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    1. RUSSIE##


RUSSIE. L’HERESIE JUDAISANTE

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pour les engager à sévir. Ces documents sont importants car ils nous donnent des renseignements plus concrets et plus dignes de foi sur l’hérésie judaïsante que les diatribes postérieures de Joseph de Yolokolamsk. Voici quelle aurait été la genèse de l’hérésie, surtout d’après ces documents.

Quand Michel Alexandrovic" (Olclkoviê) vint à Novgorod en 1470, il était accompagné par un juif nommé Skharij qui était originaire de Kiev et se distinguait par ses connaissances astrologiques et cabalistiques. Skharij convertit bientôt deux prêtres novgorodiens, Denis et Alexis, qui plurent tellement à Ivan III, quand il vint à Novgorod (1480), qu’il les emmena à Moscou. Denis devint protopope de la cathédrale de l’Assomption et Alexis celui de l’église de l’Archange.

Puis Gennade décrit l’irruption de l’hérésie judaïsante à Novgorod, sa démarche auprès du métropolite que nous connaissons déjà et la futilité de l’enquête menée par Géronle. Quand les judaïsants novgorodiens surent qu’ils pouvaient trouver protection à Moscou, ils s’y enfuirent tous et y commirent d’autres horreurs. Gennade apprenait à Zosime, par exemple, que Denis, dans l’église de l’Archange, au Kremlin de Moscou, aurait dansé sur l’autel… Ils sont donc coupables, coupables aussi ceux qui ont concélébré avec eux, coupable aussi celui qui ne les a pas excommuniés (Géronte !). Gennade invite donc le métropolite Zosime à réunir les évêques, à condamner a l’anathème les hérétiques déjà défunts, puis à maudire « tous ceux qui sont dans l’acte d’accusation, tous ceux qu’ils ont induits à leur manière de voir, tous ceux qui se portent caution d’eux, tous ceux qui intercèdent pour eux, tous ceux qui tomberont dans leur hérésie » et Gennade demande à être chargé de l’exécution du décret. Il écrivait en même temps au concile et donnait toutes les précisions sur le moine Zacharie.

Le samedi 16 octobre 1490, les évêques. après avoir chassé de la cathédrale de l’Assomption le protopope Denis qui voulait célébrer avec eux, se réunirent tous au palais du métropolite. En plus îles évêques présents (il manquait comme toujours l’archevêque de Novgorod), des archimandrites, higoumènes, protopopes et moines qui avaient droit à assister aux sessions, on invita aussi les deux moines célèbres Paise Jaroslavov et Nil Sorskij. On recueillit des dépositions. Rapport est envoyé à Ivan Yasilieviè, qui vient au concile. Enfin les accusés furent condamnés, dégradés et maudits. Voici le texte du décret de condamnation qui précise quels furent les griefs. Il est d’importance capitale pour l’histoire de l’hérésie. « Beaucoup d’entre vous ont profané l’image du Christ et l’image de la Très Pure peintes sur icônes, d’autres ont profané la croix du Christ, d’autres ont blasphémé contre de nombreuses saintes icônes et d’autres ont craché sur des icônes ou les ont brûlées ; d’autres ont déchiré avec les dents des croix faites de bois d’aloès et d’autres ont jeté à terre croix et icônes et jeté des ordures sur elles ; d’autres les ont jetées dans des cuveaux et vous avez fait beaucoup d’autres profanations contre les saintes images peintes sur icônes. Et d’autres ont prononcé des insultes nombreuses contre Notre-Seigneur Jésus-Christ et contre sa Très Pure Mère, d’autres ont refusé d’appeler Notre-Seigneur le Fils de Dieu, d’autres ont dit des paroles insolentes contre les grands évêques thaumaturges et les nombreux saints Pères, et d’autres ont insulté les sept conciles des saints l’éres ; d’autres ont mangé de la viande, du fromage, des œufs et du lait durant tout le carême, et durant le carême, vous avez mangé de la viande et du fromage, des œufs, du lait le mercredi et le vendredi et tous vous avez préféré le samedi au dimanche. D’autres parmi vous nient la Résurrection et la sainte Ascension du Christ. Vous avez fait tout cela selon la coutume juive, contrairement à la loi divine et à la foi chrétienne. »

Le recours de Gennade avait donc été couronné de succès. On ne pendit néanmoins personne. Quelquesuns des coupables, après un châtiment sommaire, furent envoyés en prison dans différents monastères, les autres furent expédiés à Novgorod, où Gennade était autorisé à les punir sans leur infliger pourtant la peine de mort.

Le récit que nous venons de reproduire, pris des actes même du concile, se trouve plus ou moins dans toutes les chroniques. Celle dite de Nikon ajoute que Joseph, higoumène de Volokolamsk, écrivit un ouvrage contre les judaïsants. C’est aussi la seule chronique qui porte une accusation grave contre Zosime. Relevons ce détail dès maintenant, afin d’en tirer plus tard les conclusions nécessaires. Entre temps, Féodor Kuritsyn, un noble qui jouissait de la confiance du souverain, protégeait les hérétiques. On ne reparlera de l’hérésie qu’après sa mort quand, en novembredécembre 1503, on réunira un concile contre les judaïsants. » En cet hiver, rapporte la chronique, le grandprince Ivan Yasilieviè avec son fils le grand-prince Vasilij Ivanoviô et son père le métropolite Siméon, avec les évêques et tout le saint concile enquêtèrent au sujet des hérétiques et commandèrent de les faire mourir. Volk Kuritsyn, Michel Konoplev et Ivan Maximov furent brûlés vifs le 27 décembre ; Nekras Rukavov eut la langue arrachée et fut ensuite brûlé à Novgorod ; ce même hiver on brûla Cassien, archimandrite de Juriev et son frère Ivan le Noir et beaucoup d’autres hérétiques ; d’autres furent envoyés en exil ou dans les monastères. » D’après Joseph de Volokolamsk on arracha la langue à beaucoup d’entre eux avant de les envoyer en exil. Ce fut la fin de cette hérésie.

Zosime fut-il hérétique ?

Entre 1490 et l’autodafé de 1503, de graves événements s’étaient déroulés. Le métropolite Zosime avait dû donner sa démission en 1494. Depuis lors, à peu près tous les historiens russes l’accusent à l’envi d’hérésie et de crimes contre nature. Or, toutes ces accusations, reçues dans l’historiographie officielle de Russie, reposent uniquement sur le témoignage de Joseph de Volokolamsk ; une seule chronique, celle dite de Nikon, rapporte que Zosime fut déposé à cause de sou ivresse et de sa vie indigne ; mais cette chronique, nous l’avons dit plus haut, connaissait le Prosvêlitel de Joseph de Volokolamsk, qui semble être la source unique de toutes les accusations dirigées contre Zosime ; on cite encore une lettre de Joseph de Volokolamsk à Niphon de Suzdal sur l’hérésie du métropolite, et ou date cette lettre de 1 493, car elle semble supposer que Zosime siégeait encore a l’Assomption ; mais il nous paraît invraisemblable qu’on ait pu lancer publiquement de telles accusations en 1493, car il est impossible de supposer que Zosime ait été l’objet d’imputations si graves, surtout de la part d’un homme comme l’higoumène de Volokolamsk, sans que Gennade de Novgorod en ait été averti. Or, quand Zosime fut chassé l’année suivante, Gennade en communiquant son adhésion à l’élection du successeur, ne saura rien d’un tel scandale. Pour lui, Zosime aura simplement déclaré qu’il ne pouvait continuer à siéger sur le trône métropolite et aura donné sa démission en public. Comment, l’année précédente, Joseph aurait-il pu écrire à Niphon que « maintenant se trouve sur le trône (de l’Assomption) le loup impur et mauvais, déguisé en pasteur, évêque suivant l’ordre hiérarchique, mais le traître Judas lui-même d’après

on origine ; qui salit le grand trône pontifical enseignant

le judaïsme aux uns, corrompant les autres par sa sodomie, serpent de perdition », etc. ? Et l’ardent Gennade qui s’était fait le champion de l’orthodoxie dès le début en aurait été paisiblement ignorant ? L’invraisemblance dépasse toute mesure. Il est plus