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SACREMENTS. INSTITl TION, EXPLICATIONS CATHOLIQUES


qu’est due la mise à l’ordre du jour de la doctrine de l’institution (cf. Conc. Trid., édit. Elises, t. v. p. 845). il y a peu de vraisemblance qu’il ait cherché à provoquer la condamnation des deux illustres docteurs de son ordre, Alexandre et saint Bonaventure. Ce qu’on a voulu nettement frapper, c’est l’erreur niant l’origine divine des sacrements et leur refusant tout rapport avec l’œuvre de Jésus-Christ, pour en faire un figmentum humanum. » F. Cavallera, Le décret du concile de Trente sur les sacrements en (/encrai, dans Bulletin de Toulouse, 1914. p. 416.

L’expression salva illorum substantia de la session xxi, c. ii, n’apporte aucune lumière qui permette de diriiner la controverse entre partisans, pour certains sacrements, de l’institution in génère et partisans de l’institution in specie. Il s’agit ici uniquement d’affirmer le pouvoir de l’Église dans la dispensation des sacrements. Déjà la question avait été amorcée de très loin au canon 13, de la vii c session, des sacrements en général. Anathème est porté contre quiconque « dit que les rites reçus et approuvés dans l’Église catholique et qui sont en usage dans l’administration solennelle des sacrements, peuvent être sans péché ou méprisés ou omis, selon qu’il plaît aux ministres, ou être changés en d’autres nouveaux, par tout pasteur des églises, quel qu’il soit. » Voir plus loin, col. 612. Toutefois le concile se garde bien de légiférer sur la validité ou l’invalidité des sacrements ainsi administrés. Au c. m de l’extrême-onction, le concile déclare que « l’Église romaine… n’observe, dans l’administration de cette onction, en ce gui louche à la substance même du sacrement, que ce qui a été prescrit par le bienheureux Jacques. » Denz.-Bannw., n. 910. Mais le c. n de la session xxi formule une doctrine positive ; il distingue la substance des éléments constitutifs du sacrement et tout ce qui est accidentel. L’Église déclare qu’elle ne peut exercer son autorité que sur l’élément accidentel. Mais elle ne dit pas en quoi consiste « la substance » des sacrements. Elle ne dit pas surtout qu’il y a, dans tous les sacrements et pour chacun d’eux, équivalence parfaite entre « forme et matière » et < substance ». La conception hylémorphique ne doit pas être appliquée aux sacrements avec cette rigueur métaphysique. Et partant, on doit se défier de toute systématisation qui possède cette équivalence à sa base. Or, c’est là précisément le point de départ de l’opinion qui, dans l’institution immédiate des sacrements par le Christ, ne peut concevoir qu’une institution des éléments sensibles spécifiques.

Dans son premier article Salva illorum substantia (Grcgorianum, 1922, p. 385-419), le P. Lennerz montre que les théologiens du temps du concile étaient partagés entre les deux opinions et n’enseignaient pas, pour tous les sacrements, l’institution divine in forma spécifiai. Il cite : de Lugo (p. 387), au sujet des changements introduits dans la matière et la forme du sacrement de l’ordre ; Jean Eck (p. 390), au sujel du baptême in nominc Jesu ; Albert Pighi (p. 391), au sujet du sacrement de l’ordre ; Jean Gropper (p. 392), au sujet des modifications apportées dans l’administration du baptême (baptême des petits enfants, baptême des cliniques) ; le cardinal Gaspard Contarini (p. 396), au sujet des changements et additions dans la matière de la confirmation. Si Melchior Cano (p. 397) semble adopter des formules plus rigides, il n’en est pas de même de Pierre Soto (p. 400 sq.) qui écrit expressément : Ubi de modo tradendi hanc potestatem (ordinem) non est cerlum aliquid institutum a Christo, potest Ecclesia constituere quibus vel verbis vel actibus vel signis aliis in ejusmodi traditione utendum sit. De institutione sacerdotum, lect. iv, édit. de-Dillingen, 1558, fol. 344 b. Huard Tapper (p. 403) approuve, lui aussi, l’enseignement probable des docteurs catho liques qui affirment ab aposlolis quiedam sacramentel ex Clirisli commissione ri suggestione Spirilus ejus esse instituta et alterata in forma et maleria. Explicatio arliculorum venerandæ facullatis sacrée theologise générales sludii Lovaniensis, Couvain, 1555, a. 3, t. i, p. 3. Et très expressément il déclare que la confirmation fut instituée saltem in génère, a. 12, p. 230. Par contre, Dominique Soto (p. 4Il sq.) est partisan de l’institution in forma specifica, au point que, pour lui, l’imposition des mains dans l’ordination primitive ne fut qu’un sacramental, tandis que, seule, la tradition du calice et de l’hostie fait partie de l’essence du sacrement. Et il faut en dire autant de l’imposition de la main et de l’onction dans la confirmation. In IVum Sent., dist. XXIV, q. i, a. 4. Jean Slotan, O. P. (p. 415), est, au contraire, partisan des variations et changements introduits par l’Église dans la forme et la matière de certains sacrements, Dispulalionum adversus hærelicos, Cologne, 1558, p. 322.

Dans son second article (Gregorianum, 1922, p. 524-557), le P. Lennerz, s’inspirant des actes du concile, montre que l’intention du concile n’a jamais été de dirimer par la formule salva illorum substantia la controverse entre partisans de l’institution in génère et l’institution in specie et qu’on ne saurait déduire de la formule conciliaire l’institution in specie. L’article montre enfin comment l’une ou l’autre explication se concilie avec la doctrine du concile.

c) Troisième principe. — Il donne la clé de cette double conciliation. Ou plutôt, il s’agit ici moins d’un principe que d’une considération théologique propre à résoudre les difficultés. On a vu plus haut, voir col. 533, que Jean de Saint-Thomas enseigne que l’être propre des sacrements réside essentiellement dans la signification que leur attache la volonté du Christ, en les destinant à produire la grâce qu’ils signifient. Cette destination surnaturelle à produire la grâce attachée à la signification que leur confère la volonté du Christ, voilà, à proprement parler, ce sur quoi porte l’institution du Christ : Esse causalivum (gralise) potest dupliciler accipi, uno modo quantum ad destinationem ipsius sacramenti ut sit causa, quia videlicel cum ex se non habcal causare graliam, ex institutione Christi Domini habent sacramenta esse destinata ad causandam illam. Mais, pour produire en lait la grâce, comme instruments de la passion du Sauveur, l’être intentionnel qui constitue proprement l’être sacramentel ne suffit plus : le sacrement doit, sous ce rapport, renfermer un élément sensible capable de recevoir l’influence instrumentale nécessaire à la production de la grâce. Alio modo quantum ad susceptionem influxus physici instrumentons, quem recipiunt sacramenta a Christo Domino et virtute passionis ejus. Quantum ad hoc secundum, esse causativum graliie, aliquid reale est, et competit sacramentis ratione sui malerialis… Sous le premier aspect, nous avons l’essentiel du sacrement, conforme à l’institution qu’en a faite le Christ, parce que cette institution ne vise pas seulement à déterminer les signes de la grâce, mgis à déterminer les signes productifs de la grâce et, en raison de leur élément matériel, doués de la causalité instrumentale nécessaire à cette production. Quoad primum vero essenliale est sacramento secundum talem institulionem ejus, quia institutio Christi Domini non solum fuit destinare signa gratiæ, sed destinare signa causativa gratiie et parlicipativa causalitatis inslrumentalis ratione sui materialis. Et ainsi, nous pouvons conclure ; cpie l’élément sensible des sacrements qui reçoit l’influx instrumental pour produire la grâce, n’csl pas. en dernière analyse, la raison quidditative et essentielle du sacrement ; ce qui est essentiel dans le sacrement, en raison même de l’institution du Christ. c’est que le signe sacramentel, institué par Jésus,