Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.1.djvu/300

Cette page n’a pas encore été corrigée

58.">

    1. SACREMENTS##


SACREMENTS. CAUSALITÉ, APRÈS SAINT THOMAS

586

Cf. Hugon, La causalité instrumentale en théologie, Paris. 1907, p. 118 sq., mais surtout p. 132-142 ; Tractatus dogmatici, t. iii, 9° édit., p. 74-75 ; J. Bucceroni, Commentarius de sacramentorum causalitate, Paris. 1884 ; B. Lavaud, Saint Thomas et la causalité physique instrumentale de la sainte humanité et des sacrements, dans la Revue thomiste, 1927, p. 292 sq. ; La thèse thomiste de la causalité physique de ht sainte humanité et des sacrements se heurte-t-elle à d’insurmontables difficultés ? ibid., p. 405 sq. ; cf. A. Teixidor, De causalilate sacramentorum, dans Gregorianum, 1927, p. 76 sq.

Les partisans de la causalité monde ou de la causalité intentionnelle se réfèrent aux textes qui présentent la vertu sacramentelle comme se rattachant à la passion du Christ, dont le mérite opère dans les sacrements, ou encore à l’ordination divine, à la foi de l’Église et qui en propres termes la dénomment vertu spirituelle ou intentionnelle. Voir H. Bouessé, La causalité efficiente instrumentale de l’humanité du Christ et îles sacrements chrétiens, dans la Revue thomiste, 1934, p. 370-393 ; M. Gicrens. Zur Lehre det hl. Thomas i’iber die Kausalitdt der Sakramente, dans Scholastik, 1934, p. 321-345 ; Franzelin, De sacramentis, th. xi, scholion i : Chr. Pesch, Prselection.es théologies, t. vi, n. 106.

Mais on a cru découvrir une évolution dans la pensée de saint Thomas qui, dans les ouvrages de jeunesse, surtout dans le Commentaire sur les Sentences, aurait enseigné une causalité simplement dispositive, le sacrement ne produisant immédiatement qu’une disposition à la grâce, pour se rétracter, au

P moins implicitement, dans la Somme théologique, en y enseignant une causalité perfective, atteignant la grâce elle-même. C’est là l’enseignement île Cajétan : Quidquid enim, secundum aliorum opinionem ut probabiliorem dixeril auctor in 7Vum Sent., hoc in loco, secundum propriam sententiam, longe allias sensit, expresse ponens gratiam gratum facientem… a Deo principaliter et a sacramento instrumentaliter effici. Comment, in Sum. theol. S. Thomæ, III 11, q. i.xii. a. 1. Interprétation contestée par Silvestre de Ferrare, Comment, in S. Thomse Aquinalis Summum contra gentiles, t. IV, e. lvii. Voir les textes dans Gierens, op. cit., p. 102, 103, n. 73, 74. À rencontre de cette interprétation, on lait valoir également que la causalité dispositive sacramentelle n’est pas absente de la Somme théologique. Ainsi, IIP, q. lxiii, a. 1, saint Thomas affirme que « le caractère est dit une disposition à la grâce » ou encore, ce qui revient au même, tes et sacramentum, ibid., a. 3, ad 2um. D’ailleurs, la doctrine générale n’est-elle pas affirmée dans la I a, q. xlv, a. 5 : Causa secunda instrumentons non participai aclionem causée superioris, nisi in quantum per aliquid sibi proprium DISPOSitive operatur ad effectuai principalis agentis. A cette instance, les meilleurs interprètes de saint Thomas, notamment Baiïez, In D m Sum. S. Thomse, q. xlv, a. 5, concl. 4, et Jean de Saint-Thomar, De sacramentis, disp. XXIV, n. 323 sq., répondent que l’expression dispositive operari ou causarc ne doit pas faire illusion : elle signifie simplement instrumentaliter agere, et n’est pas du tout synonyme de dispositionem operari. Dispositionem operari est une locution qui appartient évidemment à la causalité dispositive et, dans la Somme, saint Thomas, tout en affirmant que le caractère est une disposition à la grâce, n’a pas écrit que le sacrement ne causait pas la grâce immédiatement et que son efficacité s’arrêtait au caractère : « Tous les philosophes enseignent, en effet, que, dans la causalité instrumentale, l’action de la cause principale ne passe pas seulement par l’instrument : elle sort, à la lettre, de l’instrument : non transit per instrumentum, sed exit ab instrumenta. Or, pour que l’action

de la cause principale sorte de l’instrument, il faut qu’elle y pénètre, il faut qu’elle y trouve comme une sorte de point d’insertion, où elle rejoigne l’instrument lui-même, ou plutôt où elle se conjoigne à lui, afin de tirer de lui l’action qu’elle veut produire. Dispositive operari ne marque rien de plus que l’opération de l’instrument, cette action dispositive que la cause principale requiert jusque dans son propre exercice. » Ami du clergé, 1926, p. 62. Ainsi donc l’expression dispositive operari des Questions disputées et de la Somme théologique ne saurait infirmer en rien l’existence d’une évolution profonde dans la pensée de saint Thomas.

L’existence d’une telle évolution est confirmée par ce fait — qui est à la base de toutes les conceptions anciennes île la causalité sacramentelle — que les théologiens antérieurs à saint Thomas professaient une création proprement dite de la grâce dans l’âme. Or, à une création proprement dite aucun instrument créé ne peut concourir, sinon d’une manière dispositive dans la matière où se produit la création. C’est la thèse du Commentaire sur les Sentences. Dans la Somme, saint Thomas rejette, pour expliquer la production de la grâce dans l’âme, l’idée d’une création proprement dite. Cf. PI H, q. ex, a. 2, ad 3° m ; q. cxii, a. 1, ad lum et ad 2um. L’expression : dispositionem operari convient à la conception d’une production de la grâce par manière de création proprement dite ; dispositive operari convient à la conception d’une production de la grâce qui implique la création de l’homme tout entier dans la vie surnaturelle. Cf. [ » -II B, q. ex. loc. cil. Sur cette évolution de la pensée de saint Thomas, voir Pègues, Revue thomiste, 1904, p. 352 sq. ; Commentaire littéral, t. xvii, p. G8 sq. ; Nepveu, De causalitate sacramentorum, dans Divus Thomas. 1904. p. 23 sq. ; Unterleidner, Controverse thomiste : l’effet immédiat des sacrements, dans la Revue auqustinienne, 1908, p. 193 sq.

Dans cette explication de la pensée de saint Thomas arrivée à son dernier stade l’expression dispositive operari ne saurait être opposée à l’opinion qu’on a appelée, d’un terme d’ailleurs très contestable, la causalité perfective, c’est-à-dire atteignant la grâce elle-même. C’est ce que font opportunément observer les PP. Simonin et Meersseman dans leur récent recueil De sacramentorum effteacia apud theologos ord. prsed., p. vin. Ces auteurs n’admettent que difficilement une évolution de la pensée même de saint Thomas ; ils envisageraient plus volontiers une simple évolution dans la terminologie. Dans le Commentaire sur les Sentences, saint Thomas relie modestement son opinion à celle qui était alors en vigueur touchant la causalité des sacrements. Ensuite, approfondissant davantage sa propre pensée, le Docteur angélique a su se dégager d’une terminologie défectueuse et abandonner la distinction primitivement adoptée entre disposition à la grâce et grâce elle-même. Id., loc. cit.

A l’opposé, nous trouvons l’opinion de Billot qui, pour revendiquer le patronage de saint Thomas à sa théorie de la causalité dispositive intentionnelle, s’efforce de démontrer que saint Thomas a toujours tenu l’opinion d’une causalité sacramentelle se terminant immédiatement à une dispositio prsevia, le res et sacramentum. De sacramentis, t. i, th. vu. Bon nombre des disciples de ce théologien se sont ralliés à cette manière de voir. Citons au hasard : Van Noort, de Smet, Horace Mazzella, Hervé. Van Hove (La doctrine du miracle chez saint Thomas, p. 148-159), Van der Meersch.

Après saint Thomas d’Aquin.

1. Dans l’école

dominicaine. — Quelles que soient les divergences d’interprétation touchant la pensée de saint Thomas, il reste acquis qu’un grand progrès a été réalisé par