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    1. SACREMENTS##


SACREMENTS. INSTITUTION PAR LE CHRIST

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tement ». N. Gihr, Les sacrements, trad. franc., t. i, p. 41. Cf. S. Thomas, In IV » ™ Sent., dist. I, q. i, a. 2, sol. 2 ; S. Bonaventure, ibid., dist. I, part. I, q. i.

Le but principal des sacrements est la justification de l’homme. Pour atteindre ce but, Dieu n’est pas obligé de se servir d’éléments sensibles : sacramentis non alligavit potentiam suani Deus. Pierre Lombard, Sententiarum, t. IV, dist. I, part. I, c. v. Mais en fait, il a choisi des éléments sensibles pour leur communiquer une vertu sacramentelle. Voir plus haut, col. 532. Que ces éléments sensibles soient très convenables pour obtenir la sanctification des hommes, Hugues de Saint-Victor en a rappelé, sur le rythme ternaire cher au Moyen Age, une triple raison : propter humiliationem, propter cruditiunem, propter exercitationem. De sacramentis, t. I, part. IX, c. m. Les scolastiques ont adopté ce texte et l’ont développé plus ou moins. Cf. Pierre Lombard, Sent., t. IV, dist. I, part. I, c. v ; S. Bonaventure, Brcvilaquium, part. VI. c. i, édit. citée, p. 265 ; S. Thomas, 111% q. lxi, a. 1.

1. Convenance par rapport aux attributs divins. —

Bien de plus convenable que les sacrements pour manifester la miséricorde et la justice, la sagesse et la puissance de Dieu. S. Bonaventure, In IV m Sent., dist. I, part. I, q. i ; S. Thomas, Quodl., IV, q. x ; Suarez, De sacramentis, disp. III, sect. iii, n. 5. Voir d’autres références dans Gihr, op. cit., p. 43-47. On connaît, sur ce sujet, la belle paraphrase de Bède, sur la parabole du bon Samaritain, dans son commentaire sur l’évangile de saint Luc, paraphrase reproduite et commentée par Billot, dans le Proosmium du De sacramentis.

2. Convenance par rapport aux exigences de l’homme déchu. —

Bien de plus convenable que les sacrements comme réponse de Dieu aux besoins et aux exigences de la nature humaine blessée par le péché. Comme on l’a dit plus haut, les signes sensibles sont en harmonie avec la nature de l’homme, à la fois corporelle et spirituelle. Mais avec combien plus de force s’impose cette convenance quand on considère la cécité de l’homme par rapport aux vérités surnaturelles ! Par le moyen des signes sensibles, les sacrements nous rendent plus facilement saisissables les trésors cachés de la grâce divine. Cf. Denys le Chartreux, Dialogus, t. V, a. 1. Saint Bonaventure rappelle à ce sujet que l’homme est par lui-même peu porté à la contemplation des choses divines et surnaturelles ; les sacrements l’excitent à sortir de son indolence et, par leur multiplicité même, le préservent du dégoût et de l’ennui. In IV am Sent., dist. I, part. I, q. i. Mais la convenance des sacrements par rapport à l’homme déchu s’affirme surtout en ce que, par leur nature et leur but, les sacrements sont le moyen le plus propre d’arriver à une sorte de certitude morale, à la tranquillité de conscience par rapport à notre salut, ce que saint Thomas appelle certa fiducia salutis. Cont. gent., t. IV, c. lxxvii, et saint Bonaventure, securitas salutis. Loc. cit. Saint Augustin raconte que la foi ne le rassurait pas sur ses fautes passées, qui n’avaient pas encore été remises par le baptême, mais qu’après la réception de ce sacrement, il n’éprouva plus aucune inquiétude. Conf., t. IX, n. 6, P. L., t. xxxii, col. 705. On trouve des déclarations semblables chez nombre de théologiens mystiques ou simplement sacramentaires.

3. Convenance des sacrements par rapport au mystère de l’incarnation, soit considéré en lui-même, soit considéré dans l’Église qui en est la suite. —

Le mystère de l’incarnation est la source visible de toutes les grâces ; il était donc convenable qu’il y eût des canaux et des ruisseaux visibles pour apporter ces grâces à chacun en particulier, visibles comme avait été visible la personne de l’Homme-Dieu. Quia passio Christi prœcessit, ut causa quædam universalis rernissionis peccatorum, necesse est quod singulis adhibeatur ad deletionem propriorum peccatorum. Hoc autern fit per baptismum et pœnitentiam et alia sacramenta, quæ habent virtutem ex passione Cliristi. S. Thomas, III a, q. xlix, a. 1, ad 4um. Ces derniers mots pourraient être appliqués à une autre convenance des sacrements par rapport à l’incarnation : les sacrements ne causent effectivement la grâce qu’en tant qu’ils sont les instruments vivifiés par la passion du Christ. Voir ci-dessus, col. 535. Ils sont donc, par rapport aux hommes que Jésus-Christ est venu racheter, une continuation véritable de l’instrument de salut que fut l’humanité sainte du Sauveur. De plus, l’Église continuant sur terre l’incarnation, elle doit pouvoir leur communiquer visiblement les grâces et les dons issus de l’incarnation. Elle doit pouvoir le faire visiblement, en s’agrégeant les membres vivants du corps mystique, en leur assurant la croissance spirituelle, en les guérissant de leurs blessures, en leur donnant des chefs, en leur procurant le moyen de perpétuer la race des rachetés. De même que le salut est dans le Christ et par le Christ, de même les moyens visibles de salut doivent être dans l’Église et par l’Église qui continue le Christ.

4. Convenance des sacrements par rapport à la création matérielle. —

Enfin, grâce aux sacrements, la création matérielle, frappée par la malédiction du péché, est relevée et appelée à prêter son concours à l’économie du salut. Des substances naturelles, eau, huile, baume, pain, viii, etc., deviennent les symboles et le véhicule de la grâce. Ainsi l’ordre naturel tout entier doit coopérer au salut de l’homme. C’est là un commencement de cette transformation que la rédemption des hommes doit opérer sur la nature inanimée elle-même :

Terra, pontus, astra, mundus : quo lavantur flumine !

La conclusion de ces considérations sur l’extrême convenance des sacrements, c’est que Jésus-Christ, Bédempteur du genre humain, ne pouvait guère se dispenser d’instituer des sacrements. Sa sagesse, sa puissance, sa miséricorde, son amour pour nous l’y obligeaient moralement.

Convenance de l’institution de sept sacrements.


Cette convenance ressort avec grande vraisemblance du rapprochement fait entre la vie inférieure du corps et la vie supérieure de l’âme par la grâce : de ce rapprochement, en effet, ressort un certain parallélisme qui va à montrer que les sept sacrements sont appropriés et suffisent à communiquer aux individus comme à l’humanité tout entière la vie surnaturelle dans sa plénitude. Voici, sur ce point, le résumé du parallélisme établi par saint Thomas, III 11, q. lxv, a. 1. « À la génération et à la naissance naturelles qui donnent à l’homme la vie terrestre, répond le baptême par lequel l’homme renaît surnaturellement à une vie plus haute et divine, à la vie de la grâce. De même que l’homme par la croissance naturelle, atteint ensuite tout son développement et sa force physique, ainsi la confirmation fortifie, développe et perfectionne la vie surnaturelle communiquée à l’âme dans le baptême. La vie et les forces physiques doivent continuellement être entretenues par la nourriture et le breuvage ; ainsi les enfants de Dieu ont, dans le sacrement de l’autel, une nourriture céleste qui alimente leur vie spirituelle. En eux-mêmes, ces trois sacrements suffiraient aux individus pour établir, fortifier et conserver la vie de la grâce, si cette vie ne pouvait être perdue ; mais la santé surnaturelle, la vie même de l’âme peut être ruinée par la maladie du péché, comme la santé du corps par la maladie corporelle : dans les deux sphères, certains moyens sont donc accidentellement (per accidens) nécessaires pour écarter la maladie et rendre