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    1. SACREMENTS##


SACREMENTS. EFFETS, LA GRACE SACRAMENTELLE

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par analogie avec les causes naturelles : les mêmes causes produisent, dans les mêmes circonstances, les mêmes effets. Sum. Iheol., III », q. lix, a. 8.

On observera qu’il s’agit de l’efïet produit ex opère operato. L’assertion n’empêche donc pas qu’une spéciale bienveillance de Dieu puisse accorder une sanctification plus grande a l’un qu'à l’autre, en raison d’une vocation plus sublime par exemple, et cela principalement dans le baptême. Cf. Chr. Pesch, op. cit., n. 133-134 ; Van Noort, De sacramentis, t. i, n. 72. La doctrine des Pères à ce sujet est concordante. Suarez, op. cit., disp. VII, sect. vir, n. 4 ; de Lugo, disp. IX, sect. ii, n. 18 sq.

2. Des sacrements spécifiquement différents très probablement confèrent à un sujet également disposé une grâce plus ou moins grande, mais proportionnée à leur perfection. — Une cause plus parfaite produit, toutes choses égales d’ailleurs, un effet plus parfait. Or, certains sacrements sont, en soi, plus parfaits que d’autres. Cf. Conc. Trid., sess. vii, can. 3 ; voir cidessus, col. ( 05. Donc, dans le même sujet, également disposé, tel sacrement produira selon toute vraisemblance une grâce plus parfaite. On ne concevrait pas que le baptême ou l’ordre qu’on ne reçoit qu’une fois et qui, par conséquent, commandent toute une vie, ne produisent pas dans l'âme une grâce plus abondante que le sacrement de pénitence qu’on peut aujourd’hui si souvent renouveler. L’eucharistie, sacrement si parfait, et qui contient l’auteur même de la grâce, doit normalement conférer une grâce plus parfaite. Cf. Hervé, op. cit., n. 445, 446. Mais c’est surtout dans la production des grâces sacramentelles que s’affirment ces inégalités.

II. GRACE SACRAMENTELLE.

Notion générale.


Il est certain que l’infusion dans l'âme de la grâce sanctifiante n’est pas, même dans l’ordre actuel de la Providence, liée à la réception effective d’un sacrement, bien qu’en réalité cette infusion extra-sacramentelle suppose toujours, chez les adultes, le désir au moins implicite du sacrement. Par conséquent, on peut concevoir que la grâce habituelle ou sanctifiante soit communiquée extra-sacramentellement : c’est le cas de la justification ex opère operantis. En ce cas, c’est-àdire « en tant qu’elle n’est pas acquise par la voie sacramentelle ex opère operato, mais qu’elle est méritée en un sens plus ou moins strict (de congruo vel de condigno) ex opère operantis », elle s’appelle « la grâce commune ou ordinaire (gratia communiter dicta, vel communis) ». N. Gihr, Les sacrements de l'Église catholique, t. i, p. 115. Mais ordinairement la grâce habituelle ou sanctifiante est produite ou accrue par la réception d’un sacrement, ex opère operato, et, en ce cas. elle est accompagnée d’autres secours habituels ou actuels répondant à la fin du sacrement reçu. Les théologiens, appellent grâce sacramentelle « toutes et chacune des grâces qui sont produites et reçues par cette voie. »

Si générale que soit cette première notion de la grâce sacramentelle, elle nous permet néanmoins de constater que la grâce, appelée sacramentelle parce que causée par le sacrement, comporte la grâce habituelle commune, qui est essentiellement la même que dans la justification extra-sacramentelle, et, de plus. « quelque chose » de surajouté. Les théologiens, écrit à ce sujet Gihr (p. 110), admettent généralement que cette distinction (de la grâce commune et de la grâce sacramentelle) n’atteint pas l’essence de la grâce, qu’elle est simplement accidentelle. Gratia sacramentatis est radem per essentiam cum gratia virtutum, licet gratia sacramentalis plures eonnotel efjectus. S. Bonaventure, In IVum Sent., dist. I, part. I. q. vi. » Et dans un sens plus strict et plus pressé, c’est ce quelque chose d’accidentel et tic surajouté que le langage

théologique appelle grâce proprement sacramentelle, par opposition à la grâce commune des vertus et des dons.

Précisions.

« Il est certain que, en plus de la

grâce sanctifiante commune à tous, chaque sacrement confère encore une grâce spéciale qui lui est propre et qu’on appelle grâce sacramentelle. En effet, que l’on considère les fins diverses, les significations spéciales et l’institution multiple des sacrements, la raison de cette grâce sacramentelle apparaîtra manifestement. Les sacrements ont été institués pour des fins diverses, qui sont les diverses nécessités spirituelles des chrétiens ; ils doivent donc avoir des effets divers, au moins partiellement. De plus, les sacrements confèrent " la grâce qu’ils signifient » ; or, il est évident que chacun signifie un don spécial ; donc aussi il le confère. De. même, si l’effet de tous les sacrements était totalement identique, pourquoi le Christ aurait-il institué sept sacrements différents ? Donc, il faut conclure que tout sacrement, en plus de la grâce sanctifiante, confère un certain secours divin propre à nous faire atteindre la fin qui lui est spéciale. S. Thomas, Sum. theol., III », q. lxii, a. 2. » A. -A. Goupil, Les sacrements, t. i, p. 37. Cf. Jean de Saint-Thomas, op. cit., n. 285.

Ce secours sacramentel ne consiste pas dans la simple différence de la grâce « seconde » par rapport à la grâce « première », voir plus haut, col. 625, ou encore dans une intensité plus ou moins grande de la grâce sanctifiante. Car « pour expliquer une différence de ce genre, de multiples sacrements, distincts les uns des autres, n’eussent pas été nécessaires ; il eût suffi d’un sacrement plusieurs fois réitéré ou tout au plus de deux sacrements, l’un devant procurer et accroître la grâce, l’autre destiné à faire récupérer la grâce à qui l’aurait perdue. » Une telle diversité dans les effets eût été purement quantitative, nullement qualitative. Or, la diversité des sacrements et leurs significations différentes exigent des effets qualitativement différents. « Aussi faut-il conclure que les grâces sacramentelles, c’est-à-dire les effets propres à chaque sacrement, se distinguent d’une certaine manière et entre eux et de la grâce habituelle ; et cette diversité n’est pas suffisamment expliquée par le plus ou le moins, ou par un effet que la réitération seule du sacrement causerait. » Cf. Jean de Saint-Thomas, loc. cit.

La notion de grâce sacramentelle se précise par comparaison avec celle de la grâce commune : d’une part, la grâce commune avec son cortège de vertus et de dons est ordonnée à la perfection même de l'âme dans l’ordre de la vie surnaturelle, c’est-à-dire dans la participation même de la nature divine ; d’autre part, la grâce sacramentelle est ordonnée à la réparation des blessures causées par le péché, en tant qu’elle est une participation de la grâce du Christ. D’où il suit que la grâce sacramentelle consiste en une certaine dérivation et imitation de la grâce de Jésus-Christ ; de telle façon que cette dérivation et imitation lui confère le pouvoir de corriger plus parfaitement les défauts du péché et de disposer ainsi l'âme chrétienne à percevoir tous les effets auxquels est ordonné chacun des sacrements. Cf. S. Thomas, De veritute, q. xxvii, a. 5, ad 12° m et ad 15um.

3° Relation de la grâce sacramentelle à la passion du Christ. — En soi, il est bien évident que toute grâce, dans l’ordre de la nature déchue et réparée parle Christ, est une dérivation de la passion du Sauveur. Mais, parce que la passion du Sauveur a été ordonnée en vue de la réparation de la nature déchue, plus la grâce sera conçue comme un remède contre le péché, plus elle apparaîtra comme une dérivation et une participation delà passion de Jésus-Christ. Or, d’après saint Thomas lui-