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lî I SSIE. L’A 1 TOCÉPHALIE MOSCOVITE
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institué par Constantinople, comme nous les avons acceptes li-s l’origine » (Pavlov, Monum. de l’une droit canon, russe, dans litiss. /st. liibl., t. VI, n. 52, col. 454). Photius mourut en 1431 et Basile l’Aveugle, grand-prince de Moscou, dépêcha à Constantinople l’évêque de Riazan, Jonas, pour le faire consacrer métropolite de Moscou et de toute la Russie. A Constantinople, on avail décidé <le ne nommer que des partisans de l’union avec Rome. Le grec Isidore fut donc consacré et.louas revint avec un vague espoir de lui succéder en cas d’accident : telle est. du moins, la version moscovite de l’affaire. À peine arrivé à Moscou, où il fut d’ailleurs bien reçu, Isidore parla de se mettre en route pour le concile de Florence. La chronique rapporte que Basile hésita longtemps avant de donner son consentement. Isidore partit cependant ; il était accompagné d’une suite brillante parmi laquelle se trouvaient l’évêque de Suzdal, Avraamij, dont le nom se retrouve au bas de l’acte d’union de Florence, et un pope, Siméon de Suzdal qui nous a laissé un joli compte rendu de ses impressions de voyage. Sur la participation d’Isidore au concile de Florence, voir P. Picrling, La Jiussic et le Saint-Siège, t. i, Paris, 189C ; G. Mercati, Scritti d’isidoro il cardinale Ruleno, dans Sludie Testi, fasc. 46, Rome, 1926.
Après que l’union fut conclue et signée à Florence, les pèlerins repartirent pour leur pays. Isidore vint d’abord à Cracovie, puis à Przemysl, où il trouva la cathédrale aux mains des Polonais latins ; de là, il passa à Galiè, dont le siège était vacant depuis 1428, puis à Chelm ; partout il proclama l’union ; ce n’est qu’à Vilna qu’il rencontra des résistances. Kiev se prononça pour lui et il se mit en route pour Moscou. où il arriva le 19 mars 1441. La ville avait pourtant déjà été alertée, ce semble, par Avraamij de Suzdal et d’autres qui avaient précédé Isidore en Moscovie. A peine arrivé, le métropolite se rendit à la cathédrale de l’Assomption où il entonna un service solennel d’action de grâces ; puis il célébra la liturgie au cours de laquelle il commémora le pape ; enfin, la liturgie terminée, il envoya son diacre à l’ambon lire l’acte d’union signé à Florence le 5 juillet 1439. C’est la seule fois qu’un métropolite de Moscou commémora le Saint-Père solennellement dans la capitale du monde orthodoxe slave. Les boiars se taisaient, dit la chronique, de même tous les évoques russes, silencieux, somnolaient et dormaient. L’union, semblc-t-il, allait être acceptée. Basile, le prince défenseur de l’orthodoxie, veillait : trois jours il garda le silence lui aussi ; puis il fit mettre le métropolite en prison, le qualifia d’hérétique et de loup ravisseur couvert d’une peau de brebis et décréta la réunion d’un concile pour le condamner. » Alors, rapporte la chronique de Nikon, tous les évêques russes s’éveillèrent : les princes, les boiars, les nobles et la multitude des chic tiens orthodoxes se rappelèrent alors et comprirent l’ancienne religion grecque ; ils citèrent les paroles des Pères <t qualifièrent d’hérétique Isidore. » Peu après le malheureux métropolite s’enfuit du couvent des Miracles (Cudov) où il avait été emprisonné, prit la route de Tver et de Vilna, mais partout rejeté, il liait par revenir à Rome. L’union avait dé rejetée a MOS-COU. Ce rejet, dû exclusivement au prince Basile, in t une portée historique incalculable.
Il devait dominer l’idéologie de Moscou pour longtemps. Il ouvre une période nouvelle dans l’histoire religieuse de la Russie. Pour Moscou, l’orthodoxie byzantine a failli ; l’empereur de Constantinople ci son patriarche oui manqué a leur mission historique. Après la première Rome, l’ancienne, celle des césars et des papes, c’est la seconde. Constantinople, qui vient de s’écrouler. I.a ruine de 1453, interprétée en Occident comme un châtiment divin infligé aux Grecs pour avoir rejeté l’union de Florence, sera pour les Moscovites un châtiment infligé aux Grecs pour leur apostasie. Il ne reste donc qlie la troisième Rome : Moscou. Ces idées se font déjà jour dans les écrits du pèlerin de Florence, Siméon de Suzdal. C’était l’impression qui devaii rester : Moscou devenait le centre de l’orthodoxie dissidente, mais la figure, principale de la troisième Rome était maintenant le grand-prince, plus tard le tsar, enfin l’empereur, en tous cas, toujours un laïque.
Moscou était alors en pleine anarchie. Le prince Rasile y perdit la vue et y gagna son surnom d’Aveugle ; ses compétiteurs les princes Scmjako y Pissèrent la vie. Pendant longtemps on fit traîner les affaires d’Église, quoique l’évêque de Riazan, en vertu de son ancienne candidature et de la faveur dont il jouissait auprès du prince Rasile, semble avoir été considéré comme le chef hiérarchique de l’Église russe. Basile enfin eut raison de ses adversaires et la paix revint ; on décida de se passer de Constantinople ; un concile fut réuni ( I 148) et Jonas fut élu. Le consentement de Constantinople ne semble même pas avoir été demandé, car les ambassades que Moscou aurait envoyées sur le Bosphore à ce sujet semblent avoir été inventées après coup. On aimerait avoir quelques détails sur la procédure de l’élection et de la consécration. Une soixante d’années plus tard, Joseph de Volokolamsk, en rupture avec son archevêque, citera pour se justifier l’exemple de l’higoumène saint Paphnuce de Borovsk, un des saints les plus vénérés d’ancienne Russie, qui « ne voulut pas appeler Jonas… métropolite » ; néanmoins l’autorité de Basile était irrésistible et Jonas fut bientôt universellement reconnu.
1° Documents officiels. — La correspondance (authentique ? ) entre Moscou et Byzance au sujet de l’élection du métropolite.louas a été publiée dans Pavlov et Benesevic, Monum. de l’une, ilroit canon, russe, dans Russ. Ist. Iiibl., t. vi, n. 62 et 71.
2° Documents littéraires. — Avraam de Suzdal ( ?), Voyage d’Avraam de Suzdal au VI IIe concile avec le métropolite Isidore ( Iskhoidenie…), dans Drevnaja RossijskajaVivIioteka de Novikov, t. xvii, p. 178-19."> ; ce document se trouve aussi dans Popov, Revue hist.-liltér. des ouvrages polémiques contre les latins en ancienne Russie (Ohzor…), Moscou, 1895, p. 400 sq. ; Siméon de Suzdal, Voyage du métropolite Isidore au VIIIe eoneile en 6045, dans Drevnaja Koss. Vivl., t. vi, p. 27-71 ; Récit tin moiue prêtre Siméon de Suzdal : comment le pape romain Eugène convoqua le VIIIe concile d’accord avec ceux qui pensaient comme lui (InoUa Simeona…), dans Popov, (ibzor…, p. 344 s(|. ; du même Siméon, Recueil choisi des saints Pères contre les latins, et comment on célébra le VIII’concile, comment le trompeur Isi<lorc fut renversé el comment on étulilit des métropolites en Russie ; la première partie est la même chose que le travail précédent ; la deuxième partie raconte la consécration de.lonas et de son successeur Théodose avec la participation du prince Basile, dans Popo. op. cit., p. 360 sq. ; on clerc d’Ostrog, Hist. du concile Listrikskij, c’est-à-dire du brigandage de Ferrure ou île Florence, écrite brièvement mois de façon véridique. (Khrik Ostrozski) istorija o Listrijskom stboré..), publu ; dans Apocrisis, Ostrog, 1598, réimprimée dans Russ. Ist. Ilibl., I. XIX, sous le litre de Histoire du concile de brigands à Florence. Voir : nissi les chroniques russes, surtout Sofijskaja ei Voskresenskaja ; Nikonovskaja donne quelques détails complémentaires.
3° Travaux. li. BuCinskij, Traces des ouvres littéraires au sujet du concile de Florence…, dans l’Hist. du concile de Florence de tS98 (en ukrainien : Slidi vi -likorus’kikh…), (Lias Zapiski tov. im. Sevlenka, fasc. 115, 1913, p. 23 sq. ; Th.-I. Delektorskij, Examen des récits sur l’union de Florence (en russe : Obzor skazanii…), dans Y.urn. Min. Nar. l’r.. Juillet 1895 ; du même, L’union de Florence (en russe : Florentijskaja unija), dans Strannik, 1893 ; ces articles de Delektorskij doivent être encore aujourd’hui consultés ; P.-P. Sokolov, Isidore fut-il légat ù Moscou (en lusse : ligl /il, dans Ctenija obsc. Xestora letopistsa, 1908,