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    1. RUSSIE##


RUSSIE. LE SCHISME DES STAROVIÈRES

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Awacum en prit quelques passages seulement et, avec ces éléments, composa un violent écrit contre Théodore et répandit dans toute la Russie la nouvelle que le malheureux diacre était tombé dans l’hérésie, et qu’il étau", par conséquent, excommunié. Théodore chercha à se défendie. Il est franchement difficile de se faire une idée exacte de ces controverses, car Awacum ne se sentait pas à l’aise dans la terminologie théologique. Théodore est autrement précis et exact.

Sur l’eucharistie. —

Awacum et Lazare soutenaient que la transsubstantiation s’opère au début de la proscomédie ; Théodore développa au contraire la thèse catholique que la transsubstantiation s’opère lors des paroles de l’institution. À l’objection tirée des prostrations faites lors de la Grande entrée, Théodore répond : « Pendant la Grande entrée, on doit s’incliner, non pas devant la parcelle de pain, et devant le vin et l’eau, mais devant le Christ, Agneau vivant, invisiblement porté par les anges. » Il réprouve les nikoniens qui refusaient de se prosterner alors « à cause de leur orgueil diabolique ».

Sur la Sainte Trinité. —

C’était la controverse principale. Souvent, Awacum se sert de termes inadmissibles. La Trinité, dit-il, c’est « trois tsars indéfectibles, trinité de divinité égale, assise sur trois trônes, trois images, une nature, natures égales, trois natures, trois natures éternelles, trois hypostascs, trois rayonnements ». Monuments, col. 586. Comment discuter avec un homme qui se contredit si allègrement.

Ce qu’il dit des trois trônes semble bien être inspiré par une conception matérialiste de la Trinité. Pourtant, on ne sait jamais avec Awacum. Il ajoute plus loin : « Comme le Père est Père par sa personne, ainsi le Fils, ainsi le Saint-Esprit ; la Divinité n’est pas chose charnelle : je parle comme je le fais parce que j’ai une langue humaine ». Jbid., col. 589. Ailleurs pourtant il affirme : « Les trois personnes sont en toutes choses égales entre elles comme Pierre, Paul et Jean le Théologien ; ils sont trois, l’un à côté de l’autre, unis entre eux par l’amour de Dieu. » Col. 617. Plus loin, il précise davantage sa pensée qui devient intolérable : i Comme Pierre et Jean et Paul, trois hommes, n’ont qu’une nature humaine, ainsi Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint-Esprit ; les trois ont une nature et essence divines. » Ce serait donc une unité spécifique, non une unité numérique ! Awacum, d’autre part, accusait Théodore de confondre les personnes, dans un seul mélange. Un peu plus tard, col. 631, il donne ses définitions d’essence, connature, nature, et substance. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il manque de clarté.

La christologie. —

a) L’incarnation. —

Awacum décrit comme suit la pensée de Théodore : « Il parle ainsi de la conception du Christ : le Christ entra dans la Vierge pai - l’oreille ; nous, au contraire, nous croyons ainsi au sujet de la conception du Verbe de Dieu suivant l’Écriture. Le prophète Gédéon (sic !) vit à l’Orient une perte fermée ; personne ne passait à travers cette porte sauf Dieu qui la scella en sortant. » Subbotin, Matériaux, t. vi, p. 349. Théodore n’est certainement pas responsable d’une sottise pareille. Peut-être avait-il dit que la sainte Vierge conçut à la suite de la parole de l’ange ; Awacum avait d’ailleurs l’habitude de mal comprendre ou de mal interpréter son adversaire qui, de son côté, résuma ainsi sa doctrine : « Un de la Trinité, le Fils de Dieu, descendit lui-même du ciel sur la terre dans sa propre nature Ineffable et. dans toute son immensité, il habita dans le sein de la très sainte Vierge Mère, prenant la nature humaine : et de la Vierge naquit le Christ, Dieu parfait et homme parfait ; à ce moment-là et toujours, il restait ru ciel, inséparable du Père. » Matériaux, t. VI, p.’. » 7. Awacum, au contraire, semble bien s’être exprimé comme le lui reprochait Théodore : « Le Fils, dit-il, sans se séparer du Père par sa nature, descendit du ciel par la vertu de sa qràce tout entier dans la Vierge pure ; il descendit par la grâce ; par sa nature, il était tout entier en haut, inséparable du Père. » Monuments, col. 618-619.

b) La descente aux enfers. —

Théodore se t ient à la doctrine catholique : après la mort du Christ, l’âme unie à la divinité descendit aux enfers et le corps, uni à la divinité, fut mis au tombeau. Awacum accusa donc Théodore de couper la divinité en quatre et d’en mettre partie au tombeau, partie en enfer, « partie au paradis avec le larron, et partie sui le trône avec le Père >. Ibid., col. 618. Évidemment, Awacum tenait à conserver les trois personnes sur les trois trônes 1 Pour lui, après la mort du Christ, l’âme s’en alla au Père, car on ne peut admettre que « l’âme sans le corps ait été en enfer ». Le samedi soir, la chair et l’âme réunies descendirent en enfer, en rompirent les portes et, le dimanche matin, le Christ sortit de l’enfer et en délivra les âmes des justes. Pour donner une idée du langage d’Awacum, voici la conclusion de cet écrit théologique : « Mais Théodore le Radoteur et tous ceux qui pensent avec lui, il est maudit, et il le sera, il le sera pour les siècles, le chien, le fils de p…. — -Awacum protopope. » Monuments, col. 649.

Awacum, de même, voulant à tout prix que le Saint-Esprit restât sur son trône au ciel, semble bien avoir cru que le jour de la Pentecôte il ne descendit sur les apôtres que par sa grâce.

L’altitude des starovières vis-à-vis des sacrements nikoniens. — Deux courants sont à distinguer : les uns admettent la validité des sacrements nikoniens. les autres la rejettent. De cette distinction naîtra la grande division de la secte en « sans prêtres » (bezpopovlsij ) et « avec prêtres » ( popovtsij). On sait qu’aucun évêque (sauf Pau] de Kolomna qui disparut bientôt ) ne suivit les raskolniks dans leur opposition aux réformes nikoniennes. le seul recrutement possible était parmi les transfuges du camp adverse qu’ils attiraient comme ils pouvaient. Ce n’est qu’au xixe siècle qu’une hiérarchie starovière stable put enfin se constituer à Relokrinitsa en Bukovine.

Le baptême nikonien rencontra vite des adversaires. Le diacre Théodore que nous connaissons déjà fut le premier à le rejeter : « On ne peut recevoir le baptême d’un hérétique ou d’un apostat de la vraie foi, parce que l’Esprit-Saint n’agit pas par des mains et des langues hérétiques ; le baptême hérétique n’est pas un baptême, mais une souillure. » Subbotin, Matériaux, t. vi, p. 202. Il explique ailleurs que les prêtres ordonnés par Nikon après la peste ou après le concile de 1666 ne peuvent administrer un baptême valide, « parce qu’ils font partie de l’armée de l’Antéchrist » ; aussi les prêtres nikoniens, ordonnés d’après le nouveau rituel, doivent-ils être rebaptisés quand ils viennent à la « vraie foi ». En même temps que le baptême, le sacerdoce disparaît. Il n’y a plus de fidèles sauf les quelques-uns qui se cachent « dans les déserts et les montagnes ». Il ne reste donc plus qu’à attendre la fin du monde. Théodore peut être considéré comme le >. sans prêtre » le plus résolu des origines.

Awacum fut plus large. Au début, sans doute, il avait approuvé la lettre de Théodore. Il avait écrit lui-même « aux malheureux de Moscou » : « On ne reçoit pas le baptême d’un prêtre ordonné d’après l’ancien rituel niais baptisant d’après le nouveau, ou celui d’un nouveau prêl re baptisant d’après l’ancien rituel ». Subbotin, Matériaux, t. v, p. 221 : Monuments, col. 825826. Sa doctrine évolua suivant les cas ; ainsi, il écrivait au prêtre Etienne que les enfants baptisés par les nikoniens ne devaient pas être rebaptisés, mais qu’on devait simplement suppléer les prières omises ; si pourtant on avait omis l’abjuration durant la première