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    1. SACREMENTS##


SACREMENTS. INSTITUTION, DOCTRINE IMPLICITE

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d’évolution que le travail des théologiens s’est affirmé plus fécond : Hugues de Saint -Victor et Pierre Lombard, en effet, peuvent être présentés comme les véritables fondateurs de la théologie des sacrements en général.

Ensuite, la piété chrétienne, La piété procède de la foi, mais rejaillit sur elle en la perfectionnant. Le progrès de la dévotion entraîne un réel progrès dans la connaissance de la doctrine. C’est ainsi que la communion des fidèles a été pour les évoques l’occasion d’un enseignement plus approfondi sur le dogme de la présence réelle et la manière dont elle se réalise (S. Cyrille de Jérusalem, S. Augustin). La multiplication des fonctions ecclésiastiques a obligé l’Église à prendre une conscience de plus en plus parfaite de l’origine des différents degrés de la hiérarchie et des pouvoirs attachés au sacrement de l’ordre. Les sacramentaires et les ordines fixèrent dans les textes liturgiques eux-mêmes les croyances qui s’affirmaient jusque là dans la pratique. Les différents rites sacramentels apparurent avec plus de relief. Pour une grande part encore, la piété chrétienne a contribué à faire connaître la valeur sacramentelle du mariage. On pourrait en dire autant au sujet de l’extrêmeonction. Ce sont aussi les exigences de la vie chrétienne qui ont fait comprendre que la confirmation était un sacrement distinct du baptême : « La création des paroisses rurales fut l’occasion de cette distinction absolue. Tant que l’évêque présida l’administration solennelle du baptême, la confirmation fut administrée aux néophytes de suite après le bain baptismal ; elle n’était conférée séparément qu’à ceux qui avaient reçu le baptême clinical en cas de maladie. Lorsque les paroisses rurales furent fondées et confiées à de simples prêtres, l’évêque se réserva la confirmation en Occident. C’est alors qu’un temps plus ou moins long sépara la réception des deux sacrements et accentua leur distinction. En Orient, on accorda aux prêtres chargés des paroisses le droit de confirmer de suite après le baptême : usage qui existe encore aujourd’hui. » P. Pourrat, op. cit., p. 296. Nous citons expressément cet exemple entre cent, pour montrer combien la vie pratique de l’Église et des fidèles a pu influer dans le développement de la croyance sacrainentaire. Un autre exemple, très obvie aussi, est celui de l’administration du sacrement de pénitence. La nécessité de ne pas abandonner les chrétiens tombés dans le péché après leur baptême fit peu à peu prendre conscience aux chefs de l’Église du contenu des pouvoirs accordés à eux par Jésus-Christ : Les péchés seront remis… ; ils seront retenus… Joa., xx, 22. Voir ici Pénitence, t. xii, col. 773 sq.

Enfin, la cause ou mieux l’occasion la plus fréquente de progrès a été l’obligation de faire face aux erreurs ou hérésies naissantes. Aucun sacrement n’a échappé, sur ce point, à la loi du progrès. Contre les pélagiens, il faut affirmer la nécessité du baptême pour la rémission des péchés et, s’il s’agit de petits enfants, du péché originel. Il a fallu défendre l’origine divine de la pénitence et ses droits et prérogatives à l’égard de tous les péchés sans exception contre le rigorisme des montanistes et, plus tard, des novatiens, non moins que contre l’arrogance des confesseurs et martyrs qui prétendaient se passer de l’évêque et des prêtres dans la réconciliation des lapsi. De même, l’origine divine des divers degrés de la hiérarchie ecclésiastique fut mise en relief à l’occasion du mouvement hérétique du gnosticisme. Contre les gnostiques, et plus tard contre les manichéens, il fallut insister sur l’origine divine du mariage chrétien. 151en plus, saint Augustin eut lui-même à défendre la sainteté du mariage contre sa propre doctrine du péché originel, que les pélagiens trouvaient déshonorante pour la vie conjugale, propagatrice de la faute héréditaire. L’efficacité des sacrements a dû être défendue par l’Église au moment de la controverse baptismale, au temps de saint Cyprien, de la controverse donatiste, au ttmps de saint Augustin, et plus tard, au sujet des réordinations. Si les sacrements d’eucharistie, de confirmation et d’extrême-onction paraissent échapper, dans les premiers siècles de l’Église, aux attaques de l’hérésie, il n’en sera pas de même dans la suite et, là encore, un progrès dogmatique s’affirmera, en raison des négations hostiles.

Le progrès s’affirme donc, en matière sacramentaire, d’une façon indubitable. On peut également faire état des modifications importantes introduites au cours des siècles dans l’administration des sacrements. L’onction de la confirmation ne semble pas avoir été une cérémonie primitive, pas plus que la porrection des instruments dans l’administration du sacrement de l’ordre, pas plus que diverses formules que certains, aujourd’hui, disent appartenir à l’essence même du sacrement. Ce nouvel aspect du progrès en matière sacramentaire s’apparente intimement au premier, car, dans l’un comme dans l’autre, se pose la question de l’institution divine à laquelle il semble que l’Église ne puisse substituer ses initiatives humaines. Les théologiens auront à résoudre ce problème assez complexe du progrès en matière sacramentaire. Nous rappellerons et étudierons les solutions après avoir exposé la doctrine du concile de Trente. Voir col. 564.

3. Parallèlement à ce progrès en matière sacramentaire s’affirme un progrès dans la connaissance du dogme du nombre septénaire. À vrai dire, les Pères ne se sont jamais préoccupés du nombre des sacrements : « L’Église s’est empressée de se servir de ces moyens de salut, mis par le Christ à sa disposition pour convertir et sanctifier les hommes. Ce n’est que plus tard — nous ne saurions trop le remarquer - — qu’elle a eu le temps et la pensée d’en dresser l’inventaire, lorsqu’une étude synthétique des sacrements eut étéfaite, qui permit de les considérer tous dans une vue d’ensemble, de déterminer leurs caractères communs et de les compter. » P. Pourrat, op. cit., p. 235 ; cf. Franzelin, De sacramentis in génère, th. xviii.

Les Pères n’ont parlé des sacrements que dans un but essentiellement pratique. On l’a vu dans la seconde partie de cette étude : tout d’abord, c’est le baptême et l’eucharistie qui retiennent presque exclusivement l’attention des Pères apostoliques et apologistes. Puis, les crises montaniste et novatienne mettent en relief la pénitence, sans qu’on attribue encore à la discipline pénitent ielle le nom de sacrement. Au ive siècle, les nécessités de l’initiation chrétienne obligent les Pères à poser les bases d’une première liste : baptême, confirmation et eucharistie sont étudiés simultanément pour l’instruction des néophytes (en Orient, saint Cyrille de Jérusalem, Théodore de Mopsueste : en Occident, saint Ambroise et le pseudo-Ambroise du De sacramentis). Saint Augustin, dont la doctrine sacramentaire est déjà cependant assez développée, ne donne nulle part une énumération complète des sacrements. Il indique, à propos des sacrements, le baptême et l’eucharistie, et si quia aliud in scripturis canonicis commendatur. Epist., i.iv, c. i, voir col. 542.

Dans le sermon ce.xxviii, n. 3, il déclare avoir enseigné « aux enfants (c’est-à-dire aux néophytes, quel que soit leur âge) le sacrement du symbole, qu’ils doivent croire, le sacrement de l’oraison dominicale, qui leur apprend à prier, le sacrement du baptême. (, )uant au sacrement de l’autel, ces enfants n’en ont pas encore entendu parler. » P. L., t. xxxviii, col. 1102. Pour expliquer que les sacrements, même administrés par des hérétiques, sont validemenl administrés, il donne l’exemple des prières validemenl