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SACREMENTS. INSTITUTION, EXPLICATIONS CATHOLIQUES


Paris. 1904, p. 101-104. S’il ne s’agil pas ici d’emprunt païen, il s’agil tout au moins d’emprunt non chrétien détruisant l’institution par le Christ du baptême

d’eau, pour ne lui laisser que le baptême d’esprit et de feu ».

Il est difficile de soutenir la thèse de l’emprunt quand on examine sans parti pris les rites païens et nos rites chrétiens. Dans les rites païens, les purifications n’enlèvent au candidat à l’initiation que les souillures matérielles de son impunté cérémonielle ; le baptême purifie vraiment l'âme du catéchumène. Le cal échumène baptisé est tenu de mener une nouvelle vie morale, conforme aux exigences de son nouvel état ; le myste n’est pas un converti, il continue sa vie précédente. « L’initiation était dans la vie des initiés (aux mystères d’Eleusis) un événement considérable, propre à exalter leur foi en Déméter et dans ses promesses, mais non le début d’une existence nouvelle… » « Cette pureté (des purifications) est toute matérielle. Que, plus tard, les philosophes aient voulu y voir une image, un symbole de la pureté de l'âme bien supérieure à celle du corps ; que, dans quelques inscriptions de l'époque gallo-romaine, le règlement prescrive aux visiteurs du dieu d’avoir l'âme pure aussi bien que les mains, c’est possible. Mais. parmi les témoignages qui nous sont parvenus sur la préparation aux mystères, il n’y a pas trace d’instruction ou de purification morale, pas de prescription pour réparer ou expier les fautes commises, pas d’exhortation à les éviter dans l’avenir. » P. Foucart, Recherches sur l’origine et la nature des mystères d’Eleusis, Paris, 1895, p. 403, 289. Aucun rapport d’ailleurs entre les rites de l’initiation païenne et le rite du baptême chrétien. Les rites de purification dans l’initiation païenne ne sont que des préparations à l’initiation même ; ils étaient suivis de sacrifices, de processions, et c'était seulement alors que commençait la célébration des grands mystères, initiant le candidat au grade de myste. Le baptême chrétien, au contraire, est luimême une purification du péché et une introduction du néophyte dans le corps de l'Église en même temps qu’une union mystique avec Jésus-Christ. Cf. I Cor., xii, 12 ; Rom., vi, 3 ; Gal., iii, 2e, 27 ; Col., ii, 13. De ces divers textes, il ressort que le baptême chrétien ne produit pas son effet d’une manière mécanique comme l’initiation paît une : il agit d’une façon spirituelle. Le baptême qui unit le catéchumène à la mort et à la résurrection du Christ, n’est et ne peut être qu’une opération spirituelle. « C’est l’union au Christ qui nous fait enfants de Dieu, et celle union < st opérée par la foi et par le baptême ; mais ni l’union effective du baptême ne peut se produite sans l’union affective de la foi, ni l’union affective de la foi sans quelque relation intrinsèque à l’union effective du baptême ; c’est parce que l’union affective de la foi tend essentiellement à l’union effective du baptême qu’elle devient elle-même effective ; et les deux conceptions, loin d'être opposées, se rejoignent. » F. Prat, La théologie de saint Paul, t. n. Paris, 1912, p. 377. Enfin, si les religions de mystères, et en particulier les mystères d’Eleusis, assuraient à huis initiés l’immortalité de l'âme et une vie bienheureuse après la mort, il ne faudrait pas croire que saint Paul leur aurait emprunté ces vérités, qui son ! d’ailleurs le bien commun de l’humanité. Prêchant le baptême, la foi, l’union au Sauveur, il n’a l’ait que développer l’enseignement de Jésus-Christ. Marc, nvi, 6, enseignement mis en pratique dès les temps apostoliques, Act., ii, 38, 41 ; viii, 12.

Il n’est pas plus possible de trouver l’origine de l’eucharistie dans des emprunts aux mystères d'Éleusis. On a fait état d’un passage de Clément d’Alexandrie, Pœd., I. II e. n. n. 21, P. G., t. viii. COl. 129 CD.

rapportant un fragment du rituel des mystères d’Eleusis, montrant que l’initié mangeait et buvait. Voir aussi un autre fragment, xv, qu’on retrouve chez Firmicus Materons. De errore prufanarum religionum, c. mx, P. L., t. xii, col., 022 sq. On a essayé aussi de trouver des rapports entre la cène et les mystères dionysiens et orphiques, dans lesquels l’initié dévorait la chair crue d’un animal.

Quoi qu’il en soit de ces faits et d’autres qu’on pourrait encore ajouter — notamment les repas sacrés des mystères de Mithra — il est impossible de trouver dans la cène chrétienne une transposition de ces repas sacrés.

En somme, si l’on peut découvrir entre les mystères chrétiens et les mystères païens certaines analogies lointaines, si l’on peut même admettre que saint Paul, ayant connu les mystères païens, soit directement, soit par l’intermédiaire des convertis, a pu prendre de ces mystères quelques expressions pour les transposer dans le langage chrétien, si, enfin, quelques idées générales communes, qui se trouvent d’ailleurs à la base de beaucoup de religions différentes, peuvent â la fois se rencontrer dans le christianisme et dans le, mystères païens, il reste qu’une différence profonde, au point de vue moral et religieux, sépare les cultes orientaux et le christianisme, tel qu’il apparaît chez saint Paul. Voir ici Eucharistie, t. v, col. Il 12 sq., et, dans le Dictionn. apologétique de la foi catholique, les deux articles Mithra et Mystères païens (Les) et saint Paul. Cf. Pinard de La Boullaye, L'élude comparée des religions, Paris, 1931, spécialement t. i, p. 310-372 ; 518, note 1 où l’on trouvera une abondante bibliographie.

II. explications catholiques.

1° Quelques principes théologiques. — Avant tout, il importe de résumer les principes posés par saint Thomas, Sum. theol., III a, q. lxiv, a. 1-4. Dieu seul, en tant qu’agent principal, peut produire dans l'âme l’effet intérieur qu’y cause le sacrement (a. 1) : donc Dieu seul peut, en tant qu’agent principal, être l’auteur des sacrements. Seul il a donc, à l'égard des sacrements, la puissance d’autorité (a. 2). Le Christ, Dieu et homme, cpère dans l'âme l’effet intérieur du sacrement, en tant que Dieu, par une puissance d’autorité, en tant qu’homme par une puissance ministérielle principale, que lui communique la divinité, puissance que les théologiens appellent puissance d’excellence (a. 3). Cette puissance d’excellence s’affirme sous quatre aspects différents. Tout d’abord, les mérites et la vertu de la passion du Christ opèrent dans les sacrements ; le sacrement est un instrument uni à l’humanité sainte (instrumentum conjunclum) et recevant d’elle la puissance de produire la grâce dans l'âme. En second lieu, c’est au nom du Christ que les sacrements sont faits et administrés : la vertu de la passion du Christ agit dans les sacrements et nous atteint par la foi, que nous ne pouvons manifester qu’en invoquant, dans l’administration des sacrements, le nom et l’autorité du Christ. Ensuite, le Christ, comme homme, a la puissance d’instituer les sacrements : s’il a la puissance de rendre les sacrements vivifiants par une action dérivée de sa passion, il a la puissance d’instituer les sacrements. Enfin, sa puissance sanctificatrice n’est pas nécessaire nu ut liée â l’action sacramentelle : les sacrements dépendent du Christ, non le Christ des sacrements. En fait nous le voyons, dans l'Évangile, remettre-, sans aucun sacrement, les fautes du paralytique et celles de la pécheresse (a. 1).

Tous les théologiens admettent que le Christ ne pouvait communiquer à personne la puissance d’autorité qu’il possède, comme Dieu, sur les sacrements : cette puissance d’autorité e-st une prérogative divine, Incommunicable aux simples créatures. Quant à la