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    1. SACRAMENTAIRE CONTROVERSE)##


SACRAMENTAIRE CONTROVERSE). LUTHER.

2. Zwingli avait de son côté riposte aux attaques de Wittenberg, par une Réplique de Zwingli à une lettre de Jean Hugenhagen, qui était une vraie volée de bois vert. Ce fut, dès lors, un feu roulant, d’un camp à l’autre. De nouveaux assaillants vinrent se joindre au combat. L’un des plus connus fut Gaspard de Schwenkfeld (1490-15(11), un Silésien, que Luther n’allait pas tarder à faire expulser de Liegnitz et de Silésie et dont la doctrine ressemble, par certains côtés, à celle que bientôt devait défendre Calvin. Selon Schwenkfeld, dans la formule : Hoc est corpus meum, il n’y a pas lieu de s’en prendre à Hoc, comme Karlstadt, ni à est comme Zwingli, ni à corpus, comme Œcolampade, mais il suffit de renverser la phrase, de prendre corpus comme sujet et hoc comme attribut. On a ainsi : Corpus meum est hoc et le sens est le suivant : « Mon corps, qui est livré pour vous, est cela : c’est-à-dire le pain de vos âmes. » Développant sa doctrine, Schwenkfeld en viendrait bientôt à soutenir que la régénération s’opère uniquement par l’Esprit, nullement par des moyens extérieurs ou sacrements, que le rôle de l’Esprit en nous est de nous communiquer le Christ, dont le corps et l’âme, après l’ascension, sont devenus identiques à la divinité et nous sont donnés en nourriture spirituelle, ce qui est symbolisé dans la manducation du pain à la Cène. Voir l’art. Schwenkfeld.

3. A l’apparition de chaque nouvel adversaire, Luther songeait à une nouvelle tête du dragon de l’Apocalypse. Ses principaux ouvrages, lancés comme des projectiles de gros calibre, au cours de la bataille, furent les suivants :

Sermon sur le Sacrement du corps et du sang du Christ, contre les fanatiques, t. xix. Weimar, 1526, p. 474-524 : Que ces paroles du Christ : « Ceci est mon corps », tiennent toujours ferme, contre les fanatiques, t. xxiii, 1527, p. 38-321 ; De la Cène du Christ, Confession, t. xxvi, 1528, p. 241-510.

Tous ces ouvrages étaient en allemand. On remarquera que le premier n’a que cinquante pages, mais chacun des deux autres, près de trois cents.

4. A cette grosse artillerie, répondaient, coup pour coup, celles de Zurich et de Bâle. Entre les deux camps, Strasbourg, où dominait l’influence de Bucer et de Capito, s’efforçait de jouer le rôle d’arbitre, mais témoignait de visibles sympathies pour la doctrine symboliste ou spirituelle. Du côté de Zwingli, les ouvrages principaux à nommer sont l’Arnica exegesis, du 28 février 1527, dont l’Amicale critique du Sermon de Luther contre les fanatiques, n’est qu’une annexe ; Que ces paroles du Christ : « Ceci est mon corps »… garderont éternellement leur ancien sens, qui n’est ni celui de M : Luther, ni celui du pape. Réponse chrétienne de U. Zwingli (20 juin 1527) ; Sur le livre de Luther intitulé Confession, deux réponses de Jean Œcolampade et de Ulrich Zwingli (tout cela dans Corpus reformatorum, Opéra Zuinglii).

5. A plusieurs reprises, les théologiens catholiques étaient intervenus dans la bagarre. Le théologien d’Ingolstadt, Jean Eck, ancien adversaire de Luther à Leipzig, en 1519, avait combattu énergiquement et victorieusement le symbolisme zwinglien à la dispute de Baden, où Zwingli n’osa pas se présenter, mais où ses idées, défendues par son ami Œcolampade, furent écrasées. La discussion se déroula du 21 mai au 8 juin 1526. Sur ces dix-neuf jours, cinq furent consacrés à l’eucharistie. La première des sept thèses que Jean Eck avait proposées, pour servir de base à la conférence contradictoire, était ainsi conçue : « Le vrai corps du Christ et son sang sont présents au sacrement de l’autel. » L’assemblée, appelée à arbitrer le débat, vota à une grosse majorité la défaite de la doctrine de Zwingli.

6. En dehors des principaux combattants. Luther,

Zwingli, Œcolampade, et des catholiques, une nuée de personnages secondaires prirent parti pour l’un ou l’autre des deux camps en présence et exprimèrent leur sentiment en des ouvrages de plus ou moins grande envergure. Sans parler de Karlstadt. qui ne se laissai pas oublier et qui. toujours errant, colportait partout ses idées antieucharistiques, ni de Schwenkfeld, qui recrutait des adhésions et devenait fondateur de secte, Mélanchthon à Wittenberg, Bugenhagen à Hambourg, Conrad Sam à fini. Brenz à Schwàbisch-Hall, Billican à Nordlmgen, Matthieu Alber à Reutligen, Urbain Rhegius à Augsbourg, Osiander à Nuremberg, intervinrent ainsi dans la grande controverse sacramentaire. Entre les deux théologies, celle de Wittenberg et celle de Bâle-Zurich, les prédicants de Strasbourg cherchaient toujours une voie intermédiaire, mais se montraient plus favorables à la seconde qu’à la première. Naturellement, dans cette formidable querelle, les injures continuaient à pleuvoir et parfois tenaient lieu d’arguments. Luther se plaint, dans une lettre du 29 octobre 1529, d’avoir été. lui et ses amis. traité d’ « idolâtre, carnivore, Thyeste, adorateur d’un Dieu impané et comestible, Capharnaïte, etc. « Enders, t. vii, p. 179. Il n’était pas en retard sur ses adversaires et leur rendait la monnaie de leur pièce. Au point de vue doctrinal, la discussion n’aboutissait à aucun résultat. Au début de 1528, appelé à formuler son enseignement, dans une série de thèses qui devaient être discutées publiquement à Berne, Zwingli avait eu soin de mettre en bonne place sa négation du dogme de la présence réelle, sous la forme suivante : « Que le corps et le sang du Christ soient reçus essentiellement et corporellement dans le pain et le vin de l’eucharistie, cela ne peut être démontré par la sainte Écriture. » Il avait constamment mené la lutte avec une sorte d’acharnement que la résistance de Luther n’avait fait qu’exaspérer. Il devait écrire, dans une lettre à Conrad Sam. le « réformateur » d’Ulm, le 30 août 1528 : « Que je meure si cet homme (Luther) ne l’emporte pas en folie sur Faber (grand-vicaire catholique de Constance), en turpitude sur Eck, en audace sur Cochkeus (controversiste catholique) et, pour tout dire, en vices sur tous. » Corpus reformalorum. Opéra Zuinglii, t. ix, p. 537-538.

Entre Zwingli et Luther, il y avait ici autre chose qu’une discussion de textes. Il s’agissait d’une opposlsion de tempéraments, d’une différence d’âmes. En face d’un même mot du Christ, Luther tenait pour le sens littéral, Zwingli pour le sens métaphorique. Pourquoi ? Ce serait de l’enfantillage que de faire appel ici à des raisons purement philologiques ou scientifiques. 11 en est de cette querelle sacramentaiie comme des discussions contemporaines autour des miracles de l’Évangile, entre croyants et incroyants. D’un mot, la religion de Luther était quelque chose de personnel >, elle découlait d’un contact intime avec le Dieu-Rédempteur. Celle de Zwingli était un système cérébral, qui n’avait point de résonances profondes dans le cœur. Luther était un mystique égaré, Zwingli était un rationaliste inconscient. Le dogme de la présence réelle a en effet surtout pour sens ceci : i Dieu se donne à moi, à moi-même personnellement. Je sens palpiter le cœur de Dieu, l’amour de Dieu, contre mon cœur d’homme, contre ma détresse d’homme. » Luther raisonnait sur le Hoc est corpus meum comme un mystique qui saisit tout le prix de la présence. L’attachement de Luther au dogme de la présence réelle est une preuve de la sincérité de sa piété monastique primitive. Le cas de Zwingli est tout autre. Ce prêtre infidèle à ses engagements et suspect dans ses mœurs, ce prêtre prévaricateur n’avait jamais brûlé d’amour au contact de l’hostie sainte. Son cœur demeurait froid. Il ne voulait voir que les vraisemblances ou les possibilités rationnelles.