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reçoit le mouvement de la main de l’homme qui le tient. Or, Dieu est l’auteur et le principe de toute grâce : la sainte humanité du Christ est l’instrument séparé et suhordonné ; il faut donc que la vertu salutaire découle de la divinité de Jésus-Christ par le moyen de son humanité et pénètre les sacrements. Cf. IIP », q. lxii, a. 5. Ainsi Jésus-Christ exerce, comme Dieu et comme homme, une action différente au point de vue de la production de la grâce sacramentelle : en tant que Dieu, il agit principalement ou par autorité ; par son humanité, il n’y agit pas seulement comme première cause méritoire, mais encore comme cause efficiente quoique instrumentale. De la sorte, par les sacrements comme par autant de canaux, la vertu de la passion du Sauveur ou, ce qui revient au même, les mérites de la rédemption, arrivent jusqu'à nous ; car les sacrements de l'Église empruntent leur efficacité tout spécialement à la passion du Christ dont la vertu nous est unie en une certaine manière par la réception des sacrements. C’est pour signifier ce mystère que Jésus-Christ, attaché à la croix, laissa échapper de son côté entr’ouvert de l’eau et du sang : l’eau figure le baptême, le sang figure l’eucharistie — et, entre les sacrements, le baptême et l’eucharistie sont les deux plus excellents. Cf. S. Thomas, III », q. lxi, a. 3 ; lxii, a. 5. » N. Gihr, op. cit., p. 97-98.

La causalité dispositive.

Nous avons déjà pu

distinguer deux phases dans l’histoire de la causalité dispositive. La première phase serait celle de la préhistoire de la théologie sacramentaire : avant saint Thomas, et même chez quelques auteurs contemporains de saint Thomas et chez saint Thomas lui-même dans le Commentaire sur les Sentences, on admet généralement que les sacrements n’atteignent pas la grâce elle-même, mais produisent simplement dans l'âme une disposition nécessitant la production de la grâce. Cette théorie a pour base l’impossibilité de concevoir une coopération instrumentale à la création de la grâce. De plus, elle s’appuie sur la conception tripaitite déjà vulgarisée du sacramentum, du res et sacramentum et de la res sacramenti ; res et sacramentum étant le seul effet immédiat du sacrement extérieur.

La deuxième phase est celle qu’inaugurent Pierre de La Palu et Capréolus. Voulant affirmer une fidélité rigoureuse aux doctrines exprimées par saint Thomas dans les Questions disputées et dans la Somme, ces auteurs entendent la dispositio prsevia, non du caractère ou de Yornalus anima' qui s’identifie avec le res et sacramentum, mais de la grâce sacramentelle ellemême en tant que distincte de la grâce gratum /ariens. Mais cette position est elle-même peu conforme aux déclarations de saint Thomas dans la Somme, relativement à la nature de la grâce sacramentelle.

La théorie de la causalité dispositive, à laquelle le concile de Trente semblait avoir donné le coup de mort, est ressuscitée au xixe siècle pour entrer dans une troisième et nouvelle phase, la causalité dispositive intentionnelle, qui probablement n’aurait jamais acquis droit de cité dans nos exposés théologiques, si le cardinal Billot ne lui avait accordé son patronage.

Est-ce à dire que la conception de Capréolus soit entièrement disparue ? On la retrouve, de nos jours encore, chez quelques auteurs. Del Val opine que les sacrements produisent physiquement et immédiatement reliqiosam animæ consecrationem, quæ indirecte seu dispositive nécessitât infusionem gratiæ. Sacra theologia dogmatica, t. iii, n. 53 sq. De même, de Bellevue estime que les sacrements produisent physiquement le caractère ou un état d'âme disposant à la grâce. La grâce sacramentelle ou effet propre des divers sacrements, Paris, 1900, p. 103 sq. Gonthier en revient même purement et simplement à l’ancienne causalité

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dispositive de saint Thomas dans le Commentaire des Sentences. De la causalité des sacrements, dans Études, t. lviii, p. 213-238 ; 471-498.

Mais les partisans actuels de la causalité disposilive physique se comptent sur les doigts de la main ; la faveur est, chez certains disciples de Billot, à la causalité dispositive intentionnelle.

1. Exposé de l’opinion d’une causalité dispositive intentionnelle (Billot). — Le cardinal Billot, tout en déclarant la causalité morale insuffisante, rejette l’efficacité physique. Deux assertions principales résument l’explication de ce théologien. 1. la vertu instrumentale par laquelle opèrent les sacrements n’est pas physique, mais intentionnelle ; 2. l’action des sacrements n’atteint pas la grâce elle-même, mais plutôt la disposition qui exige la grâce.

a) La causalité intentionnelle. — Cette causalité imprime ou excite une image, éveille une intelligence, porte une pensée ou un ordre. On signale un exemple de cette causalité dans les paroles par lesquelles le souverain pontife, au consistoire, publie les nouveaux évêques. Non seulement ces paroles signifient la collation de la juridiction épiscopale, mais elles la produisent quant au pouvoir de juridiction. C’est une sorte de causalité per modum imperii analogue à la causalité qui accompagnait les paroles du Christ lorsqu’il commandait aux vents et à la tempête ou qu’il présentait aux éléments créés sa volonté pour accomplir en eux des miracles. On aurait tort d’expliquer l’efficacité des sacrements par une vertu physique, sorte de motion les animant au moment où ils produisent leur effet ; il suffît d’une motion intentionnelle s’originant à l’institution du Christ. De plus, et précisément parce que la motion instrumentale du sacrement est d’ordre intentionnel, son terme immédiat ne saurait être la grâce elle-même, mais un titre exigitif de la grâce, titre dont la réalité est elle-même, non pas d’ordre physique, mais d’ordre intentionnel et moral, quoique néanmoins constituant un être très réel. Ce titre exigitif de la grâce joue donc le rôle de disposition. Et c’est en ce sens que saint Thomas aurait enseigné que le sacrement agit instrumentaliter disposilive.

L’auteur montre la cohérence de son système avec la nature même du sacrement. Les sacrements sont des signes, dont l’action propre — manifester les concepts de l’intelligence — est d’ordre intentionnel. L’action instrumentale des sacrements doit donc se trouver dans la même ligne et dans le même ordre : significando causant. S. Thomas, De veritate, q. xxvii, a. 4, ad 13. Ainsi les sacrements, en tant que signes institués par le Christ, manifestent par leur opération propre, c’est-à-dire notifient le décret divin concernant la sanctification du sujet et simultanément, par leur opération instrumentale qu’anime une vertu divine, ils appliquent efficacement ce décret au sujet du sacrement et causent en lui une forme intentionnelle qui est comme une nécessité de recevoir la grâce. Ainsi trois mots résument cette doctrine : cause instrumentale efficiente, intentionnelle, disposilive.

L’autorité du maître a rallié à cette conception un certain nombre de disciples : Van Noort, De sacramentis, t. i, n. 57 sq. ; Bellevue, La grâce sacramentelle, Paris, 1900, p. 66 sq. ; Manzoni, Compendium theologise dogmatiew, t. iv, Turin, 1912, n. 42 ; De Smet, De sacram. in génère, n. 38-40 ; Richard, La causalité instrumentale : physique, morale, intentionnelle, dans la Revue néo-scolastique, 1909, p. 20-31 ; Blondiau, De causalitate physica, morali, intenlionali sacramentorum. dans Collaliones Namurcenses, t. xiii, 1913-1914, p. 249 ; Merchelbach, De sacramentis sub conditione « Si non es dispositus » non ministrandis, dans Revue ecclésiastique de Liège, 1909, p. 335 ; Van Hove, La