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SACREMENTS. INSTITUTION, EXPLICATIONS CATHOLIQUES


certaine latitude. Van Rossum, op. cit., n. 476. Le second rejoint l’observation de Van Noort à propos de la thèse de saint Bonaventure ; voir ci-dessus, col. 549. Le Christ devrait être dit l’auteur immédiat des sacrements, même s’il avait laissé aux apôtres le soin de déterminer la matière et la forme sous l’inspiration du Saint-Esprit. Chr. Pesch, op. cit., n. 222 ; Van Rossum, n. 479.

Les arguments invoqués pour prouver cette opinion sont principalement, sinon exclusivement, d’ordre théologique. Umberg considère que cette opinion doit jouir du préjugé favorable « puisque, a priori, on peut dire que le Christ a institué les matières et formes des sacrements dans leurs éléments spécifiques, lui qui a institué les sacrements comme des actionsvicaires devant être faites en son nom et en son autorité personnelle pour signifier et produire des effets voulus par lui-même. » Op. cit., n. 47. De plus, la doctrine même de l'Église nous invite à nous y rallier. L'Église, en effet, n’a aucun pouvoir sur la substance même des sacrements : c’est la déclaration même du concile de Trente, sess. xxi, c. ii, voir ci-dessus, col. 557. Cf. Umberg, Die Bedeutung des Tridentinischen « salua illorum substantia », dans Zeitschr. fur kathol. Théologie, t. xlviii, 1924, p. 161-195. On s’appuie également sur la déclaration de Clément VI (1351) aux catholiques arméniens, Denz.-Bannw., n. 3019 ; sur les lettres apostoliques de Pie X aux archevêques, délégués apostoliques près des Orientaux (26 décembre 1910), Denz.-Bannw., n. 3035. Le décret Pro Armenis d’Eugène IV dit que la confirmation (avec le saint chrême) a été substituée à l’imposition des mains qui appelait l’Esprit-Saint dans les Actes, vin, 17 : mais Eugène IV, d’accord en cela avec saint Thomas et saint Bonaventure, pense que la venue du Saint-Esprit racontée aux Actes, viii, 17, n’est pas l’effet d’un sacrement, mais d’un privilège extra-sacramentel. Le décret n’insinue donc aucune substitution réelle d’un rite nouveau au rite primitif. Umberg, op. cit., n. 47. Lépicier invoque l’autorité de Benoît XIV, De synodo diœcesana, t. VIII, c. x, n. 10, et il en conclut même que dans tous les sacrements de la Loi nouvelle, res et verba divinitus determinata sunt , non solum in génère, sed etiam in specie infima. Op. cit., p. 196.

Toutefois, cette hypothèse se heurte à de très graves difficultés historiques : Umberg les énumère loyalement. En ce qui concerne le baptême, plusieurs Pères, et d’une autorité incontestable, semblent admettre que la bénédiction de l’eau baptismale est d’une telle importance que sans elle on ne saurait reconnaître à l’eau de vertu sanctificatrice, tout au moins dans le baptême solennel. Cf. dom Touttée dans la note 5 à la iiie catéchèse de saint Cyrille de Jérusalem, n. 3, P. G., t. xxxiii, col. 430. Pour la validité de la confirmation, outre l’imposition de la main, est requise aujourd’hui l’onction dont il n’est pas question dans l'Écriture (cf. Act., viii, 17 ; xix, 6 ; Heb., vi, 2). Bien plus, la matière de cette onction doit être l’huile d’olives, probablement mélangée de baume, bénite auparavant par l'évêque et faite sur le front du confirmé en forme de croix. Tous ces éléments étaient absents du rite primitif de la confirmation. Voir à ce sujet la controverse de Puniet-Galtier, dans la Revue d’histoire ecclésiastique, t.xii, 1911, p. 351 sq. ; t. xiii, 1912, p. 257 sq. ; 450 sq. ; 467 sq. Pour l’extrêmeonction, il semble qu’aujourd’hui la bénédiction de l’huile est requise à la validité du sacrement, et l'épître de saint Jacques, v, 14, n’en parle pas. Enfin les rites essentiels du sacrement de l’ordre comportent aujourd’hui la porrection des instruments, qui n’existait pas jadis. Cf. Décret Pro Armenis, Denz.-Bannw., n. 701. Ne pourrait-on pas même ajouter que les

conditions posées par le décret Tametsi à la validité du mariage ont modifié le rite essentiel de ce sacrement ? Umberg, Zur Gcwalt der Kirche ùber die Sakramente, dans Der Katholik, 1915, t. ii, p. 25-45.

La solution de ces difficultés d’ordre historique n’est pas facile pour qui enseigne l’institution immédiate des sacrements par le Christ quant à leurs éléments sensibles spécifiques.

Plusieurs solutions ont été proposées.

La plus simple — et la plus radicale — c’est de dire que les modifications apportées au cours des siècles dans les rites sacramentaux n’en atteignent pas la « substance ». Toutes ces modifications sont donc purement accidentelles. Telle est la thèse du cardinal Van Rossum à propos du sacrement de l’ordre, voir Ordre, t. xi, col. 131 7 sq., et des sacrements en général. De essentia sacramenti ordinis, n. 479. Thèse admise ayee des nuances diverses par les théologiens cités ci-dessus. Ces nuances portent sur la manière d’expliquer les faits historiques concernant les changements apparemment survenus dans l’essence même du rite sacramentel. D’une manière générale on nie donc que ces changements aient atteint l’essence du rite ; mais, pour en expliquer la valeur exacte, des divergences se rencontrent entre les auteurs. Dans sa thèse sur le sacrement de l’ordre, Van Rossum ne craint pas d’accuser d’erreur le décret Pro Armenis. Voir t. xi, col. 1320. Solution extrême devant laquelle reculent les autres auteurs. Lépicier penche visiblement pour une solution plus douce : dans la confirmation, il n’y aurait eu aucune modification substantielle ; dans l’ordre, l’imposition des mains serait seule matière essentielle, latradition des instruments n'étant nécessaire que de précepte chez les latins. Plus probablement encore, il faut dire que les grecs ont l'équivalent de la tradition des instruments, etsi hœc non tam païens et explicita existât ('.). Op. cit., p. 201. Chr. Pesch insinue que, dans la confirmation, « très vraisemblablement » les apôtres ont déjà pratiqué l’onction du saint chrême. Op. cit., t. VI, n. 519. Quant à l’ordre, la seule imposition des mains constitue le rite essentiel ; la déclaration d’Eugène IV dans le décret Pro Armenis n’a pas d’autre but que d’uniformiser les rites orientaux et les rites latins. Diekamp semble tenir davantage compte des faits historiques. Op. cit., p. 22-23. Tout d’abord, il n’a pas de peine à montrer que h' Christ n’ayant pas déterminé la forme de l’absolution, cette forme peut être déprécative (forme orientale) ou indicative (forme latine) sans préjudice de la validité du sacrement. Quant à la matière de l’extrème-onclion, c’est l’huile : que cette huile soit bénite par un évoque ou par un simple prêtre ou qu’elle ne le soit pas, c’est, en soi, indilïérent pour la validité de la matière. Dans le sacrement de l’ordre, la tradition des instruments n’appartient pas probablement à la matière essentielle. Enfin, une probabilité bien établie montre l’onction déjà en usage, dès le début, dans l’administration du sacrement de confirmation.

La meilleure réponse, dans l’hypothèse de l’institution immédiate des éléments spécifiques, nous paraît être celle du P. Umberg, Zur Geualt…, dans Der Katholik, 1915, t. ii, p. 25 sq., complétée par Die Bedeutung…, dans Zeitschr. fur kath. Theol., t. xlviii, 1924, p. 161-195. Le Christ aurait institué tous les sacrements dans leurs éléments spécifiques. Les matières et formes des sacrements indiquées par la sainte Écriture ont toujours été conservées spécifiquement les mêmes dans l’usage de l'Église ; bien plus, ces matières et formes indiquées par la sainte Écriture ont été déterminées spécifiquement par le Christ lui-même. Mais à certains sacrements, dont la forme et la matière, ont été déterminées par le Christ, l'Église semble avoir