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RUSSIE. L’AUTOCÉPHALIE MOSCOVITE

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mais la troisième Rome, celle d’aujourd’hui… brille comme le soleil » : puis il invite le tsar à considérer « que tous les empires de la foi chrétienne orthodoxe se sont conjoints dans ton seul empire, tu es le seul tsar sous le ciel o. Ou encore la phrase fameuse que les enfants russes apprenaient dans tous les manuels : « D ux Romes sont tombées, la troisième es1 debout et il n’y aura pas de quatrième. »

Cette doctrine, d’après Philothée, est tirée des livres prophétiques. Voici son commentaire du célèbre passage de l’Apocalypsexii, 1 sq. : « La femme vêtue de soleil, ayant sous ses pieds la lune et sur la tèie une couronne de douze étoiles, c’est l’Église chrétienne, dont Jean dit qu’elle dut s’enfuir devant le dragon dans le désert. Elle quitta la vieille Rome à cause des azymes, car Rome la Grande tomba dans l’hérésie apollinariste ; la femme s’enfuit alors à la Rome nouvelle, la cite de Constantin, mais là aussi elle ne trouva pas la paix, car ils s’unirent aux latins dans le VIIIe concile (le VIIIe concile dans les sources russes est toujours le concile de Florence) ; elle s’enfuit alors à la troisième Rome qui se trouve dans la nouvelle grande Russie ; elle resplendit maintenant, l’Église une et apostolique, plus brillante que le soleil, dans tout l’univers et le pieux tsar seul la dirige et la protège. » Ces idées sur la Russie seule dépositaire de la vérité et de son souverain, le tsar aimé de Dieu, seul protecteur et dirigeant de l’Église sont à la base de la fierté et de l’orgueil que les Russes affichaient vis-à-vis des étrangers au cours du XVIe siècle. Elles connurent une vive popularité ; elles subirent des modifications quand le raskol éclata : elles sont aujourd’hui à la base de certain messianisme russe que plus d’un moderniste orthodoxe affiche.

Sur Philothée de Pskov, voir surtout V. Malinin, Le starels Philothée du monastère de Saint-Êléazar et ses lettres, Kiev, 1901 et les importantes recensions de A. Sobolevskij, dans Zurn. Min. Nar. Pr., déc. 1901 ; de Smirnov, dans Bog. Ve’st., fév. 1902, et de Kazanskij, dans Zurn. Min. Nar. Pr., oct. 1902. Quelques lettres de Philothée avaient été déjà éditées dans Prav. Sob., fév. 1861, janv. 1863.

Voir encore : A. Kadlubovskij, Vie du bienheureux Paphnucc de Borovs écrite par Vassian Sanin, Nezin, 1898 ; A.-A. Sakhmatov, De l’origine du chronographe (en russe : K voprosu o), dans Sbor. Old., t. i.xvi, 1900 ; du même, Pacôme le logothète et le chronographe, dans Zurn. Min. Nar. Pr., janv. 1899 ; du même. Le voyage de M.-G. Misura Munekhin en Orient et le chronographe de 1512 (Puteàestvie. ..), dans Izv. Old., janv. 1899 ; V..Jablonskij, Le Serbe Pacôme et ses travaux hagiographiques, Pétersbourg, 1908. La recension qui devait paraître dans Khr. C’Acn., janv. 1909, p. 114-ia.î, et qui avait été préparée par Nikolskij fut écartée par la censure ; voir une recension dans’Zurn. Min. Nar. Pr., juin 1909, de A. Sobolevskij ou l’auteur est appelé.lavorskij.

Le meilleur ouvrage sur la question de Moscou, troisième Rome, est celui de Hildegard Schæder, Moskau dus dritte nom, Hambourg, 1929.

Tout au cours de ce même siècle il y eut une littérature abondante pour démontrer aux Russes que leur Eglise était l’héritière de Rome et de Constantinople ; mais la personne toujours mise en vedette est celle du souverain ; l’Église reste toujours à l’arrièrc-plan. Rappelons en premier lieu la légende du bonnet de Monomaque et des insignes impériaux envoyés en Russie par Constant in Monomaque ( Mnô I), mais qui n’apparaissent en Russie qu’au xvie siècle. Il y a celle de l’origine romaine des Rui’ikides. Ils descendent d’un certain Prus qui lui frère d’Auguste et l’ancêtre de la fouille impériale de Russie.

Il y a encore d’autres récits plus ecclésiastiques mais pour trouver leur origine, il faut toujours aller, ce semble, à.Novgorod. Il y a l’histoire de l’icône de Notre-Dame de Tikhvin. Elle avait été peinte a Constantinople par ordre du patriarche Germain ; lors de l’hérésie iconoclaste, il l’envoya à Rome où elle resta cent trente ans ; puis elle revint à Constantinople, mais, soixante-dix ans avant la chute de la capitale byzantine, l’image s’enfuit miraculeusement à travers les airs et, après s’être posée en diverses localités du territoire de Novgorod, resta définitivement à Tikhvin. Il serait intéressant d’examiner s’il n’y a pas quelque rapport entre ce récit et l’histoire de Lorctte.

C’est alors aussi qu’on développa l’histoire de la visite et de la prédication de l’apôtre André, à Novgorod, afin de donner une origine apostolique à l’Église de Russie, histoire qu’Ivan le Terrible citera un jour au jésuite Antonio I’ossevino, quand celui-ci cherchera à le persuader de laisser les Grecs pour Rome. Depuis longtemps. Moscou n’avait rien à envier à la cite du Bosphore.

Une des légendes les plus caractéristiques de l’époque traite d’une mitre blanche donnée par Constantin au pape Sylvestre, c’est l’adaptation slave de la célèbre « Donation de Constantin ». L’histoire de la mitre blanche fbélyj klobuk) suit de très près la Donalio jusqu’au baptême de Constantin. Puis, une fois baptisé, l’empereur voulut faire des dons au pape, en particulier, il tenait à lui olïrir une couronne royale. Le pape refusa en alléguant qu’il avai. fait la profession monastique. Constantin, attristi, reconduisit le pape et alla se coucher. Il eut durant la nuit une vision des saints Pierre et. Paul qui lui montrèrent une mitre blanche. Constantin fit donc faire la mitre suivant le modèle qu’il avait vu en songe, et la donna au pontife « qui s’en servait seulement pour les fêtes du Seigneur ». Les autres jours, le klobuk blanc restait à l’église sur un plat d’or orné de pierres précieuses. Constantin laissa Rome à Silvestre et partit pour Constantinople comme il est écrit, dans la Donalio. Longtemps après la mort de Sylvestre, les papes et les évêques orthodoxes honorèrent la mitre blanche, mais ils cessèrent de le faire quand le tsar Charles (Charlemagne ) et le pape Formose défaillirent dans l’hérésie apollinarienne et se servirent d’azymes. Dès lors la mitre blanche resta dans l’oubli. Après des péripéties extraordinaires, accompagnées de miracles et de visions, la mitre blanche dut être abandonnée par les Romains et vint à Constantinople, mais le patriarche Philothée, à qui elle arriva, reçut l’ordre de la transmettre a Novgorod ; une vision lui apprit quelamitre blanche avait laissé Rome à cause de l’hérésie apollinarienne, et qu’elle devait laisser Constantinople à cause de l’imminente invasion turque : « Dans la troisième Rome, qui est la Russie, la grâce de l’Esprit-Saiul rayonne ; sache donc, o Philothée (nous citons les paroles de la vision au patriarche de Constantinople), que tous les empires chrétiens arrivent à leur terme et s’unissent entre eux dans le seul empire de Russie (on dirait que ces expressions ont été copiées dans Philothée)… Car la grâce et la gloire et l’honneur ont été enlevés à l’ancienne Rome ; ainsi de même la grâce de l’Esprit-Saint sera ôtée à la ville impériale qui sera conquise par les infidèles et toutes ses choses saintes seront livrées par Dieu à la terre russe au moment opportun : le Seigneur élèvera le tsar russe au-dessus de toutes les nations et beaucoup de tsars d’autres nations seront sous son empire. La dignité patriarcale sera transmise à son tour de cette ville impériale a la terre de Russie pour y être sous sa domination, et le pays s’appellera la sainte Russie. » Sous une forme quelque peu rajeunie, celle doctrine que dans les mêmes termes, est formulée par plus d’un slavophile.

A.-I. KirpiCnikov, Un récit russe sur la vierge de Lorelle (en russe : RttSSkoe skir.anic…), dans Ctenija, niais 1896 ; ce récit devint fréquent dans les manuscrits du xvii » siècle ; il arriva en Russie en 1528 ; I. Zdanov, Récits sur Babglone,