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    1. RUTHÈNE (ÉGLISE)##


RUTHÈNE (ÉGLISE). APERÇU HISTORIQUE

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aucun succès, parce que les Ruthènes orthodoxes s’abstenaient de tous pourparlers avec les Ruthènesunis ; d’autre part les catholiques du rite latin (Polonais), manquaient, eux aussi, de considération pour les nouveaux catholiques grecs-unis. Kn 1632, la hiérarchie orthodoxe fut reconnue par la Diète polonaise, c’est pourquoi à partir de ce moment-là il y eut ofïicicllement deux métropolites ruthènes de Kiev, l’un catholique-grec (grec-uni), l’autre orthodoxe. La métropole ruthène catholique était composée des archevêchés de Polork et Smolensk, et des évèchés de Vladimir, de Kholm et de Pinsk. Les évèchés de Léopol, de Peremysl, de Loutsk et de Mohilev et l’archidiocèse métropolitain de Kiev constituaient la métropole ruthène orthodoxe.

Le plan du métropolite catholique Ruckyj, qui voulait unifier l’Église ruthène sous un patriarche de Kiev,

— cette dignité devant être offerte au métropolite orthodoxe Pierre Moghila (métropolite de 1632 à 1647) — ne réussit pas, parce que le Saint-Siège s’opposait à la création du dit patriarcat. Puis les guerres des Cosaques ukrainiens contre la Pologne, qui suivirent l’insurrection de l’Ukraine en 1648, empêchèrent le successeur de Moghila, Silvestre Kossov (1647-1657) de continuer les pourparlers, qui préparaient l’œuvre de l’unification des Églises ruthènes. Dans les traités diplomatiques de Zboriv (1649) et de Hadiatch (1658), qui devaient mettre fin à la guerre ukraino-polonaise, le gouvernement du nouvel État ukrainien exigea même la suppression de l’Église ruthène catholiqueunie.

L’État ukrainien ayant été partagé en 1667 entre la Pologne et la Moscovie, la métropole ruthène orthodoxe de Kiev tomba sous l’influence du patriarcat de Moscou (1685) qui restreignit de plus en plus ses droits ; en 1722, la métropole orthodoxe de Kiev devint un simple archevêché. Mais, pendant ce temps, en Ukraine occidentale et en Ruthénie-Blanche, sous la domination polonaise, l’union ecclésiastique faisait des progrès remarquables. En 1691, l’évêque orthodoxe de Peremysl, Innocent Vynnyckyj accédait à l’union ; en 1700, l’évêque de Léopol, Joseph Sumlanskyj ; en 1702, l’évêque de Loutsk, Denis Jabokryckyj. En Ruthénie-Blanche, seul l’évêché de Mohilev resta orthodoxe jusqu’au partage de la Pologne. L’Église grecque-unie, autrefois considérée par les Cosaques comme une intrigue polonaise, est devenue une Eglise nationale ruthène (ukrainienne et blanc-rulhène), dès que les patriarches de Moscou ont commencé de se servir de l’archevêché de Kiev comme d’un moyen de russification de la population ukrainienne et blancruthène.

Le métropolite ruthène catholique Léon Kyska (1713-1728) convoqua le concile ecclésiastique de Zamostia (1720) en vue de la réorganisation de l’Église ruthène catholique. A l’ordre du jour du dit concile figuraient les questions suivantes : l’élimination des éléments latins introduits dans le rite oriental, le rétablissement de la discipline au sein de l’Église, la conservation de son individualité rituelle, le conflit entre le clergé séculier et l’ordre des basiliens. Le dit ordre de Saint-Basile constituant une province religieuse séparée, dont l’archimandrite était toujours de 1017 à 1675 le métropolite ruthène grec-uni, avait eu de grands mérites dans l’union de l’Église ruthène avec l’Eglise romaine. Plusieurs propagateurs de l’union et des plus dévoués avaient été élevés dans les couvents des basiliens. Plus instruits que le clergé séculier, les basiliens donnaient beaucoup de soin à l’éducation de leurs novices. Malheureusement plusieurs Polonais accédèrent à l’ordre de Saint-Basile — trop souvent dans la seule intention de faire carrière — en y apportant l’esprit polonais et latin, étranger à l’Église ruthène.

Ainsi les basiliens s’éloignaient-ils de plus en plus de la nation ruthène (ukrainienne et blanc-ruthène), en se polonisant. En se fondant sur les résolutions du concile de Zamostia, selon lesquelles chaque évêque-devait passer par le noviciat monacal, les basiliens prétendaient que seuls les membres de leur ordre pouvaient porter la mitre. En fait la plupart des évoques aux XVIIe et xvnie siècles provenaient de l’ordre basilien ; et s’il y avait parmi eux des gens sincèrement attachés à l’Église et à la nation ruthènes, il y avait aussi des Polonais. Pour fermer au clergé séculier l’accès des dignités, les basiliens n’acceptaient pas celui-ci dans leurs écoles. Certains métropolites, Léon Kyska, Athanase Septyckyj (1729-1746), quoique anciens basiliens, luttèrent contre cette hégémonie de l’ordre. Au xvme siècle une nouvelle province des basiliens fut créée en Ukraine, l’autre englobant la Ruthénie-Blanche ; l’ordre fut dirigé par un protoarchimandrite et deux Pères provinciaux (archimandrites). Jusqu’au milieu du xviii c siècle, les écoles des basiliens étaient très nombreuses dans toute l’Ukraine sur la rive droite du Dnieper (Galicie, Volhynie, Podolie et la partie de la voyvodie de Kiev sur la rive droite du Dnieper qui était sous la domination polonaise) et en Ruthénie-Blanche ; c’étaient les temps de l’épanouissement de l’Église grecque-unie.

4° Le partage de la Pologne. Recul de l’Église ruthène-unie. — La Russie orthodoxe, en s’ingérant de plus en plus dans la vie intérieure de l’État polonais, complètement livré à l’anarchie, donnait un appui considérable à l’orthodoxie en Ukraine et en Ruthénie-Blanche. Les métropolites et partiellement les évêques grecs-unis n’étaient pas capables de s’opposer à cette invasion de l’orthodoxie, tandis que, sous les métropolites Philippe Wolodkowicz (1762-1778), Jason Smogorzewski (1780-1786) et Théodose Rostocki (17881794) décidément polonisés, le bas clergé, peu instruit, ne se rendait pas bien compte des différences dogmatiques qui séparaient l’union ecclésiastique et l’orthodoxie. Seuls un petit nombre des prêtres avaient une instruction sérieuse, tout en étant attachés à leur peuple ; plusieurs en furent victimes, martyrisés par les confédérés polonais de Bar (1774-1775) ou condamnés par les cours martiales russes à Loutsk (1788).

La grande diète polonaise (1788-1792) avait conféré au métropolite des Ruthènes grecs-unis un siège au Sénat, d’ailleurs le dernier après tous les évêques du rite latin. La réunion des orthodoxes à Pinsk en Pologne (1791) avait, de son côté, réorganisé l’Église orthodoxe qui devait constituer une métropole avec trois évèchés. Les deux derniers partages de la Pologne (1793 et 1795) empêchèrent la réalisation de toutes ces décisions.

1. Les pays attribués à la Russie.

L’Ukraine et la Ruthénie-Blanche étant passées sous la domination russe, l’Église grecque-unie y fut exterminée par force. Dans les territoires à l’est du Dnieper, pendant les trente premières années de la domination russe, sur onze millions de grecs-unis, deux millions seulement (avec deux évèchés) restèrent fidèles au catholicisme. De 1827 à 1839, l’Église grecque-unie fut supprimée par la force sur tout le territoire de l’empire russe, sauf dans la région de Kholm, qui faisait partie de la

« Pologne du Congrès ». Quant à l’Église orthodoxe en

Ukraine et en Ruthénie-Blanche, elle fut complètement rattachée à l’Église synodale russe, et lui servit pour la russification des Ukrainiens et des Ruthèncs-Blancs.

2. Les pays attribués à l’empire d’Autriche.

La petite partie de la métropole ruthène de Kiev (Galicie avec les évèchés de Léopol et de Peremysl) qui avait été annexée par l’empire autrichien (1772), était plus heureuse. Conformément au système joséphistc, elle