Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.1.djvu/290

Cette page n’a pas encore été corrigée
565
566
SACREMENTS. INSTITUTION, EXPLICATIONS CATHOLIQUES


puissance d’excellence qui lui appartenait comme homme, les théologiens sont d’accord pour proclamer qu’en fait, le Christ ne l’a, de fait, communiquée à personne. Le Christ a agi ainsi « pour empêcher les fidèles de mettre leur espérance dans un homme et dans la crainte que la multiplicité et la diversité des sacrements n’introduisissent la division dans l’Église. » S. Thomas, Sum. theol., IIP, q. lxiv, a. 4, ad lum. Quelques-uns vont même plus loin et affirment qu’une telle communication de pouvoir était impossible. Telle est l’opinion de Scot, In IV m Sent., dist. I, q. m ; de Biel, ibid., q. ii, a. 3 ; de Durand de Saint-Pourçain, ibuL, dist. II, q. i, n. 1. L’opinion contraire, enseignant la possibilité d’une telle communication de pouvoir, est enseignée par le plus grand nombre des théologiens. Cf. Salmanticenses, De sacramentis in communi, disp. VI, dub. ii ; Gonet, op. cit., disp. V, a. 2. 2° Institution immédiate ou médiate des sacrements ?

— 1. Comment se pose cette question. — Les principes qu’on vient de rappeler nous permettent de formuler deux assertions : la première est que le Christ, comme Dieu, a institué les sacrements en usant de sa puissance d’autorité ; la seconde, c’est que le Christ, comme homme, a institué les sacrements en usant de sa puissance d’excellence. Quand on parle d’institution médiate des sacrements, il ne s’agit donc pas d’imaginer une communication générale faite par le Christ aux apôtres de son pouvoir d’excellence à l’égard des sacrements. Aucun théologien même n’a rêvé d’une commission générale donnée aux apôtres par le Christ, en vue d’instituer, comme il leur plairait, les sacrements destinés à appliquer aux hommes ses propres mérites. La question précise que se posent ici les théologiens est celle-ci : certains sacrements ont-ils pu être institués par les apôtres ou par l’Église, à qui le Christ ou l’Esprit-Saint auraient confié la charge de déterminer certains rites, ainsi que l’effet à produire par le moyen de ces rites en vue de communiquer aux hommes une grâce sacramentelle déterminée ? Ou bien faut-il admettre que Jésus-Christ a lui-même immédiatement institué tous les sacrements et chacun d’eux, et quant à la grâce sacramentelle à produire et quant au rite producteur de cette grâce ?

Les raisons pour lesquelles la question de l’institution médiate de certains sacrements ne peut pas ne pas se poser sont principalement d’ordre positif. Tout d’abord — et c’est l’argument des protestants pour réduire le nombre des sacrements a deux — il n’est fait mention dans l’Écriture sainte que de l’institution immédiate de deux sacrements : le baptême et la sainte eucharistie. Il faut donc admettre que les apôtres ou l’Église ont reçu le pouvoir d’instituer les autres. Ensuite, les faits historiques semblent exiger, pour certains sacrements, une institution seulement médiate. « Les sacrements sont des rites concrets, composés de matière et de forme. A Uniinstitution immédiate appartient donc la détermination immédiate de leur matière et de leur forme. Mais le Christ n’a pas déterminé les matières et les formes de tous nos sacrements. Donc, il n’a pu être leur auteur immédiat. » Salmanticenses, op. cit., disp. VI, dub. i, n. 8. Et, comme exemples, on cite le sacrement de l’ordre, pour lequel le Christ certes n’a pas déterminé la manière de le conférer, de sorte que le rite de l’ordination est différent chez les Latins et chez les Orientaux. Pour le sacrement de mariage, aucune matière, aucune forme n’a été déterminée par le Christ. De plus, il faut admettre qu’en modifiant la forme du sacrement, on en change substantiellement le rite et on constitue pour ainsi dire un nouveau sacrement. Or, les apôtres ont modifié la forme d’au moins un sacrement, celui de baptême qui se conférait d’abord au nom de Christ, et qui, ensuite, fut conféré

au nom de la Trinité. Iil.. ibid. Nous donnons ces raisons des Salmanticenses pour ce qu’elles valent, mais pour montrer que des théologiens fermement attachés aux solutions thomistes n’ignoraient pas les difficultés soulevées — à bon droit d’ailleurs — par la critique moderne. Sur le baptême conféré au nom de Jésus, voir t. ii, col. 172. On pourrait ajouter la difficulté provenant de l’addition de l’onction au rite primitif de l’imposition de la main dans le sacrement de confirmation.

2. Une solution de théologiens catholiques avant le concile de Trente : institution médiate de quelques sacrements. — Les termes institution médiate, institution immédiate ne se trouvent pas chez les auteurs anciens, mais leurs expressions ont un sens analogue. Saint Thomas, dans les questions controversées sur ce sujet, emploie, pour désigner l’institution immédiate par le Christ, la formule : instiluit per seipsum, et c’est ainsi qu’il déclare dans le Commentaire sur les Sentences que Jésus-Christ institua tous les sacrements par lui-même, bien qu’il ne les ait pas tous promulgués par lui-même et qu’il ait réservé à ses apôtres le soin d’en faire la promulgation. Cf. In 7Vum Sent., dist. I, q. i, a. 4.

La controverse a porté spécialement sur la confirmation et l’extrême-onction. On trouvera ici l’exposé des opinions pour la confirmation, t. iii, col. 10701072 ; pour l’extrême-onction, t. v, col. 1988-1989. On rencontre aussi des hésitations au sujet de la pénitence : voir Guillaume d’Auxerre, Summa aurea, t. IV, tit. ii, c. ni ; Alexandre de Halès, Summu, part. IV, q. lix, memb. 3 ; et S. Bonaventure, //( 7Vum Sent., dist. XVII, a. 1, q. ni. Deux auteurs du xiv siècle. Pierre de La Palu et Capréolus, ont parfois été présentés comme partisans, pour la confirmation et l’extrême-onction, d’une simple institution apostolique. Mais c’est à tort, car l’un et l’autre affirment vouloir tenir l’opinion de saint Thomas contre l’opinion d’Alexandre et de Bonaventure. Leur hésitation porte sur un point unique : le saint chrême et l’huile des infirmes doivent-ils, d’institution divine, être bénits par l’évêque ; ou bien le pape peut-il autoriser les prêtres à se servir d’huile non bénite ordinaire, sans que pour autant le sacrement devienne invalide. Cf. Pierre de La Palu, In 7Vum Sent., dist. VII, q. iv, a. 1 ; Capréolus, ibid., q. ii, a. 3.

L’opinion d’une institution des sacrements par l’Église (institution purement ecclésiastique) était, même avant le concile de Trente, totalement inadmissible. Et quand on attribue à Alexandre de Halès l’opinion que la confirmation aurait été instituée à un concile provincial de Meaux de 845, cf. Summa theol.. t. IV, q. ix, memb. 1, on dépasse peut-être la pensée d’Alexandre. Voici une interprétation probable : Institution fuit hoc sacramentum Spiritus Sancti instinctu in concilio Meldensi quantum ad formant verborunt et materiam clementarem, cui (ritui) etiant (sicut et ritui antea usitato) Spiritus Sanctus contulit virtutem sancti ftcandi. Cf. de Bæts, dans Revue thomiste. t. xiv, 1906, p. 31.

L’opinion d’une institution des sacrements par les apôtres (institution apostolique) semble condamnée par les définitions de Trente, relatives à l’institution des sacrements. Voir ci-dessus, les raisons pour lesquelles l’interprétation d’une institution immédiate s’impose, col. 557. Est-ce à dire, pour autant, que l’opinion de saint Bonaventure et d’Hugues de Saint-Victor soit éliminée par ces définitions conciliaires ? Certains auteurs en doutent. Même en interprétant d’une institution immédiate le texte de Trente, il faudrait prouver que l’opinion de saint Bonaventure équivaut à enseigner l’institution médiate. Or, une telle équivalence n’est pas chose certaine. Car une instilu-