dans le mariage, est produit, outre la grâce, un élément stable, la recommandation du malade à Dieu, recommandation qui persévère tant que dure la maladie, le lien conjugal, qui demeure Inviolable tant que les deux conjoints vivent. Cet élément stable et permanent peut expliquer la reviviscence de la grâce dans ces deux sacrements. Voir Reviviscence, col. 2620. Mais il n’est pas la raison de la non itérabilité du sacrement. Cette non itérabilité, c’est la fin propre de chaque sacrement qui l’impose. En raison de l’institution du Christ, le mariage est indissoluble parce qu’une fois consommé, il indique parfaitement l’union du Christ avec l'Église ; et en raison de la persistance de la maladie, le malade demeure recommandé à Dieu au point qu’une nouvelle recommandation serait inutile.

L’analogie du res et sacramentum entre les sacrements imprimant un caractère et les deux sacrements dont il est question est donc très lointaine. Du côté de la raison métaphysique de la reviviscence de la grâce, elle est assez prochaine ; du côté du caractère sacramentel comme tel, elle est si lointaine qu’elle ne mérite pas le nom d’analogie. Cf. Hugon, Tractatus dogmaiici, t. iii, p. 123.

iv. conclusions diverses. — Première conclusion : de la nécessité des sacrements. — Puisque les sacrements, de par l’institution positive du Christ, sont des moyens d’obtenir la grâce, il s’ensuit qu’ils sont nécessaires de nécessité de moyen relative, dans la mesure où la grâce qu’ils produisent est nécessaire de nécessité de moyen absolue. Là où la nécessité absolue de la grâce n’existe pas, les sacrements ne sont plus nécessaires d’une nécessité aussi rigoureuse. Aussi le concile de Trente a-t-il condamné les protestants, affirmant que « les sacrements de la nouvelle Loi ne sont pas nécessaires au salut, mais sont superflus ; et que, sans eux ou sans le désir de les recevoir, les hommes, par la seule foi, obtiennent de Dieu la grâce de la justification. » Et le concile ajoute cette restriction ; « Bien que tous les sacrements ne soient pas nécessaires à chacun. » Sess. vii, can. 4. Voir ci-dessus, col. 605.

1. La doctrine catholique exposée par saint Thomas, III 1, q. lxv, a. 3. — Nous avons dit, en commentant le canon tridentin, qu’on y trouvait un écho de l’enseignement de saint Thomas. Voici cet enseignement : « Par rapport à la iiu qu’il s’agit d’obtenir — c’est l’aspect du problème présent — quelque chose est dit nécessaire d’une double façon. Est nécessaire tout d’abord ce sans quoi la fin ne peut être atteinte ; ainsi la nourriture est nécessaire à la vie humaine : c’est là le cas de nécessité stricte (simpliciler necessarium). Mais, d’une autre manière, quelque chose est dit nécessaire si, sans cette chose, la fin ne peut être convenablement atteinte : ainsi un cheval est nécessaire pour un long voyage, quoiqu’il ne s’agisse pas ici de nécessité stricte. Trois sacrements sont nécessaires de la première nécessité, c’est-à-dire strictement, dont deux, par rapport aux individus particuliers, le baptême et la pénitence ; le baptême simplement et absolument, la pénitence dans la seule hypothèse de péchés mortels commis après le baptême. Le sacrement de l’ordre est nécessaire à l'Église : là où il n’y a pas de gouvernement, le peuple croulera (Prov., xr, 14). Mais les autres sacrements ne sont nécessaires que d’une nécessité moins stricte : cai la confirmation n’est en quelque sorte que le perfectionnement du baptême, l’extrême-onction, le perfectionnement de la pénitence ; quant au mariage, il assure la perpétuité de l’Eglise par la propagation [de la race chrétienne]. »

De ce texte général il ressort : 1. que tous les sacrements ne sont pas également nécessaires ; 2. que cer tains sont nécessaires aux personnes individuellement considérées, d’autres à la société de l'Église ; 3. que les uns sont nécessaires strictement, ad esse simpliciter ; les autres, moins strictement, ad bene esse lantum.

2. Explication touchant la doctrine de la nécessité de moyen et de précepte appliquée aux sacrements. — La nécessité de précepte est celle qui provient uniquement d’une obligation morale imposée par le législateur. Assister à la messe le dimanche est nécessaire au salut de nécessité de précepte en raison de l’obéissance due à l’autorité de l'Église. La nécessité de précepte ne peut donc s’appliquer qu'à ceux qui sont capables d’obligation morale, c’est-à-dire aux adultes de raison. De plus, toute excuse sérieuse, impossibilité d’obéir ou simple ignorance non coupable, supprime l’obligation et par conséquent la nécessité de précepte.

La nécessité de moyen est celle qui provient de la connexion intime entre le moyen à employer et la fin à obtenir. Ainsi, un bateau ou un avion est nécessaire pour passer d’Europe en Amérique. En matière de salut, une telle nécessité s’impose à tous, adultes ou enfants, et l’ignorance, même non coupable, n’en excuse pas. Cette nécessité de moyen peut être absolue ou relative. Elle est absolue quand elle résulte de la nature même des choses ; elle est relative quand elle dépend de la volonté de Dieu qui l’a instituée et pour ainsi dire insérée dans la nature même des choses. Mais puisque la nécessité de moyen relative dépend d’une institution positive, elle peut ne pas s’imposer aussi rigoureusement que la nécessité de moyen absolue. En cas d’ignorance du moyen établi par Dieu ou s’il est impossible d’y recourir, il suffira à l’homme pour assurer son salut éternel de joindre au moyen absolument nécessaire le désir, implicite ou explicite, du moyen relativement nécessaire.

Faisant abstraction de l’institution des sacrements, on doit dire qu’une seule chose est, pour le salut, nécessaire de nécessité de moyen absolue : c’est le mouvement de charité parfaite qui nous place dans l’amitié de Dieu, en bref, l'état de grâce avec les dispositions de foi et d’espérance qui le préparent. Tel est le moyen inhérent à la nature même des choses. En dehors de ce moyen ex opère operantis, Dieu, indulgent à notre faiblesse, nous a préparé d’autres moyens de justification ex opère operato, moyens plus universels, puisqu’ils s'étendent non seulement aux adultes mais aux enfants incapables encore d’actes surnaturels, moyens plus faciles, puisqu’ils ne requièrent pas des dispositions aussi parfaites que l’acte de charité. Ce sont les sacrements. Mais Jésus-Christ n’a pas entendu laisser aux hommes la liberté du choix de ces moyens ; il les a imposés : « En vérité, je vous le dis, à moins de renaître de l’eau et de l’Esprit, personne ne peut entrer dans le royaume de Dieu. » Joa., iii, 5. Mais par ailleurs, la suffisance des moyens efficaces ex opère operantis n’a pas été supprimée ; Jésus-Christ, en instituant les sacrements, a simplement voulu inclure dans l’acte de charité parfaite le désir de recourir aux sacrements nécessaires. Et c’est pourquoi, conformément à la définition du concile de Trente, certains sacrements sont dits nécessaires in re vel in voto. Ce désir ne dispense pas de recourir au sacrement lorsque la chose est possible ; bien au contraire, il comporte la volonté d’y recourir. Ainsi le baptême de désir non seulement ne dispense pas du baptême d’eau, mais comporte la volonté de le recevoir ; ainsi l’acte de contrition parfaite ne supprime pas l’obligation de recourir au sacrement de pénitence, mais nous incite à y venir confesser nos fautes graves, déjà remises cependant par la charité.

La nécessité relative de certains sacrements est étudiée dans les articles spéciaux concernant chacun d’eux.