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RUTHÈNE (ÉGLISE). APERÇU HISTORIQUE


à Constantinople. Finalement, l’union de Brest a rattache définitivement à Rome cette fraction, dont le centre d’équilibre est à chercher surtout en Galicie. C’est à elle que s’applique plus spécialement le vocable d’Église ruthène, devenu synonyme d’Église russeunie. C’est de cette Église unie qui a conservé son droit canonique byzantin et sa liturgie byzantine (en slavon) qu’il est avant tout question ici.

Après les partages de la Pologne de la fin du xviir 3 siècle, elle avait conservé une vitalité suffisante dans la partie qui était attribuée à l’Autriche-Hongrie. Plus difficilement s’était-elle maintenue dans la Pologne du Congrès. passée sous la domination russe ; quant aux ramifications importantes qu’elle envoyait dans la Russie proprement dite, elles n’avaient pas tardé à disparaître.

La Grande Cuerre, en amenant la résurrection de la Pologne et le dépècement de l’ancienne Autriche-Hongrie a mis l’Église ukrainienne dans une situation nouvelle. La grande partie de ses ressortissants se trouvent être membres de l’État polonais, et, par la force même des choses, l’Église ruthène, qu’elle le veuille ou non, est surtout une confession « polonaise », dont le statut est réglé par les diverses conventions étudiées à l’art. Pologne, t. xii, col. 2104 sq. Cette situation de fait n’empêche pas l’Église ukrainienne de regarder, pardessus la frontière russo-polonaise, dans la direction de l’Ukraine demeurée russe, et qui n’a pu, comme elle l’avait un instant espéré, se soustraire à la domination soviétique.

De toutes façons, malgré son loyalisme parfait à l’endroit de Rome, l’Église ruthène ne perd pas de vue les autres Ukrainiens qui, pour des raisons où la politique a joué le grand rôle, ne sont pas rattachés au centre de l’unité catholique. Ce n’est pas seulement conscience de liens ethniques et nationaux, c’est souvenir d’un passé religieux commun, qui ne fut pas sans gloire. C’est pourquoi l’on trouvera ici, à diverses reprises, mention de l’Église ruthène « orthodoxe », entendant par là l’Église ruthène qui ne reconnaît pas l’autorité suprême de Rome.

Après ce qui vient d’être dit, il est facile de comprendre que nombre des questions traitées ici ont déjà été touchées ou même étudiées plus à fond dans l’art. Russie. C’est vrai pour la période des origines ; c’est vrai aussi pour les XVIIe et xvni c siècles et spécialement en ce qui concerne l’école de Kiev. Le lecteur est renvoyé d’office à ces développements. Pour ce qui est des données administratives et statistiques, on se référera à l’art. Pologne.

1. Histoire sommaire. II. État actuel (col. 392). III. Littérature ecclésiastique (col. 395).

I. Histoire sommaire de l’Église ruthène. 1° Les origines.

Les premières mentions de l’État

ruthène de Kiev sont contemporaines de celles qui concernent l’activité des missionnaires du patriarche de Constantinople Ignace envoyés en Ruthénie et qui réussirent à baptiser deux princes-souverains de Kiev, sc dld et Dyr vers 870. A partir de ce moment, l’expansion <i christianisme en Ruthénie ne cesse de croître, surtout le long du grand chemin qui unit, par le Dnieper et la Yolkhov, la mer Noire à la mer Bal tique. Ce chemin a été nommé le chemin de la Scandinavie » ; c’est celui qui amène les Yarègues en ( irèce e1 à Constantinople. La foi chrétienne fut alors professée non seulement par les commerçants grecs et par les sol dats varègues, mais aussi, du moins en partie, par la population slave.

Sous le règne du prince— souverain Igor (91 1-945), les chrétiens étaient déjà nombreux en Ruthénie et, dans un traité avec l’Empire byzantin (911). parmi les membres de la délégation ruthène, les chrétiens sont mentionnés les premiers. Dès ce temps il y avait à

Kiev une église de Saint-Élie pour « la Ruthénie chrétienne d, La femme fin prince Igor, Olga, devenue après sa mort régente de Ruthénie (915-957), se ht baptiser ; clic entretint des rapports diplomatiques avec le basileus Constantin VII Porphyrogénète, puis avec l’empereur d’Allemagne Othon I er le Grand. Néanmoins la mission de l’évêque Adalbert, envoyé en Ruthénie par Othon I e’en 901-962 ne réussit pas, car la princesse Olga dut à ce moment céder le pouvoir à son fils Svjatoslav I’r le Conquérant (957-972), qui ne voulait pas abandonner la religion de ses aïeux. Le fils aîné et successeur de Svjatoslav I er, Jaropolk I er (972979) était sur le point d’accepter le christianisme, mais entre temps il fut expulsé par son frère cadet, Vladimir I er, qui jusqu’alors était prince de Novgorodla-Grande.

Après la victoire de Vladimir I er le Grand (980-1015), il y eut une courte période de réaction païenne. Mais, souverain intelligent, Vladimir se rendit compte que ce n’était pas dans le paganisme que son immense État pouvait trouver une base solide de morale et de civilisation. Ce fut ! a cause principale qui l’inclina à introduire le christianisme en ses États ; d’autre part, il voulait s’apparenter avec la dynastie de Ryzance, ce qui n’était pas possible pour un prince païen. En 988, il aurait été baptisé en Chersonèse Taurique (Crimée) par des prêtres grecs, après quoi le christianisme fut introduit en Ruthénie comme religion officielle.

Du fait que Vladimir était apparenté avec la dynastie impériale byzantine, on pourrait croire que la foi chrétienne a été introduite en Ruthénie directement de la (irèce byzantine : mais l’historien ukrainien Etienne Tomasivskyj († 1930) le nie. Il affirme notamment que la première hiérarchie ecclésiastique, archevêque, évêques et clergé, est arrivée en Ruthénie du patriarcat bulgare d’Okhrida. En efïet, le clergé grec de la suite d’Anna, fille de l’empereur byzantin et femme de Vladimir, ignorait la langue slave, ce qui le rendait peu capable d’activité missionnaire. L’Église ruthène, de même que le patriarcat d’Okhrida, est ainsi devenue le terrain que se sont disputé les influences byzantine et romaine ; elle eut même parfois des tendances à l’émancipation ou, comme l’on dit, à l’autocéphalie. Sous le règne de Jaroslav le Sage (1019-1054), par exemple, un prêtre ruthène, Hilarion, devint métropolite (en 1051) malgré l’opposition du patriarche de Constantinople. Cette tension entre les Ruthènes et Constantinople explique le fait que l’Église ruthène entretint des relations avec le Saint-Siège jusqu’à la fin du xie siècle, alors que les rapports entre Ryzance et Rome étaient rompus depuis le temps de Michel Cérulaire, patriarche de Constantinople, qui avait consommé, en 1051, la séparation de l’Église grecque et de l’Église romaine.

C’est seulement au début du xii c siècle que la métropole ruthène de Kiev reconnut de nouveau l’autorité du patriarcat de Constantinople (1104), à cause des liens de parenté entre les Rurikides de Kiev et les empereurs de Byzance. Mais la Ruthénie n’abandonnait pas ses tendances à l’autocéphalie. En 1147, le concile des évêques ruthènes. rompant le lien de subordination qui les rattachait au patriarche de —Constantinople, confia la dignité de métropolite à un moine ruthène. Clément Smolatyc (1147-1155). La bénédiction lui fut donnée avec les reliques du pape saint Clément. Mais Kiev étant tombé, après la mort du grand prince souverain Iziaslav 11(1 154), sous le pouvoir de Georges, prince de Souzdal, le berceau du futur État moscovite, on vit revenir en Ruthénie les métropolites grecs dépendant du patriarche de Cons tantinople.

2° L’époque mongole. Lutte d’influence entre te Nord et le Sud. Pendant les invasions des Mongols, qui