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SACREMENTS. CAUSALITÉ, LES NOMINALISTES


éléments matériels puisse produire in inslanli la disposition préalable à la grâce ? Sur ces thèmes généraux, Scot module des variations multiples avec une ironie subtile et souvent déconcertante.

Voici maintenant la reconstruction positive de Scot. La présence de Dieu dans le sacrement n’ajoute rien à la présence affirmée par tous les philosophes per præsentiam, per potentiam, per esseniiam. Il faut donc qu’elle vienne d’un autre principe. Ce n’est pas du sacrement, qui ne saurait être cause déterminant Dieu à agir. Donc, c’est en suite d’une détermination de la volonté divine qui en a disposé ainsi et s’est engagée devant l’Kglise à produire tel effet attaché au sacrement. Comment dire cependant que les sacrements soient causes de la grâce ? Non pas parce qu’ils ont une action par rapport à la grâce ou à la disposition immédiate à la grâce, puisque grâce et disposition à la grâce ne peuvent être produites que par création. Mais la réception du sacrement constitue la disposition immédiatement requise pour l’infusion par Dieu de la grâce, et ce, non par la production d’une autre disposition intermédiaire entre le sacrement et la grâce, non en vertu d’un rapport naturel ou intrinsèque du sacrement à la grâce, mais simplement en raison de l’ordre imposé par la volonté de Dieu, agent principal. Ipsum sacramentum sive susceptio sacramenfi est talis disposait) immediata, non causons aliam médium inter se et gratiam ; ergo ipsa potest diei aliquomodo causa activa vel instrumentons respecta gratin-… Hsec propositio… : « omnis dispositio nécessitons ad formant… potest dici ipiodammodo causa activa sive émisa instrumentons » respeetu forma' conceditur, quando ex natura sua vel dliquo intrinseco vel ordinatione naturali alicujus agentis superiorts nécessitai ad formant : non sic est hic, sed tantum nécessitai ex ordinatione voluntatis agentis Dei. Lampen, op. cit., p. 55-56.

On le voit, Scot, sans en avoir déjà trouvé le mot, est un véritable précurseur de la causalité morale. Il semble donc que c’est bien à tort qu’on l’ait fréquemment rangé parmi les partisans des sacrements, conditions sine quibus non de la grâce. C’est à cette conclusion, d’ailleurs, que sont parvenus A. O’Neill, La causalité sacramentelle d’après le Docteur subtil, dans Études franciscaines, 1913, p. 1Il sq., et R.-M. Huber, The doctrine of Ven. John Dans Scotus, dans Franciscan studies, n. 4, New-York, 1926.

3. Eclectiques et nominalisles. a) Henri de Gand (t après 1292), auquel Duns Scot se réfère à plusieurs reprises, propose une explication, à première vue originale, mais qui en réalité se rapproche ou de la causalité simplement morale ou même de la simple condition sine qua non. L’explication consiste à comparer l’union de Dieu au sacrement à l’union hypostatique de la divinité et de l’humanité dans l’incarnation. Dans l’incarnation, » la divinité existant dans la chair du Christ par la grâce d’union guérissait les lépreux au contact de la main de Jésus ». Ainsi, les sacrements de la Loi nouvelle sunt émisa gratin' instrumentaliter, non quia aliquid agunt in producendo gratiam plus quam sacramenta V. L., sed quia Deus ut existais est in ipsis ad lactum connu circa illos, quibus administrais, confert gratiam creanilo eam in ipsis. Et per hune minium diriinliir esse instrumenta créai i va gratis…

Quodlibetum IV, q. xxxvii, Paris, l. r >ix, toi. 149 v° sq. Dans Gierens, op. cit., p. 92-93.

b) Durand de Saint-Pourçain (i 1332). Il

accentue encore l’explication dans le sens de la condition sine qua non : in sacramentis non est alii/ua virlus causativa gratis…, sed sunt émisa sine qua non confertur gratin, quia ex divina ordinatione sic /il gund recipiens sacramentum recipit gratiam, nisi pnnel obirem, et rccipil gratiam non a sacramento, sed a Deo. In /Vum Sent., dist. I. q. iv.

c) L'école norninalisle. Dans son ensemble, elle s’attache à l’explication de la condition sine qua non. Voir ici, pour Gabriel Biel, t. ii, col. 822.

Quant à Pierre d’Ailly, il admet nettement que les sacrements ne sont causes qu’improprement dites : Dupliciter potest aliquid diei causa. Uno modo proprie, quando ad præsentiam esse unius, virtute ejus et ex natura rci scquitur esse alterius, et sic ignis est causa coloris. Alio modo improprie, quando ad præsenliam esse unius sequitur esse alterius, non tamen virtute ejus, nec ex natura rei, sed ex sola voluntate alterius ; et sic cai’sa sine QUA non dicitur causa… Sacramenta N. L. primo modo non sunt causse effectivse gratiæ, sed bene secundo modo, improprie. In IV m Seul., q. i, c. 1, concl. 3° ; cf. Occam, In IVum Sent., dist. i, q. i. 2°.

Conclusion générale.

 Jusqu’au début du

xvie siècle, les systèmes modernes sur la causalité des sacrements n’existent pas encore, du moins sous la forme précise et avec les expressions aujourd’hui reçues. Cependant la période de tâtonnements et de préparation que nous avons étudiée permet de dégager, sous le sens dogmatique (qui s’affirme de plus en plus, surtout à partir de saint Thomas qui lui a donné une impulsion exceptionnelle avec la doctrine de la causalité instrumentale et de l’ex opère operato), diverses tendances théologiques, qui toutes prétendent conserver le dogme acquis de la causalité sacramentelle en l’expliquant de. différentes manières.

Trois tendances s’affirment principalement : la première dans l’ordre chronologique, épouse d’une façon simple, trop simple sereit-on tenté de dire, les contours de la doctrine universellement reçue au Moyen Age du triple aspect du sacrement : sacramentum tantum, res et sacramentum, rcs særamenti (voir plus loin, col. 021). Dans tout sacrement, il faut considérer un effet intermédiaire entre le sacrement extérieur et la chose intérieure du sacrement, la grâce : c’est la réalité sacramentelle du caractère ou de Yornatus animée, disposition préalable à la grâce.

Puis, devant les difficultés que présente cette théorie de la causalité dispositive pour expliquer l’efficacité réelle des sacrements, et surtout après l'évolution qui s’est produite, sinon dans la pensée, du moins dans les formules do saint Thomas, nous voyons s’affirmer, après des hésitations et des tâtonnements dans l'école dominicaine, la célèbre théorie de la causalité immédiate de la grâce, par les sacrements. Cajétan en est l’initiateur. On la retrouvera plus tard sous le nom de causalité physique perfective, deux expressions assez peu propres à en faire comprendre le sens profond.

Enfin, en réaction contre les difficultés, apparentes ou réelles, de l’explication thomiste, surgit avec Scot et reprise plus tard p ; r I.cdesma et Cano, l’explication, toul d’abord dénommée de la pactio divina, disposition, ordination divine, ensuite plus simplement appelée causalité morale. I, 'école franciscaine a préparé cette évolution et les travaux récents de Henriquet et de Rémy pour saint Bonaventure, de O’Neil et de Huber pour Duns Scot. ont heureusement mis en relief les liens étroits de parenté qui unissent l’ancienne opinion franciscaine et la théorie moderne de If causalité morale. I.a raison métaphysique qui a séparé les deux grands courants est, du côté des partisans de la pactio divina et de la causalité morale, l’impossibilité de concevoir une causalité instrumentale dont l’effet se terminerait à la « création » de la grâce : du côté des partisans (le la causalité immédirte de la grâce, la possibilité d’expliquer la production de la grâce dans l'âme autrement que par voie de création pure et simple. En tout cas le progrès incontestable qui s’est fait dans les esprits, quant à ce problème de la « créa-