Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.1.djvu/25

Cette page n’a pas encore été corrigée

35

    1. ROUMANIE##


ROUMANIE. ENSEIGNEMENT, RITE ROUMvVIN

36

célébrer la sainte liturgie et pour prêcher au peuple croyant ? Pour écarter dorénavant jusqu’au moindre soupçon de schisme, il demande l’autorisation d’embrasser à son âge — c’est déjà un vieillard — le rite latin. Sa requête ne lui est pas accordée, preuve que l’accusation était dénuée de fondement.

Nous rappelons tout ce conflit regrettable parce que, plus tard, il reparaîtra de nouveau, sous une autre forme, pendant le règne des métropolites Alex. Stcrca Sulutiu et Jean Vancea.

Vers cette époque, le moine Samuel Dragsin partit de la Strâmba Fizesuluî (du département de Somes) en pèlerinage ] our Jérusalem et s’arrêta chez les Roumains d’entre Vidin et Timoc (dans la Bulgarie d’aujourd’hui), où ces malheureux confrères vivaient exposés à un double danger : celui de perdre leur nationalité par la slavisation, et leur religion par le schisme. Il convertit à la sainte union plus de 15 000 âmes et demanda les secours de Bucarest, de Blaj, d’Oradéa et de Vienne, afin d’élever une église et une école à Vidin. Au début, il reçut quelques secours, principalement d’Oradéa, de l’évêque zélé Joseph Papp Szilagyi (Sfdâjanul). Mais bientôt après, il fut non seulement empêché dans son travail, mais encore révoqué. Le consulat autrichien à Vidin déclara nettement cpie, si les orthodoxes voulaient se faire catholiques, ils n’avaient qu’à embrasser le rite latin.

S. Micu-Klein est aussi l’auteur de travaux historiques. Rappelons : Brevis nolitia hisloriæ Valaclwrum ; Histoire des Roumains de la Dacie ou histoire des Roumains transylvains, vainques et moldaves, conjointement aux actions des princes [en roumain]. En dehors des actions des princes, il traite encore des principales institutions roumaines et consacre quelques développements au couvent de la Sainte-Trinité de Blaj « où les Roumains ont commencé à se pénétrer de la science et de la loi de Dieu », décrivant les progrès qu’ont apportés les écoles dans la connaissance du latin.

De ses travaux philologiques, nous citerons Elemenla linguie daco-roumanæ sive valachicæ, Vienne, 1780, et deux dictionnaires : l’un latin-roumainallemand, l’autre roumain-latin-hongrois-allemand. Spécialement important est le premier ouvrage, publié en collaboration avec son ami Georges Sincaï. C’est le premier livre où s’affirment les principes de la littérature roumaine.

2. Georges Sincaï († 1816) tient la seconde place dans le glorieux triumvirat de la renaissance roumaine. Après de solides études faites à Cluj, Târgul-Mures, Blaj et Rome, il suit, par ordre de l’empereur Joseph II, les cours de droit canonique et de pédagogie de Vienne (1779). On se défie, à Vienne, de la formation reçue dans la Ville éternelle. Il ne laisse pas de poursuivre ses recherches historiques commencées à Rome, avec les secours du cardinal Stefano Borgia. Entre 1782-179 1, il est directeur des écoles roumaines de Transylvanie. Durant douze ans il travaille avec succès pour la multiplication et la consolidation de ces écoles. Dans ce but, il compose et en partie imprime une quantité de livres didactiques : catéchismes, alphabets, abécédaires, grammaires, ouvrages d’arithmétique, d’histoire naturelle, etc. Il organise aussi les premières conférences pédagogiques avec des maîtres roumains. Cette œuvre considérable de réveil national est pourtant la cause principale de son éloignement des écoles et le commencement d’une longue série de persécutions.

Dans l’Orodias, son auto-biographie écrite en vers latins, il dit qu’il est accusé d’antigennanisme, A ce conflit d’ordre politique vient s’ajouter un autre d’ordre personne], avec l’évêque.1. Bob. qui n’est point l’ami des prêtres instruits. Son tempérament trop vif

entraîne Sincaï à certains actes inconsidérés. Il laisse échapper des paroles qui le découvrent imprudemment comme le chef d’une conjuration. Après la révolution paysanne sous la conduite de Horia, Closca et Crisan (1784) et en pleine Révolution française, de telles paroles et attitudes eurent les conséquences les plus graves. Le sous-préfet d’Aïud, Alex. Gyujto, l’invective et le frappe si cruellement qu’il lui brise la mâchoire. « Sale chien de Vainque et Hare, lui crie-t-il, est-ce que je n’ai pas frappé de plus grands chefs que toi. dès qu’ils m’ont offensé en quoi que ce soit ?… » Sincaï fut jeté en prison et y. resta plus de dix mois. Quand il sorlit de son cachot, cet aristocrate de Sinca Veche-Fâgâras, ce clerc, docteur en philosophie et en théologie, ce missionnaire apostolique, ancien directeur de plus de trois cents écoles roumaines de la grande principauté de Transylvanie, était devenu une ruine. Il ne lui reste plus dorénavant qu’à mendier. Pendant quelque temps il est précepteur des enfants du comte Vass de Czega en Sinea, ensuite aide-correcteur de son ami S. Micu-Klein à la typographie de l’université de Buda. Il erre après de Buda à Oradéa, d’Oradéa à Blaj. Sa situation empire par la publication de son étude Responsum ad crisim I.-C. Eder in supplicem libellum Valaclwrum, où il essaie de combattre les contre-vérités par lesquelles ce dernier auteur croit infirmer les justes requêtes des Roumains. Le fait encore qu’il compose et qu’il envoie par l’entremise d’un ambassadeur français un poème en l’honneur de l’empereur Napoléon I er, lors de son couronnement (1804), ne peut que produire une impression défavorable dans les cercles dirigeants de Buda et de Vienne. Vainement donc il sollicite la revision de son procès et son rétablissement dans ses anciens droits. Il reste proscrit. La tradition nous rapporte cependant que, partout où il va, il emporte avec lui son œuvre monumentale : La chronique des Roumains et d’autres nations, la complétant, la revisant, la perfectionnant continuellement. Quand, vers la fin de sa vie, il ose présenter à la censure de Transylvanie l’ouvrage en question, Joseph Martonfi, le chef de cette censure, évêque catholique de rite latin et de nationalité hongroise, trouve que cet ouvrage ne peut s’imprimer, étant sans valeur et dangereux pour l’État.

Les Roumains ne partagent pas cette opinion. Ils sont persuadés que Sincaï avec sa chronique est pour eux ce qu’est Muratori pour les Italiens, ce que sont les bénédictins pour les Français. Michel Kogàlniccanu, historien et homme politique important, l’un des fondateurs de la Roumanie moderne affirme que, tant que les Roumains n’auront pas imprimé cet ouvrage, ils ne peuvent posséder une histoire propre. Edgar Quinet place le chroniqueur roumain dans la lignée des créateurs de la grande école historique du xixe siècle. Son biographe et panégyriste de l’Académie roumaine, Alex. Papiu Ilarianu, l’appelle même le prophète et l’évangéliste de son peuple.

Malgré tous ces éloges et la bienveillance qui ne lui manquent pas, l’impression des chroniques de Sincaï se fit attendre assez longtemps. Elle s’est faite d’abord à Iassy, capitale de la Moldavie, aux frais du prince de ce pays, Grégoire Vodâ Ghica, en 1853 et sous les auspices d’un comité de cinq personnes, dont fit partie, à côté de Michel Kogâlniceanu, le professeur universitaire et surveillant de la presse, Auguste Treboniu Laurian, plus tard membre de l’Académie roumaine. La seconde édition parut à Bucarest en 1886 et s’augmenta des variantes du manuscrit de Cluj.

Œuvre d’érudition qui a conservé bien des documents aujourd’hui di.parus, c’est encore un monumenl de jugement sain et de véritable discernement critique. En expliquant les enseignements si précieux