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RUSSIE. LE CONCILE ANTILATIN DE 1620

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métropolite, ou à l’évêque suivant le cas ; alors le Blanc-Russien pourra recevoir la communion. Ceci, ajoute le patriarche. n’est pas une législation nouvelle, ce n’est que la confirmation de la législation antique des sainis apôtres et « les saints l’ères. Cette discipline devait durer jusqu’au concile de 1<>(>7. Alors on introduisit en Russie la pratique grecque de recevoir les latins sans les soumettre à un nouveau baptême.

Il sera utile (le parcourir l’acte d’abjuration imposé aux latins quand ils passaient à l’orthodoxie russe pour se l’aire une Idée des préjugé ; moscovites à l’égard de l’Occident. Cette formule existait déjà à l’état de manuscrit au XVIe siècle, mais Philarète en a étendu l’emploi en la faisant imprimer dans son Potrebnik. Désormais, elle fit partie du rite du baptême de « ceux qui venaient de l’hérésie ». On s’en servit tout au cours du xviie siècle. Le candidat à l’orthodoxie devait, la lire ou, s’il ne savait pas lire, il devait la répéter mot à mot après le prêtre, ou encore, s’il ne savait pas le russe, après l’interprète. Cette monumentale abjuration comprend quarante-quatre malédictions différentes. On maudit le tsar romain Charles et ses latins qui vinrent à Rome et pervertirent la foi, les prêtres de Chai les qui, au lieu de se soumettre au pape de Home, propagèrent en secret leur hérésie, on maudit Formose, le premier hérétique parmi les papes, et ses successeurs Boniface, Etienne, Romain, Théodore, Jean, Benoît et Léon qui propagèrent l’hérésie en secret. Puis c’est le tour du pape Christophe qui propagea ouvertement l’hérésie et fut maudit pour cela par les patriarches orientaux. On maudit enfin le célèbre « Pierre le Bègue », pape romain, qui propagea beaucoup d’hérésies, permit aux prêtres d’avoir sept femmes sans que les concubines ne commettent de péché, permit aussi d’installer des orgues et des « tympans « dans les églises, de se raser la barbe et la poitrine (lono), de manger et de boire des choses impures. Ce n’est pas la seule fois qu’on parle du fabuleux Pierre le Bègue dans cette abjuration. Il semble incroyable que Philarète, qui avait fréquenté des milieux cultivés en Pologne, qui était lui-même intelligent et érudit pour son époque, ait lancé cette profession de foi qui devait si longtemps faire loi en Russie.

Puis on rejette les autres « hérésies ». Le l’iliaque et les azymes sont évidemment rejetés. On passe alors en revue les coutumes latines, vraies ou fausses, locales ou universelles, importantes ou secondaires et elles sont toujours précédées du terrible : « Je maudis. » Ainsi quand les latins disent la messe, un seul prêtre communie ; les autres, au lieu de communier se donnent un baiser. On reproche aussi aux latins de célébrer plusieurs messes successives sur un autel ; parfois aussi le même prêtre (est-ce une allusion à la coutume de célébrer trois messes le jour de Noël) célèbrent plusieurs messes sur divers autels. Ils célèbrent la messe en chemise, avec des boucles d’oreilles, foulard autour du cou, couronne sur la tête et anneau au doigt. Parfois les prêtres sortent quelque part sans avoir fini la liturgie, puis ils reviennent et finissent l’office sans avoir ôté et remis leurs ornements. Il est d’autres pratiques plus réalistes encore qu’on nous dispensera de répéter.

L’orthodoxie moscovite, sous Philarète. devin ! très ombrageuse vis-à-vis de tout ce qui venait d’au delà des frontières ; ainsi les livres liturgiques : qui sortaient des imprimeries pravoslaves de Pologne ou du grandduché de Lithuanie n’étaient pas acceptes, du moins en théorie, dans le territoire soumis à sa Juridiction. En 1627 on trouva beaucoup d’hérésies dans le Commentaire sur l’Évangile de Cyrille Tranquillion.

Les discussions sur le catéchisme de Laurent Zizanij nous renseignent sur l’orthodoxie moscovite à l’époque de Philarète. Laurent était le frère du fameux Stéphane connu par divers ouvrages et surtout pour l’agitation qu’il ciéa à Yilna contre l’union religieuse de Brest-Litovsk. Laurent était lui aussi un des plus éminents parmi les orthodoxes. Il fit une comte visite à Moscou en 1626-1627 ; il apportait un catéchisme qu’il voulait faire imprimer. Cet ouvrage était divisé en trois parties : la foi, où Laurent commentait le Symbole des apôtres en suivant d’assez près le catéchisme romain ; l’espérance, où ilétudiail le Pakr ; enfin la charité, où il développait les préceptes du Décalogue. Le catéchisme fut examiné par une commission patriarcale, abondamment censuré, puis imprimé ; le tout était fini le 29 janvier IG27. Le mois suivant, il y eut trois conférences entre Zizanij et quelques savants moscovites sur les corrections introduites par Philarète. Laurent reconnaissait à peine son ouvrage. Il ne devait pas rester longtemps à Moscou ; l’année suivante (août 1628), il prit une part importante au concile orthodoxe de Kiev qui condamna, dans des circonstances brutales, VApologia de Mélèce Smotrycki,

Malgré ces corrections, le catéchisme de Laurent ne fut pas répandu en Moscovie. Presque tous les exemplaires de l’édition de 1627 ont disparu. Philarète doit en avoir arrêté la circulation. Plusieurs copies de ce catéchisme existent à l’état manuscrit. Une édition en fut faite plus tard à Grodno.

On refusa aussi une ambassade du roi de France Louis XIII. afin de ne pas autoriser l’érection d’une église catholique à Moscou.

Occupés à faire d’abondantes éditions de livres liturgiques (l’imprimerie de Moscou allait alors grand train), les lettrés moscovites s’occupaient peu de théologie et de polémique. Pourtant, quand le prince Valdemar de Danemark, à l’occasion de ses fiançailles avec une Mikhailovna. vint y causer théologie, on sentit le besoin d’arguments plus précis, sinon savants. Le protopope de l’église de l’Archange, Michel Bogov, composa alors un livre nommé Kniqa Kiritovskaja (le livre de Cyrille) qui devait dans la suite acquérir une grande célébi ité pour des raisons inattendues. C’est qu’au lieu de servir d’arsenal contre les diverses hérésies, suivant l’intention de son compilateur, cet ouvrage devait devenir, aux mains des « vieux croyants », l’arme principale confie l’orthodoxie officielle.

Après les préfaces, Rogov dresse le canon des livres reçus par l’Église orthodoxe. C’est le canon ordinaire, sauf qu’en plus des livres d’Esdras et de Néhémie, il y a un IIe et un IIIe livre d’Esdras. Il y a encore le IIIe livre des Machabécs. L’orthodoxie ne rejetait pas encore les livres « deutérocanoniques ». Parmi les l’ères de l’Église dont les noms s’alignent après le canon des Écritures, nous noterons trois Basiles (Parijskij. d’Amasia et Basile le Grand), le « pape romain » saint Hippolyte, Jean, l’exarque de Bulgarie, Grégoire Tsamblak (qu’on anathématisait pourtant le dimanche de l’orthodoxie), Cyrille le Slovène. On y trouve encore » Siméon qui reçut Dieu » (e.-à-d. le saint vieillard du Xune Dimitlis), Maxime le Grec, Daniel (le métropolite de Moscou), Nil (Sorskij ?) et plusieurs recueils comme la (’.lutine d’or, etc. On y trouve aussi les fameuses Menées du métropolite de Moscou. Macaire. Après les l’ères. ce sont les apocryphes, complétés par les ouvrages de magie et d’astrologie, d’histoire naturelle et de superstitions. Vient ensuite le Livre de Cyrille proprement dit. C’est une traduction en russe du commentaire de la XVe catéchèse de sain ! Cyrille de Jérusalem, publié par Etienne Zizanij à Vilna en 1596. Ce commentaire tend à prouver que la fin du monde est proche et que l’Antéchrist n’est autre que le pape. Après le Livre de Cyrille, nous avons un recueil d’écrits de beaucoup de saints l’ères… contre les blasphémateurs latins et autres hérétiques, quarante-huit chapitres, inspiré d’un ouvrage composé lui aussi en