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    1. RUSSIE##


RUSSIE. LA SUPPRESSION DU PATRIARCAT

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lisons pas trop de ces changements de religion, si fréquents à cette époque, parmi ces étudiants. Siméon devint alors moine et prit le nom de Stéphane. Il vécut aux Cryptes : il se distingua vile comme prédicateur et devint professeur de philosophie et de théologie. Il s’intéressait surtout à la controverse et écrivit alors contre les protestants un Tractatus theologiæ controversée, Iradilus in collegio Kijowo Mohilœano a Revcrendissimo Paire Siephano Javorskij, encore inédit. Il donnait à ses élèves l’enseignement très traditionnel et catholicisant qu’il avait appris chez les jésuites. Il fut alors envoyé à Moscou pour diverses missions, encore qu’il ne semble pas y avoir causé beaucoup d’impression.

Il se trouvait de nouveau dans la capitale en février 1700. On y faisait les funérailles du général Chein et Javorskij fut chargé de l’oraison funèbre. Il eut parmi ses auditeurs le tsar lui-même qui, on le sait, était très sensible à l’éloquence. Pierre, comparant le lettré malo-russe dont il venait d’entendre l’éloquent discours avec ses pauvres hiérarques moscovites, fut enthousiasmé et il commanda au patriarche Adrien de nommer l’orateur à quelque évêché grand-russien, aussi près que possible de Moscou. Stéphane fut désigné pour Riazan. Adrien mourut le 15 octobre de la même année et, peu après, le métropolite de Riazan tout en gardant son titre fut nommé, comme nous l’avons dit, gardien du siège patriarcal.

La même année ou dès le début de l’année suivante, l’académie de Moscou qui languissait depuis le départ des Likhudi fut placée sous sa protection. Il s’empressa de faire venir de Kiev un certain nombre de professeurs et l’académie donna bientôt un enseignement occidentalisant, en tout semblable à celui de la fameuse école de Kiev. Le premier recteur de l’académie ainsi transformée fut Palladius Rogovskij qui avait d’abord été nommé préfet après la mort du patriarche Adrien. Disciple des Likhudi, Rogovskij avait complété ses études chez les jésuites de Vilna, puis était allé à Olomouc, à Vienne, à Venise et à Rome. Il se fit alors catholique ; il rentra dans le giron de l’Église orthodoxe en 1699 et, l’année suivante, il était préposé à l’académie. Le plus éminent de ses successeurs était sans contredit Théophylacte Lopatinskij, né et éduqué à Lvov. Théophylacte fut d’abord préfet (1706-1708), puis recteur de l’académie (1708-1722) et enfin archevêque de Tver. II fut l’adversaire le plus résolu des doctrines nouvelles lancées en Russie par Théophane Procopoviè. Beaucoup de professeurs vinrent aussi de Kiev. Il paraît même qu’on fit venir un certain nombre d’élèves. L’aristocratie moscovite envoyait ses enfants au collège des jésuites ; les fils de prêtres, sur lesquels on comptait pour fournir un auditoire aux professeurs, s’enfuyaient de l’école et Pierre le Grand était trop occupé à d’autres affaires pour les tenir en place. Javorskij, pour ne pas faire parler les professeurs dans des salles vides, recruta un certain nombre d’élèves à Kiev. L’influence kiévienne sur toute la pensée russe devait s’imposer encore pour de longues années ; durant toute la première moitié du xvine siècle, l’immense majorité des recteurs, préfets et professeurs de l’académie de Moscou était d’origine kiévienne. C’est assez dire quelles influences formèrent la pensée russe de cette époque.

Pour l’histoire de l’académie de Moscou, il faut encore avoir recours à S.-K. Smirnov, Histoire de V académie slavogréco-latine de Moscou (Istorija…), dans Pribavlenija I ; izd. tvor. sv. Otsev, 1852-1854 ; éditée aussi > part ; K.-V. KharlampoviC, L’influence malo-russe (supra, col. 306), p. 2, 644-668 ; M. (likoKkij, Grigorij Sklbinskij, dans Pravoslavnoe Obozrênie, L862, n. 11, 1863, n. 2 ; Just Juel, lin rejsc lit Rusland under Tsar Peter, Copenhague, 1893, une traduction russe de cet écrit a paru dnm Russkij Arkhlv, 1802. Sur Palladius Rogovskij voir t. Nikolskij, Émigrés russes îles écoles étrangères au AT// 1’siècle (Vgkhodtsy…), dans Pravosl. Obozrênie, 1863, n. 2 ; Lettres et rapports des jésuites sur la Russie à la (in du XVII" et au début du XVIII’siècle, Pétersbourg, 1901 (l’is’ma i donesenija…).

On trouve les mêmes tendances parmi les candidatures à l’épiscopat. Javorskij, il est vrai, fit aussi nommer quelques Grands-Russiens, mais il est manifeste que lui (ou plutôt Pierre le Grand) favorisèrent de beaucoup les Malo-Russes (Petits-Russiens) : le23 marsl701, Dimitri Tuptalo fut consacré métropolite de Tobolsk. mais il renonça à cette éparchie pour cause de santé et fut transféré à Rostov. On lui substitua Philothée Leszezynski, un autre Kiévien. En 1704, Justin Vasilicviè fut consacré pour Helgorod. En 1705, il y avait déjà six évoques malo-russes en Grande-Russie ; de 1700 à 1721 leur nombre monta à quinze. De 1700 jusqu’à l’avènement de Catherine II (1763), les Malo-Russes comptèrent soixante-dix évêques en Grande-Russie. La plupart d’entre eux étaient de tendance conservatrice et par conséquent, pour ce qui est de la théologie, catholicisant s.

K. KharlampoviC, oj>. cit., c. vu : Évêques malo-russes ; l’élément malo-russe dans l’administration éparchinle, p. 505-550 ; voir encore S.-G. Runkeviê, Les évêques de l’époque de Pierre et leur correspondance avec Pierre le Grand ( Arkhierei…), I’étersbourg, 1906 (voir aussi Strannik, 1904, n. 2) ; N.-Th. Kaptcrcv, Le patriarche de Jérusalem Dosilhée et ses rapports avec le gouvernement russe (Ierusalimskij…), dans Ctenija, 1891, n. 2, le patriarche de Jérusalem était très opposé à ces évêques malo-russes précisément à cause de leurs tendances catholicisantes.

Parmi les plus fameux de ces évêques, nommons seulement Javorskij et Dimitri Tuptalo. Javorskij est surtout connu comme orateur ; mais après sa mort parut son ouvrage La pierre de la foi (Kamen vênj) qui devait être d’importance capitale pour le développement de la pensée théologique en Russie. La pierre de la foi est un traité de polémique antiprotestante ; il y est question des saintes images ; de la croix ; des reliques ; de la sainte eucharistie ; du culte des saints ; des âmes saintes ; de la bienfaisance envers les défunts : des traditions ; de la sainte liturgie (c’est-à-dire du saint sacrifice) ; du jeûne ; des bonnes œuvres. Il y a enfin un épilogue sur le châtiment à infliger aux hérétiques. Javorskij était partisan de la manière forte.

Javorskij doit beaucoup aux théologiens catholiques, en particulier à Rellarmin. On trouvera dans l’ouvrage de I. Morev (p. 188 sq.) des tableaux synoptiques montrant les emprunts faits par le métropolite de Riazan au saint docteur de l’Église catholique. Parfois, la pensée seulement a été empruntée, parfois des phrases entières ont été incorporées dans la Pierre de la foi. La méthode de Javorskij est occidentale. Il donne d’abord en les développant longuement les arguments de la sainfe Écriture, ensuite les citations des Pères et des conciles, enfin, la raison théologique. La pensée est ordinairement précise ; les distinctions abondent. Toute la manière rappelle vivement les théologiens scolastiqucs occidentaux.

Le Kamen Vêrg, écrit en 1713, ne vit le jour qu’en 1729 (Moscou) ; une 2’éd. parut l’année suivante à Kiev. Quand Anne Joannovna vint au pouvoir, l’influence protestante de son gouvernement arrêta la vente du Kamen. On en saisit 455 exemplaires a l’imprimerie, 12 exemplaires à la bibliothèque synodale et quelques autres chez les marchands de Moscou. Cette captivité dura jusqu’à l’avéncment d’Elisabeth Petrovna. nés lors les éditions se multiplièrent : Moscou, 1710 ; I’étersbourg, 1839 ; Moscou, 1811, 1813, etc.

IMi. Ternovskij, Le métropolite S. Javorskij, dans Trudg, 1864, ! i. 1 ; II. Koeh, Die russische Orthodoxie im Petrinischen Zeitalter, Brestau, 1020 (compare les doctrines de Javorskij et Procopovif ; bonne exposition de la doctrine de ce dernier) ; Makarij, l.a lettre de Stéphane Javorskij… au sujet île l’enseignement du moine 1 héophane Proeopovic