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    1. SACREMENTS##


SACREMENTS. CAUSALITÉ, PREMIÈRES EXPLICATIONS

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s’attache à un clément capable de recevoir cet influx et de produire la grâce : esse destinata ut causant, essentiale ipsis (sacramentis) est ex vi institulionis Christi Domini. Jean de Saint-Thomas, dis]). XXII, a. 1, n. 16.

On constate, par cette analyse d’un concept sacramentel assez peu étudié jusqu’aujourd’hui, en quel sens nouveau pourrait être orientée l’explication du salua illorum substantiel et, partant, de l’institution immédiate des sacrements par le Christ. Cette institution immédiate porterait directement sur l'être intentionnel qui, au sens de Jean de Saint-Thomas, constitue l'élément formel du sacrement et, par voie de i onséquence, sur l’aptitude de l'élément matériel (forme et matière) à signifier særamentellement la grâce et à recevoir l’influence instrumentale de la passion du Sauveur pour produire cette grâce. Dans cette conception, la détermination matérielle, physique, pourrait-on dire, de l'élément sensible et réel du sacrement devient une question secondaire, n’entrant pas nécessairement, quand le Christ ne l’a pas faite lui-même, dans la « substance » du sacrement.

Mais pour admettre cette solution, il faut délibérément abandonner la notion du sacrement uniquement composé d’un élément formel et d’un élément matériel. Cette notion est exacte, mais incomplète ; et il faut reprendre l’assertion du dominicain espagnol, d’une double composition dans tout sacrement : de l'être intentionnel émané de la volonté du Christ et de l'élément sensible et, dans l'élément sensible, des paroles (forme) et des choses (matière). Voir Jean de Saint-Thomas, ci-dessus, col. 533 et a. 1, dub. ii, n. 36.

V. Dogme et théologie de la causalité sacramentelle.

L'étude de l’Hcriture, voir col. 495-498, et de la Tradition, col. 498-527, montre que l’efficacité des sacrements dans la production de la grâce est une vérité qui va puiser aux meilleures sources dogmatiques. Aussi les grands auteurs du xiie siècle qui ont fourni les premières formules générales d’une théologie sacramentaire n’hésitent pas à déclarer, en termes équivalents ou exprès, que les sacrements « contiennent la grâce invisible et spirituelle n (Hugues de Saint-Victor, voir col. 529), qu’ils sont « la forme visible de la grâce invisible contenue en eux et conférée par eux. n'étant pas seulement doués de signification, mais encore d’efficacité à son endroit " (Summa sententiarum, voir ci-dessus, col. 547). Pierre Lombard emploie même le mot de cause : sacramentum enim proprie dicitur quod ita signum est gratise Dei, et invisibilis gratise forma, ut ipsius imaginent gerat et causa tistat. IV Sent., dist. I, n. 2 (voir col. 530). Le terme « cause de la grâce » est donc entré dans la terminologie catholique. Mais il reste à faire la proposition authentique de la causalité des sacrements ; et les théologiens auront encore à analyser les aspects théologiques de cette causalité. Nous verrons successivement : 1° les premiers tâtonnements des théologiens dans l’exposé et l’explication du dogme de la causalité sacramentelle ; 2° les négations hérétiques ^t les définitions du concile de Trente ; 3° les systèmes explicatifs des théologiens posttridentins.

I. LES PREMIERS TATONNEMENTS DES THÉOLOGIENS BANS L’EXPOSÉ ET L’EXPLICATION DV DOGME DE LA

causalité des SACREMENTS. — On se ferait illusion en s’imaginant les scolastiques du Moyen Age — saint Thomas y compris — attachés à des systèmes aux contours bien déterminés. Nous n’en sommes encore, au xiiie siècle, qu'à une période de tâtonnements où, jusqu’au sein de la même école théologique ou famille religieuse, les affirmations disparates se rencontrent. Plusieurs florilèges de textes relatifs à la causalité des sacrements chez les anciens théologiens ont été

DICT. DE THÉOL. CA1HOL.

récemment édités, qui sont une démonstration de cette vérité : Willibrord Lampen, O. F. M., De causalitate sacramentorum juxta scholam jranciscanam. Bonn, 1931 ; M. Gierens, S. 3., De causalitate sacramentorum…, texlus scholasticorum prineipaliorum, Rome, 1935 ; H.-D. Simonin, O. P., et G. Meersseman, O. P., De sacramentorum efficientia apud theologos ord. prædicatorum (1229-1276), Rome, 1936.

Avant saint Thomas.

1. Guillaume d’Auvergne

(† 1249). — Tout comme Hugues de Saint-Victor, l’auteur de la Summa sententiarum et Pierre Lombard, Guillaume se contente d’affirmer en général l’efficacité sacramentelle par rapport à la grâce, tout en rappelant que l’auteur de la grâce est Dieu seul, lequel, en l’occurrence, est présent par sa vertu, et opère dans le sacrement. Si i/uis autem queesierit utrum sanctificatio ex uqua sit, seiendum est quod non, sed ex solo Deo dalore, qui invocatus ad hoc adest et assishl et operatur intus ad similitudinem et proportionem ejus quod aqua liabct operari exterius. De sacramentis in speciali, t. i, Paris, 1674, col. 418 6. Cf. Gierens. op. cit., p. 24.

2. Prévostin.

Il distingue entre opéra opérant ia et opéra operata, cette dernière expression étant réservée aux sacrements et sacrifices. Les sacrements justifient en ce sens qu’ils contiennent la grâce qui justifie : attribuitur continenti, quod est conlenli, num sacramenta [sunt vasa gratiarum. Summa, Cad. Krlangen 253, fol. 48 b, c. i, cité dans I-'r. Gillmann, Zur Sakramententclue des W’ilhclni von Auxerrc, p. 10 sq. ; Gierens, p. 27. Cette dernière formule est empruntée à Hugues de Saint-Victor, De sacramentis, t. I, part. IX. c. iv : '<Ls< ; sunt spiritualis gratise sacramenta ; …non en/o ad hoc instiliita sunt sacramenta ut ex fis effet quod in eis esset. I'. L., t. ci.xxvi, col. 322.

3. Guillaume d’Auxerre (* vers 1230). — Chez lui, même conception du sacrement, < vase de la grâce. sacramenta justi/icunt lanquam medicinalia vasa. quia in ipsis sacramentis datur gratin. Toutefois, nous trouvons chez ce théologien une affirmation non déguisée de l’efficacité instrumentale du sacrement : sacramenta iusli/icanl, non ergo soins Deus. Si les sacrements n’avaient pas une action réelle dans la sanctification des âmes, l’effet sanctificateur ne serait pas attaché à telle matière déterminée : sirut baplismus si fieret in alio liquore quam in aqua, non prodesset. Quelle explication donner de l’efficacité propre au sacrement comme tel ? Guillaume propose un système déjà nettement accusé : Gratin contenta in sacramentis justifient ; unde sacramenta non justificant lunquum causa effleiens, sed lanquam causa malerialis. C’est la théorie de la « causalité dispositive » qui commence à s’affirmer. Dans le baptême, la disposition à la grâce est le caractère : character baptismalis est causa intégrée gratiæ malerialis… ; est summa et consumptissima pra’paralio malerialis ad infusioncm gruliie. C’est en transposant au caractère ce que le pseudo-Denys dit du baptême lui-même (De divinis nominibus, c. iv, § 10, P. G., t. iii, col. 716), que Guillaume construit son système. Cf. F. Brommer, Die Lehre vom sakramentalen Charackter in der Scholastik, Paderborn, 1908, p. 50, note 1. Voir les textes de Guillaume, dans Gierens, op. cit., p. 27-29.

4. Alexandre de Halès.

La théorie de la causalité dispositive va prendre avec lui un singulier relief, grâce à la théorie de ïornatus animée, qui est l’effet direct et immédiat du sacrement. [Nous faisons ici abstraction de la question critique de l’attribution à Alexandre de ectts partie de la Summa theologica qui pourrait avoir pour auteur Guillaume de Méliton ou un autre franciscain.] Voici l’essentiel de la théorie : Hespondeo sine prwjudicio melioris sententiiv, opinando dico, nihil asscrendo, quod sacramenta sunt

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