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619 SACREMENTS. CAUSALITÉ, EXPLICATIONS THÉOLOGIQUES 620

vertu Instrumentale, nous l’accordons… bien volontiers ; mais il est certain aussi qu’ils ont voulu attribuer aux sacrements une réelle et puissante efficacité. et leurs expressions ne désignent que la causalité physique. » E. Hugon, La causante instrumentale, p. 125.

c. Plus conforme à la liturgie. — La liturgie de la bénédiction des fonts, au samedi saint, ne s’explique bien qu’en admettant une causalité physique du baptême : la consécration de l’huile au jeudi saint amène la même réflexion. Cf. Hermann, op. cit., n. 1183.

ci. Plus conforme aux déclarations des conciles. — Nos sacrements, disent les conciles de Florence et de Trente, contiennent la grâce qu’ils signifient ; ils la confèrent à ceux qui n’apportent pas d’obstacle ; ils Ja donnent par eux-mêmes. Or, la cause morale ne contient pas l’effet à produire ; elle sollicite, l’agent d’intervenir, mais l’effet réalisé, elle ne l’a pas, elle ne le porte pas, elle ne le donne pas. Les termes de force, vertu (vis, virlus ; cf. conc. de Trente, sess. vii, De baptismo, can. 1) choisis par les Pères de Trente s’entendent tout naturellement d’une réalité physique ; la causalité morale serait mieux désignée par les mots : valeur, dignité, excellence, que le concile a cependant écartés. Le c. vu de la vie session sur la justification est suggestif à cet égard, le concile y distinguant la cause méritoire de la justification de sa cause instrumentale. Le vi verborum employé par le concile pour marquer comment s’opère la transsubstantiation est aussi significatif. Voir Hugon, op. cit., p. 127-137. Sans doute, le concile de Trente n’a pas voulu trancher les controverses d’école ; mais, voulant affirmer en termes précis la causalité réelle, l’ex opère operalo du sacrement, il n’a pu se servir que de termes dont le sens obvie ne peut bien s’entendre que dans le système de la causalité physique.

Les théologiens qui veulent tenir la balance égale entre les deux systèmes citent un passage du catéchisme du concile de Trente qui semble indiquer que le mode de causalité des sacrements nous échappe : Quo autem paclo tanta res et tam mirabilis per sacramentum efjiciatur, ut, quemadmodum sancti Auguslini sententia celebratum est, « aqua corpus abluat, et cor tangat », id quidem humana ratione alque intelligentia comprehendi non potest. Mais on oublie trop ce qui suit : At fidei lumine cognoscimus, omnipotentis Dei virtutem in sacramentis inesse, qua id efficiant, quod sua vi res ipsæ naturales præstare non possunt. C. i, n. 27. On ne prétend pas que le système de la causalité physique puisse se démontrer autrement qu’à la lumière des enseignements de la foi.

e. Plus appuyée sur la raison theologique. — La causalité physique de certains sacrements, de l’eucharistie notamment, mais aussi de l’ordre et du baptême, apparaît si nettement qu’il est de bon raisonnement théologique de l’étendre aux autres. De plus, on ne voit pas très bien comment le système de la causalité morale peut différencier l’action des sacrements de la Loi nouvelle d’avec l’action des sacrements préchrétiens : « La doctrine thomiste fait nettement ressortir l’économie des deux alliances. Dans l’ancienne, le Christ n’agit que moralement, c’est-à-dire que la grâce est conférée en vue fies mérites futurs ; donc les sacrements ne doivent être que des causes morales ; dans la Loi nouvelle, il existe et agit physiquement ; donc, les sacrements doivent être des causes physiques. » Hugon, op. cit., p. 1 15.

b) Les arguments défavorables. — On les trouvera bien résumés et à la fois résolus dans I lervé, Manuale, t. iii, n. 427.

a. Dans le système de la causalité physique, où le sacrement atteint immédiatement la grâce, on peut

se demander où se trouve l’action préalable dispositive qui cependant est requise en tout instrument. — Difficulté à laquelle on a d’avance répondu en distinguant dispositive operari et disposilioncm operari. C’est non dans le terme opéré que se trouve la disposition préalable, mais dans la manière d’opérer que se rencontre l’action dispositive. Cf. Hugon, Tractatus dogmatici, t. iii, p. 82, n. xiii.

b. Comment une vertu spirituelle fia vertu communiquée au sacrement par l’agent principal, Dieu) pourrait-elle être reçue en un sujet corporel ? — Réponse : il ne s’agit pas d’une puissance, être complet et permanent, mais d’une motion, être essentiellement incomplet et transitoire, qui n’est pas faite pour le sujet matériel dans lequel elle passe, mais pour le terme spirituel auquel elle aboutit. Cf. S. Thomas, De vcritale, q. xxvii, a. 4, ad 5um.

c. Les sacrements sont des entités morales ; comment pourraient-ils opérer physiquement. — La meilleure réponse à faire à cette objection est de reprendre le système de Jean de Saint-Thomas sur la constitution du sacrement : l’être moral qui résulte de l’intention du Christ apporte l’unité sacramentelle aux éléments physiques, matière et forme. Par conséquent l’être moral ou de raison se continue dans la réalité par des éléments physiques ; aussi l’institution et l’intention du Christ se prolongeant sur les éléments sensibles du sacrement donnent à la vertu instrumentale d’être réelle et physique et d’agir réellement et physiquement sur la production de la grâce. Cf. Billuart, diss. III, a. 2, obj. 1.

d. Le sacrement ne peut plus opérer physiquement, puisqu’il n’existe plus au moment où la grâce est produite. — « Le rite efficace existe dans son terme et dans son complément définitif, lorsque la dernière syllabe est prononcée ; la signification de la forme étant simple, bien que tous les mots ne soient pas proférés à la fois, la vertu sacramentelle aussi est simple et produit son effet physique au dernier instant. » Cf. S. Thomas, Sum. theol., III a, q. lxxviii, a. 4, ad 3um.

e. La reviviscence de certains sacrements pose une sérieuse objection à l’encontre de leur causalité physique. Comment opéreraient-ils physiquement, puisqu’ils n’existent plus ? — Voir ici Reviviscence, t. xiii, col. 2625-2626.

I. L’objection fondamentale n’est guère touchée par nos auteurs. Il s’agit de la création même de la grâce. Comment une cause créée peut-elle concourir instrumentalement à une création de la grâce dans l’âme ? — On a déjà déclaré à plusieurs reprises que ce n’est pas la grâce qui est directement et immédiatement créée par Dieu dans la justification opérée sacramentellement, mais c’est le sujet lui-même de la grâce qui est élevé par Dieu à un état supérieur. C’est dans cette élévation que peut s’exercer l’action instrumentale. Voir col. 586, 588.

Sans doute, toute obscurité n’est pas enlevée du système de la causalité physique. On ne peut nier cependant qu’il no représente une synthèse remarquable de l’œuvre surnaturelle de la justification et de la sanctification sacramentelles, où il montre « trois facteurs agissant mystérieurement : Dieu, comme cause principale ; la sainte humanité de Jésus et le sacrement comme instruments de cette cause principale. Cf. S. Thomas, P--II æ, q. cxii, a. 9, ad 2um. Ces facteurs agissent d’une manière semblahle, c’est-à-dire effectivement, mais il y a entre eux subordination en même temps que compénétration intime. Il faut, en effet, distinguer entre l’instrument uni à celui qui agit par ce moyen et l’instrument séparé et distinct de l’agent : ce. dernier instrument est mis en mouvement par le premier, comme le bâton, par exemple,