Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.1.djvu/272

Cette page n’a pas encore été corrigée

529

    1. SACREMENTS##


SACREMENTS. NOTION, LE MOYEN AGE

530

de la doctrine de l’efficacité sacramentelle. Continuant la réaction de Bède et faisant appel aux principes de saint Augustin, il démontre, dans la dernière partie de son ouvrage, que « le sacrement ne dépend pas plus de la foi du ministre que de sa valeur morale. Ce qu’il avait toujours affirmé en ce qui concerne les indignes, il l’enseigna tout à fait en ce qui regarde les hérétiques. Leurs sacrements sont pleinement valides, s’ils sont conférés comme ils doivent l’être ; ils restent sacrements de l’Église, et sont capables de sanctifier, non les hérétiques eux-mêmes, mais ceux qui s’en approchent avec les dispositions convenables. » L. Brigué, op. cit., p. 181.

Voir également les textes de deux auteurs, Yves de Chartres et Hildebert du Mans, ce dernier surtout reprenant et expliquant la définition augustinienne. Les textes au t. x, col. 348.

La définition du sacrement par le signe achève de se compléter et de se propager par les travaux d’Hugues de Saint-Victor, de l’auteur de la Summa sententiarum et de Pierre Lombard.

1. Hugues de Saint-Victor. —

L’ancienne définition, sacrse rei signum, dans laquelle se trouve indiqué le signe visible, extérieur, et la grâce intérieure invisible, appelée aussi res sive virtus sacramenti, paraît insuffisante à Hugues. Car tout signe n’est pas sacrement. Hugues propose donc la définition suivante, qui accuse un progrès considérable sur toutes les notions antérieures : Sacramentum est corporale vel materiale elementum foris sensibiliter propositum ex similitudine représentons, et ex institulione signifteans, et ex sanctifieatione continens aliquam invisibilem et spirituulem gratium. De sacramentis, t. I, part. IX, c. ii, P. L., t. clxxvi, col. 317. Ainsi, la notion de sacrement, d’après Hugues, « comprend trois idées essentielles : l’aptitude de l’élément corporel ou matériel à représenter, en vertu d’une ressemblance naturelle, ce qu’il signifie ; l’institution divine, par laquelle est établi, de fait, le rapport de signification entre l’élément corporel et la grâce ; enfin, la sanctification du prêtre, qui remplit l’élément corporel de grâce et le rend capable de la donner au sujet. » Fourrât, op. cit., p. 35. Ce sont là, essentiellement, les idées de saint Augustin. Mais Hugues en précise quelques aspects. Il fait dépendre en effet de Jésus-Christ, auteur des sacrements, le rapport du signe à la grâce signifiée, idée qui était simplement confuse chez Augustin, lequel semblait faire dériver ce rapport plutôt de la parole de bénédiction. Au fond, nous ne croyons pas qu’il y ait opposition entre les deux doctrines, la bénédiction du prêtre n’ayant d’autre but que de rappeler le choix et l’institution faite par le Cbrist. Voir la remarque de dom de Puniet, col. 520. D’ailleurs, la définition d’Hugues, quel que soit le progrès qu’elle accuse, outre qu’elle est fort longue, demeure encore, sur un point, imprécise et incomplète. Il est difficile, en effet, de s’en tenir à une conception du sacrement qui serait simplement corporale vel materiale elementum foris sensibiliter propositum, quelle que soit par ailleurs son aptitude naturelle à représenter ce qu’il signifie. C’est l’usage de cet élément matériel qui constitue en réalité le sacrement, dont la signification est précisée dans l’ordre de la sanctification de l’âme par l’élément formel. Saint Thomas reprend vivement cette partie de la définition hugonienne : « Hugues, dans la définition commune du sacrement dit que (le sacrement) c’est l’élément matériel et, dans la définition du baptême, il dit que c’est l’eau. Mais cela n’est pas vrai. Dès là, en effet, que les sacrements de la Loi nouvelle opèrent une certaine sanctification, le sacrement se parfait là où se parfait la sanctification. Or, dans l’eau, il n’y a pas de sanctification qui se fasse ; ce qui s’y trouve, c’est une certaine vertu instrumentale de la sanctification, qui n’y demeure pas, mais qui passe dans l’homme, vrai sujet de la sanctification. Il s’ensuit que le sacrement ne se fait pas dans l’eau elle-même, mais dans l’application de l’eau à l’homme, application qui est l’ablution. » Sum. theol., IIP, q. lxvi. a. 1.

2. La Summa sententiarum. —

La comparaison de la notion de sacrement dans le De sacramentis d’Hugues avec la notion de la Summa sententiarum suffirait à démontrer que cet ouvrage n’est pas d’Hugues, bien qu’il s’inspire des doctrines victorines. Sur l’auteur de la Summa sententiarum, voir t. vii, col. 251 sq. Dans la notion du sacrement chrétien, l’auteur de la Summa corrige ce qu’il y avait d’incomplet et de défectueux dans la notion d’Hugues. Sur l’antériorité du De sacramentis, voir col. 256-257. C’est dans la notion de signe et dans l’efficacité du signe sacramentel que notre auteur cherche la note distinctive, spécifique, du sacrement de la nouvelle Loi. « Hugues définissait le baptême : l’eau sanctifiée par la parole de Dieu. Ce langage est tout à fait impropre aux yeux de l’auteur de la Summa. Pour lui, le baptême est un composé de l’immersion et de l’invocation de la Trinité ; l’eau et l’immersion sont le sacramentum du baptême, l’invocation de la Trinité en est la forma. Sum. sent., tract. V, c. i, iii, iv. Dans tous les sacrements, il discerne le sacramentum, qui est le signe extérieur par lequel la res sacramenti est signifiée. Sa pensée est ainsi amenée à faire, comme saint Augustin, de l’idée générale de signe le fondement de la définition du sacrement ; c’est dans l’efficacité qu’il cherche avec raison la note spécifique qui différencie le signe sacramentel de tout autre signe. Pourrat. op. cit.. p. 38. Après avoir rappelé les deux définitions augustiniennes : suerte rei signum, et : invisibilis gratin-visibilis forma, l’auteur s’objecte que cette définition pourrait convenir à bien des signes qui ne sont pas sacrements. Et il continue : Sedutsolis sacramentis competat, sic intelligendum est : sacramentum est visibilis forma invisibilis gratise i eo col LAT^E, QUAM SCILICET CONFiiKT ll’Sl VI SACRAMENTUM.

Non enim est solummodo sacrse rei signum, skd etiam efficacia. Op. cit., c. i. Cette précision heureuse permet a notre auteur d’établir la différence qui sépare le simple signe du sacrement : Ad hoc ut sit signum, non aliudexigit nisi ut illud significet cujus perhibetur signum, non ut conférât. Sacramentum vero non soliim signi/icat, sed etiam confert illud cujus est signum vel significatio. Autre différence : signum potest esse pro soin significatione quamvis careai similitudine (signe purement conventionnel), ut circulus vini ; sed sacramentum non solum ex institulione signi/icat, sed etiam ex similitudine reprsesentat. là.., ibid. Cette notion est presque définitive et permet à l’auteur d’appliquer le nom de sacrement à six des lites sacrés connus sous ce nom. Pierre Lombard aura peu de chose à faire pour amener la notion de sacrement à sa perfection dernière.

3. Pierre Lombard.

C’est dans le 1. IV des Sentences de Pierre Lombard que se trouve le premier traité des sacrements en général, dont les traités IV-VII de la Summa avaient fourni l’ébauche. Pour Pierre Lombard, comme pour l’auteur de la Summa, le caractère spécifique qui différencie le sacrement de tout autre signe, même sacré, c’est l’efficacité. Omne sacramentum est signum, sed none converso. Sacramentum ejus rei similitudinem gerit, cujus signum est… Sacramentum enim proprie dicitur quod ila signum est gratise Dei, et invisibilis grediæ forma, ut ipsius imaginem gerat et causa existât. Sent., 1.IV, dist. I, n. 2. Ainsi, les observances cérémonielles de l’ancienne Loi, parce qu’elles ne causaient pas la grâce, ne peuvent être appelées sacrements.