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    1. SACREMENTS##


SACREMENTS. INSTITUTION, EXPLICATIONS CATHOLIQUES

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tion faite par le Saint-Esprit dans les apôtres, en tant qu’organes de la révélation, diffère considérablement

de l’institution médiate telle qu’on la décrit habituellement. Ce serait, en réalité, une institution divine immédiate. En parlant strictement, les apôtres seraient, non les auteurs, mais les simples promulgateurs des sacrements et les sacrements institués de cette façon par l’Esprit du Christ agissant dans les apôtres seraient en réalité les sacrements du Christ, tout comme est dite doctrine chrétienne la doctrine tout entière du Nouveau Testament, même celle qui leur fut communiquée par le Saint-Esprit après l’ascension. Cf. Van Noort, De sacramentis, t. i, n. 96. Il n’est pas question de rendre droit de cité à une opinion abandonnée aujourd’hui par tous ; on explique simplement que l’hypothèse honaventurienne n’est atteinte ni directement ni indirectement. Le concile de Trente a voulu simplement définir que l’institution des sacrements est de droit divin.

3. Les solutions des théologiens catholiques après le concile de Trente. - — Après le concile de Trente, tous les théologiens acceptent de parler d’institution immédiate de tous les sacrements par le Christ. Toutefois, il reste encore à résoudre les difficultés historiques — et dogmatiques, par contre-coup — inhérentes aux modifications subies au cours des siècles dans les éléments visibles des sacrements, matière et forme. Voir ces mots, t. x, col. 342. Toutefois, un point de départ plus précis a été fourni à la discussion par le concile de Trente lui-môme.

Parlant du pouvoir de l'Église sur les sacrements, le concile a précisé la doctrine officielle en ces termes : " Le concile déclare que l'Église a toujours possédé le pouvoir de statuer ou de modifier, dans la dispensation des sacrements, en respectant leur substance (salva illorum substantiel), ce qu’elle juge le plus utile au bien des fidèles ou au respect des sacrements eux-mêmes, selon la diversité des temps, des lieux et des conjonctures. » Scss. xxi, c. ir, Denz.-Bannw., n. 931. Avec logique, les théologiens posttridentins estiment qu’il faut rapporter à l’institution immédiate du Christ « la substance des sacrements ». Mais les difficultés et les divergences commencent quand il s’agit de déterminer quelle est la substance des sacrements. El l’on aperçoit bien vite que, si le texte conciliaire a déplacé quelque peu la question, il ne l’a point résolue, et n’a pas voulu la résoudre. En vue d’esquisser une solution, la théologie catholique distingue l’institution in individuo, in specie, in génère. L’institution in individuo serait celle dans laquelle le Christ aurait déterminé la c substance » des sacrements jusque dans ses derniers éléments. L’institution in specie est celle dans laquelle le Christ aurait déterminé l'élément sensible, matière et forme, des sacrements, non pas peut-être jusque dans ses derniers éléments individuels, mais du moins en spécifiant à quels éléments physiques il entendait attacher la signification sacramentelle. Enfin, l’institution in (/encre n’aurait eu en vue que l'élément métaphysique du sacrement, c’est à-dire le signe efficace de la grâce, quels que soient les éléments physiques auxquels devrait être attaché ce signe, étant supposé par ailleurs que ces éléments, laissés au choix des apôtres OU de l'Église, soient aptes à exprimer cet te signification.

Quelques auteurs al laquent celle terminologie : de la déclaration tridentine, disent-ils, il résulte que l'Église ne peut rien retrancher ni ajouter à la substance du sacrement. Le sacrement, institué par JésusChrist, est ce qu’il est. À quoi bon parler d'éléments individuels, spécifiques, génériques ? Cf. A. Straub, De Ecclesia Christi, l. ii, Inspruck, 1912, n. 710. Pratiquement cependant, c’est, l’aule de mieux, à celle terminologie qu’il convient de recourir pour saisir sur le vif les nuances q.ii séparent les théologiens. Cf.

Chr. Pesch, Prxlectiones dogmatieee, t. vi, n. 219, note 1.

a) Institution « in individuo ». — D’une manière générale, personne ne soutient que le Christ ait institué les sacrements jusque dans leurs derniers éléments individuels. À moins d’attacher de l’importance aux rêveries d’une Catherine Kmmerich, on est bien forcé de constater que l'Église grecque observe d’autres rites que l'Église latine dans l’administration de certains sacrements (l’ordre en particulier), et personne cependant ne peut dire que dans l’une ou dans l’autre Église, Us sacrements ne sont pas validement administrés. De plus, même dans l'Église latine, les rites de l’administration des sacrements ne sont pas demeurés les mêmes. Autrefois, l’ordination se faisait sans porrection des instruments ; aujourd’hui, certains estiment cette porrection comme une partie essentielle du rite.

b) Institution « in specie ». — Les théologiens distinguent entre le baptême et l’eucharistie d’une part, et les autres sacrements d’autre part. En ce qui concerne le baptême et l’eucharistie, tous les théologiens sont d’accord pour affirmer que le Christ les a institués, en déterminant la nature même de leurs éléments sensibles, matière et forme, même usque in speciem inftmam. C’est-à-dire que, pour la matière du baptême, il a choisi non seulement l’eau (species), mais l’eau naturelle (species infima), et pour la matière de l’eucharistie, non seulement le pain (species), mais le pain de froment (species infimu). Quant à la détermination de la forme, il s’agit, non des sons et de l’idiome, mais du sens et de la signification : Jésus parlait en araméen ; il n’a jamais entendu attacher à cet idiome la forme des sacrements de baptême et d’eucharistie.

Quant aux sacrements autres que le baptême et l’eucharistie, un certain nombre de théologiens estiment qu’ici encore, l’institution du Christ fut in specie, et quant à la matière et quant à la forme. Ainsi Suarez, De sacramentis, disp. II, sect. m et S. Alphonse de Liguori, Theologia moralis, t. VI, n. 12 (et saint Alphonse se place sous le patronage de saint Thomas, Sum. theol., III », q. lx, a. 5 et ad lum). Saint Alphonse cite d’anciens théologiens, dont le plus connu est le continuateur de Tournély, partisans de cette opinion. Cette opinion est présentée non comme une doctrine certaine (comme c’est le cas pour le baptême et l’eucharistie), mais simplement comme une opinion plus probable. Parmi les théologiens plus récents, il faut citer Chr. Pesch, Prælcctiones dogmalicse, t. vi, n. 222, qui, comme saint Alphonse, s’abrite sous l’autorité de saint Thomas, loc. cit. ; d’Adrien VI, De baptismo, édition romaine de 1522, fol. x, p. 2, col. 1 et 2 ; de Tolet, In /// am part. Summæ S. Thomæ, q. lxiv, a. 2 ; de Bellarmin, Controv., De sacramentis. t. I, c. xxi ; De ordine, c. ix, fine ; de Vasquez, disp. CXXIX, c. v ; de Franzelin, De sacramentis, th. v, p. 17 (qui admettrait cependant une exception pour l’ordre cf. note 1) ; de De Augustinis, De re sacramentaria, th. xiii, etc.

Enfin, parmi les contemporains, tiennent cette doctrine : Van Rossum, De. essenlia sacramenti ordinis, 2 édit.. Home, s. d. (1931), n. 174 sq. ; Lépicier, De sacramentis in communi, q. v, appendix ii, p. 195-202 ; Lercher, Institutiones theologiæ dogmaticæ, t. iv, n. '_> : i, S sq. ; F. Diekamp-I lolTmann, Theologiæ dogmatiese monnaie, t. iv, p. 21-23 ; J.-B. Umberg, S. J., Systema sacramentarium, Inspruck, 1930, n. 46-47. Ces auteurs précisent, en général, deux points. Le premier est que l’institution du Christ, pour les cinq sacrements autres que le baptême et l’eucharistie, n’a pas déterminé la forme et la mal ière in specie. in/ima, Iv izô{io>. L’institution du Christ doit comporter une