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    1. SACREMENTS##


SACREMENTS. NOTION, SAINT AUGUSTIN

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purifier le cœur dans le baptême, c’est d’abord la bénédiction préalable qu’elle reçoit : Quia baptismus, id est salutis aqua, non est salutis, nisi Christi nomine consecrata, qui pro nobis sanguinem judit, cruce ipsius aqua signatur. Serm., ccclii, n. 3, t. xxxix, col. 1551 ; cf. De buptismo, t. V, n. 28 ; t. VI, n. 47, t. xliii, col. 190, 215. Mais, conformément à ce qui a été dit ici. t. x, col. 340, il est probable que le mot verbum désigne aussi l’invocation de la Trinité qui accompagne l’effusion baptismale. Peut-être même désigne-t-il encore la profession de foi faite par le baptisé pendant l’acte lui-même : Unde ista tanla virtus aquæ ut corpus tangat et cor abluat, nisi faciente verbo : non quia dicitur, sed quia crcditur ? Nam et in ipso verbo aliud est sonus transiens, aliud virtus manens… Mundatio igitur nequaquam fluxo et labili tribucretur elemento, nisi adderetur in verbo. In Joa., tract. LXXX, n. 3, t. xxxv, col. 1810. Quelle que soit l’interprétation à donner au mot verbum ici employé par Augustin, une chose est certaine, c’est « qu’il y a dans la parole, une force qui reste après qu’elle a été prononcée > (Pourrat, op. cit., p. 55) et qui donne au sacrement le pouvoir de produire son effet surnaturel.

Saint Augustin reproduit les mêmes vues sur la confirmation et sur l’eucharistie. Ces deux sacrements se composent aussi d’une matière et d’une bénédicl ion. Pour la confirmation, voir Contra littcras Petiliani, t. ii, n. 239, t. xliii, col. 342. Pour l’eucharistie, voir De Trinitate, t. III, n. 10, t. xlii, col. 873. En étudiant ces deux textes, surtout le dernier, on s’aperçoit que la pensée d’Augustin est mobile et parfois déroutante : elle passe, sans transition, des paroles sacramentelles qui sont dans l’Évangile à la prédication des paroles évangéliques en général. Ce serait néanmoins fausser la pensée d’Augustin que de l’interpréter dans le sens calviniste. Calvin, en effet, et, avec lui, les protestants pour la plupart, fondent sur le dernier texte d’Augustin leur théorie de la composition des sacrements : « Le sacrement, écrit Calvin, consiste en la parole et au signe extérieur… Par la parole, il ne faut pas entendie un murmure qui se place sans sens et intelligence, en barbotant à la façon des enchanteurs, comme si par cela se faisait la consécration : mais il nous faut entendre la parole qui nous soit preschée, pour nous enseigner et nous faire savoir que Veut dire le signe visible… Or, nous voyons qu’il (saint Augustin) requiert prédication aux sacrements, de laquelle la foy s’ensuive. » Institution chrétienne, t. IV, c. xiv, n. 4, dans Corpus reformat., t. xxxii, col. 881. « Si l’obscurité du tractatus XXX permet de l’alléguer en faveur d’une pareille doctrine, une critique impartiale est obligée de convenir que telle n’est pas la conception augustinienne du sacrement. Les formules de consécration sont valables par elles-mêmes, elles agissent indépendamment des dispositions du ministre et de celles du sujet. » Pourrat, op. cit., p. 57. Cf. De baptismo contra donalistas, 1. Y, n. 28, P. L., t. xliii, col. 190. Voir ci-dessus, col. 522.

Toutefois, une nuance est à remarquer dans la pensée d’Augustin. Il s’agit de la « fructuosité » du sacrement reçu en dehors de l’Église catholique, ’fout sacrement reçu dans la vraie Église par un sujet bien disposé est fructueux, quel que soit l’étal de péché ou de perversité du ministre. Cont. littcrus Petiliani, t. I, n. 3, t. xliii, col. 247 ; Contra epist. Parmeniani, I. II, n. 22 sq., ibid., col. 65 ; Scnu.. i.xxi. n..’! 7. t. xxxviii. col. 100 ; De baptismo, t. IV, n. 18, t. XLIII, col. 165-166. Augustin maintient celle doctrine dans le cas d’un mourant bien disposé recevant le baptême de la main d’un hérétique ; son baptême lui remet ses péchés. De baptismo, t. VI, n. 7 ; 1. Vil, n. KM), t. XLIII, col. 200, 211-2 12. Mais il n’est plus aussi allirmatif quand, en dehors tu cas de nécessité, un catéchumène

de bonne foi se fait baptiser dans l’église schismatique : il le considère comme « blessé » et gravement atteint par le « sacrilège du schisme ». De baptismo, t. I, n. 6, t. xliii, col. 113. « L’évêque d’Hippone, dit à ce propos J. Tixeront, est ici impressionné par la doctrine de saint Cypricn, doctrine qu’il a faite sienne, .ur l’Église, organe unique de la sanctification et unique lieu de salut et de rémission des péchés. Le baptême des schismatiques est au fond celui de l’Église, et ainsi le baptême vrai ne se trouve pas que dans l’Église, mais en elle seule il se trouve d’une façon efficace pour le salut : nec in qua sola (Ecclesia) unus baptismus habetur, sed in qua sola unus baptismus salubriter habetur. Contra Cresconium, t. I, n. 34, t. xliii, col. 403. » Histoire des dogmes, t. ii, p. 404. Cf. Pourrat. op. cit., p. 132 sq.

L’auteur des sacrements.

Cet auteur, c’est le

Christ. C’est en vertu de sa volonté que la parole du ministre peut faire d’un objet matériel un signe sacramentel efficace. Comme la définition augustinienne du sacrement convient surtout au baptême et à l’eucharistie (bien qu’elle puisse s’étendre aux autres sacrements), c’est pour ces deux sacrements surtout que saint Augustin parle d’institution divine. Quædam pauca (signa)… ipse Dominus et apostolica tradidit disciplina, sicuti est baptismi sacramentum et celébratio corporis et sanguinis Domini. De doctrina christiana, t. III, n. 13, t. xxxiv, col. 71 ; cf. In psalm. lxxxiii enarr., n. 2, P. L., t. xxxvii, col. 1050. On le voit, baptême et eucharistie ne sont donnés ici qu’à titre d’exemples plus obvies. Dans un autre texte, Augustin ajoute même : et si quid aliud in Scripturis commendatur. Epist., liv, n. 1, t. xxxiii, col. 200.

Conclusion. — Le concept augustinien de sacrement et son extension à la pénitence, au mariage et à l’ordre. — Nous pouvons conclure avec P. Pourrat : « Le sacrement, au sens restreint, est donc un signe matériel d’un objet spirituel dont il est l’image, institué par Jésus-Chriot, et auquel est lié, par la formule de bénédiction du ministre, l’objet spirituel signifié et destiné à sanctifier les hommes. Cette définition ne se trouve formulée nulle part dans les écrits de saint Augustin ; les idées qui la composent sont développées çà et là, et l’historien qui les synthétise court le risque de dépasser la pensée de l’évêque d’Hippone. En réalité, saint Augustin n’a foi mule que la première partie, que le terme générique de la défini. ion : le sacrement est un signe sacré d’un objet spirituel. Cf. De civ. Dei, t. V, c. v, t. xi.i, col. 282. Il n’a pas ignoré, surtout quand il parlait du baptême et de l’eucharistie, l’élément spécifique, c’est-à-dire l’efficacité de ce signe. Mais il ne l’a pas mis en formule et on ne l’y mettra guère avant le xiie siècle. C’est pourquoi saint Augustin et tous les auteurs jusqu’à Pierre Lombard, donnent le nom de sacramentum indistinctement à toutes sortes de rites. » Op. cit., p. 29-30.

Par contre, pouvons-nous ajouter, la théoiie du sacrement augustinien ne s’applique pas à la pénitence. Augustin ne l’appelle même pas expressément un sacrement. Voir cependant ici t. i, col. 2430. L’expression sacramentum pœnitentiæ est employée pour la première fois par Victor de Cartenna. De pssnilentia, c. xx, P. L., t. xvii, ccl. 994. Mais il s’agit du « mystère » de la pénitence. Cf. Cavallera, Le décret du concile de Trente sur la pénitence et l’extrême-onction, dans le Bulletin de Toulouse, 192 1, p. 131. D’ailleurs l’ai tribut ion du De pœnitentia à Victor de Cartenna reste douteuse. Voir ici, t. XII, ccl. 820. Pour Augustin comme pour les autres docteurs des premiers siècles, la pénitence était avant tout une discipline et la réconciliation était l’aboutistissemen ! des exercices pénitentiels. L’efficacité du