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    1. RUSSIE##


RUSSIE. LE PATRIARCAT MOSCOVITE

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Il niait aussi la présence réelle de Notre-Seigneur dans le Très Saint-Sacrement ; la profession monastique était rejetée comme tradition humaine ; aussi bien que la pratique de se purifier après avoir eu contact avec les femmes. Ailleurs il disait : « Il ne convient pas de lire des Actes des martyrs, car cela scandalise les gens : il est écrit dans les Actes que les martyrs réprouvaient les persécuteurs, mais cela n’est pas bien : ainsi de même il ne convient pas de lire les vies des Pères… on y lit des miracles et des prophéties, alors que le Christ dit que la prophétie a cessé avec Jean, et pour cette raison les prophéties faites après le Précurseur ne viennent pas de Dieu ; ainsi de même après les apôtres il n’y a plus de miracles. » Théodose accu sait encore le clergé de pharisaïsme et d’hypocrisie et lui reprochait « d’avoir violemment persécuté ceux qui possédaient la vérité.

Ce sont là les points principaux auxquels l’auteur de la Langue épîlre répond. Ses arguments sont à peu près les mêmes que ceux du moine Zénobe et c’est la raison principale pour laquelle on a attribué à ce dernier la Longue éptlre.

La « Démonstration de la vérité » (Istiny pokazanie), de Zénobe Otenskij. L’ouvrage est assez mal ordonné : il est divisé en dix parties fort inégales qui correspondent aux dix visites que les clercs (klyrosanie : deux moines du monastère du Sauveur à Staronus et un laïque) tirent à Zénobe pour l’interviewer sur l’hérésie de Kosoj. La première visite fournit a Zénobe de la matière pour 1X7 pages (p. 11-198) ; la seconde est beaucoup plus brève (p. 199-215). Ces visites elles-mêmes sont partagées en cinquante-six chapitres dont les dix derniers n’ont rien à voir ni avec Kosoj ni avec les klyrosanie. L’énorme « visite huitième (p. 525-868) et le commencement de la suivante sont un commentaire du sermon de saint Basile sur la foi, que Golubinskij trouve excellent. Zénobe se répète beaucoup ; il est diffus, souvent difficile à lire : ses titres ne donnent aucune idée du contenu : « Dans la plus grande partie de son ouvrage, a remarqué Golubinskij, il se répète beaucoup trop, il parle comme s’il faisait la leçon à de petits enfants, tellement qu’il en devient ennuyeux et même, on peut le dire, insupportablement ennuyeux. » Hist. de l’Église russe, t. lia, ]). 230. Ce sont la les mauvais côtés ; mais, nous l’avons dit, Zénobe est théologien ; il n’est pas un næetëik comme l’higoumène de Volokolamsk ; aussi les historiens de la littérature russe aiment à dire que la Istiny pokazanie est supérieure au ProsvSlilel.

Zinovij, inok Otenskij, Démonstration île la vérité (Istiny Pokazanie), Kazan, 1863 ; N. Nikolævskij lit paraître une longue étude dans le Dukhovnyj Vistnik, 1865, p. 19-54, à l’occasion de cette publication ; Th. Kalugin, Les travaux homiléliques du moine Zénobe Otenskij (Gomiletiàeskie…), datis’/uni. Min. Nar. l’r., 189 : s, n. 2,."> ; du même, Zénobe, le moine Otenskij, ses œuvres île théologie polémique et ses discours (Zinovij inok Otenskij…), Pétersbourg, 1894 ; V. lîots.janovskij a lait paraître une recension plutôt sévère de cet ouvrage dans Zurn. Min. Sur. l’r., 1894, 11.

A.-N. Popov, " Lu longue épttre île Zénobe Otenskij (Poslanie mnogoslovnoe…), dans Ctenija, 1880, n. 2 ; S.-G Yilinski.j, La question île l’auteur île l.a longue éptlre t ( Vopros oh avtore… <, dans hv. oui., 1905, n. 2.

Pour être complet. nous devrions dire quelques mots de l’activité littéraire d’Ivan le Terrible lui-même. Ses deux lettres à Kurbskij et son épttre aux moines de Belozero n’ont pas seulement un intérêt historique et psychologique ; elles nous montrent, sous un aspect quelque peu bizarre, il est vrai, la physionomie l’eli gieiisr de cet homme cxl raord inaire. Il se piquait aussi de théologie. Nous avons parlé ailleurs de ses enntro verses avec le P. Possevino. Voir ici, t. XII, col. 2649. Il se disputa aussi avec les protestants.

I.-N. Zdanov, Les œuvres du tsar Ivan Vasilevic (Soôinenija. ..), t. i, Pétersbourg, 1904 ; N.-K. Nikolsktj, Quand fut écrite l’épttre de réprimande au monastère de Saint-Cyrille BéloSerskij’.' (Kogda bylo…) dans Klir. C.ten., janv. 1907.

L’influence religieuse de A. Kurbskij, connu par son duel littéraire avec Ivan le Terrible, s’est exercée surtout parmi les Ruthènes. Ses œuvres ont été éditées dans Ituss. Ist. Ilibl., I. xxi, 191 I. Voir aussi I. lu. Bartosevic, Le />rince Kurbskij en Volhynie (Kniaz Kurbskij…), Ist. Vêst., septembre 1881 ; P.-V. VilkhoSevskij, Les rédactions de ta première lettre d’Ivan Groznyj à A. -M. Kurbskij, dans Lêt. zan., I. xxxiii, 1926 (K voprosu…) ; A. Jasinskij, Les œuvres du prime Kurbskij comme matériel historique I Sorinrniju … I, dans Izvestia de l’université de Kiev, octobre, novembre 1899 ; P.-V. Vladimirov, Données nouvelles pour l’étude de l’activité littéraire tlu prince Kurbskij (Novyja dannyja.., ), I. ii, .Moscou, 1897 (Travaux du IM 1, congrès archéologique tenu à Vilna en 1893).

Nous ne parlerons pas du premier essai d’imprimerie ; voir M.-P. Pogodin, Ivan Fedorov, premier imprimeur moscovite, dans Zurn. Min. Xar. l’r., avril, juin 1870.

XII. L’institution du patriarcat moscovite.

La troisième Rome possédait déjà son empereur, mais à côté de lui, pour diriger l’Église, il n’y avait encore qu’un simple métropolite. Vis-à-vis des autres Églises orthodoxes, elle se trouvait dans une situation par trop humiliante.

Le 17 juin 1580, Moscou accueillit le patriarche d’Antioche Joachim. Souvent, surtout depuis deux siècles environ, les prélats orthodoxes étaient venus quêter dans la riche et accueillante Moscovie, en laissant, en échange des dons qu’ils recevaient, des bénédictions, des indulgences et des reliques plus ou moins authentiques. Mais jamais encore on n’avait vu de patriarche a Moscou, .loachim avait besoin de 8 000 zolotykh. Il fut reçu avec respect, mais non pas sans précautions. Il eut son audience chez le tsar Théodore Ivanovic" le 25 juin, et aussitôt après fut reçu à la cathédrale par le métropolite Denys, qui s’empressa de bénir le premier le vieux patriarche, au mécontentement de celui-ci qui voyait dans cette démarche un manque d’égards flagrant. C’est que le riche métropolite de la troisième Rome se considérait comme hiérarchiquement supérieur au besogneux patriarche d’Antioche. Denys, d’ailleurs, n’agit pas en l’occurrence par une initiative personnelle. Tous les détails d’étiquette axaient été longuement et savamment prévus au Kremlin à cette époque.

Après ces démarches officielles, Boris Godunov. beau-frère du tsar Théodore Ivanovic et tout puissant régent de Moscovie, vint proposer à l’illustre visiteur d’instituer le patriarcat moscovite. Joachim s’y refusa, en alléguant que le concile de l’Église entière devait intervenir dans une affaire de celle importance. On le combla de dons et on le laissa partir en le priant de traiter l’affaire à Constantinople. On envoya aussi un courrier, Michel Ogarkov, porter d’abondantes aumônes aux divers patriarches. Bientôt, une véritable procession de dignitaires grecs, serbes et bulgares apparut sur les frontières de l’empire moscovite. On prévoyait la convocation d’un concile et les prélats se rendaient compte que leurs services pouvaient être requis par Moscou dans un prochain avenir.

L’affaire pourtant traînait. A Moscou, le métropolite Denys était chassé et remplacé par une créature de Boris Godunov, .Job, qui axait été récemment promu du siège de Kolomna à l’archevêché de Rostov. A Constant inople. Jérémie 1 1 venait de remonter, pour la troisième fois, sur le trône patriarcal après avoir évincé son compétiteur Théolepte. La lutte avait été ardente et le patriarche se trouvait à court de fonds. Il prit à son tour le chemin de Moscou. Il y arriva le 13 Juillet 1586, accompagné du métropolite de Monembasie, Hiérothée (parfois appelé Dorothée), un sympat ique grognon, qui nous a laissé une description savou-