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    1. RUSSIE##


RUSSIE. L’HÉRÉSIE DES STRIGOLNIKI

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à l’évêque de Saraj dont nous avons parlé plus haut (col. 234), on pourrait en ajouter d’autres.

I.-D. Mansuetov, I.r métropolite Cgprietl ri son activité liturgique, Moscou, 1882 ; ce travail parut aussi à la même époque dans la revue de l’académie ecclésiastique de Moscou, Pribavlenija 1 ; izdaniu tttorcnii si>. Otsov ; deux importantes recensions de E.-V. Barsov, dans Clenija, mars 1882, et de I. Pomjalovskij, dans Éurn. Min. Xur.."r., mai ISSU. L’euchologe de Cyprien est décrit dans le Catalogue des manuscrit* de In bibliothèque synodale de Gorskij et Nevostrncti, part. III, Livres liturgiques, i, n. 344. Sur l’évolution de la proscomédie à cette époque voir les deux notes de Belokurov dans GolubinskiJ, op. cit., t. n b, p. 12(3-127.

Dès le milieu du XIVe siècle, c’est-à-dire dès l’arrivée de Cyprien comme apocrisiaire, on commence à noter en Russie un renouveau d’influence bulgare. Nous avons parlé ailleurs des rapports entre l’ancienne Russie et la Bulgarie. Après la conquête de la Bulgarie par Basile le Bulgaroctone, les relations entre les deux pays s’étaient d’abord amoindries, puis avaient presque totalement cessé. Les traductions russes et les œuvres russes des xie -xme siècles, hormis quelques rares exceptions, restèrent inconnues en Bulgarie ; de même le peu qui parut dans les Balkans au cours des xiie -xme siècles ne passa pas dans le Nord. Mais, vers la fin du xiiie siècle, alors qu’en Russie, par suite de l’invasion mongole et des discordes entre les princes, les ténèbres s’amoncelaient, dans le Sud au contraire on assistait à une véritable renaissance ; on se mettait à reviser les anciennes traductions de l’Écriture sainte et des Pères, on en faisait de nouvelles, non pas seulement de livres religieux, mais de presque toute la littérature grecque ; le vocabulaire s’enrichissait, parfois un peu maladroitement ; quelques écrivains de valeur, Euthyme de Trnovo en particulier, écrivaient des livres originaux. Parmi les traductions, qui parurent les unes après les autres, citons les œuvres ascétiques de saint Basile, d’Isaac le Syrien, de D trothée, de Grégoire le Sinaïte, de Siméon le Nouveau Théologien ; les ouvrages de polémique antilatine de Grégoire Palamas, de Nil Cabasilas, de Nicétas Stéthatos, du patriarche Germain, etc. Ces traités, traduits par les moines bulgares, soit dans leur propre pays, soit encore et surtout à Constantinople et à l’Athos trouvèrent vite le chemin de la Russie. C’est là un fait de toute importance dans l’histoire de la pensée religieuse en Russie, car

— M. A. Sobolevskij l’a remarqué — les traductions ont occupé une place plus importante en ancienne Russie que les travaux originaux. L’immense multitude d’apocryphes cpii pullula en Russie à cette époque n’eut-elle pas elle aussi une origine bulgare ? En tous cas, le métropolite Cyprien composa une liste d’apocryphes prohibés et l’on se demande si l’hérésie des slrigolniki dont l’origine est si mystérieuse ne doit pas être mise eu rapports avec les sectes bulgares dont les adhérents, sous le nom de « bougres » avaient déjà envahi l’Occident.

VII. L’hérésie des Strigolniki.

Le premier renseignement que nous ayons sur elle date de 1375. En cette année, les hérétiques Nikita le Diacre, Karp (probablement diacre lui aussi) et un troisième, dont le nom est resié dans l’oubli, furent précipités dans la Volkhov du haut d’un pont. C’était la manière traditionnelle de châtier les hérétiques à Novgorod. Nous apprenons un peu plus de détails sur leur hérésie par des lettres qui furent écrites contre eux par le patriarche Nil de Constanl inople (vers Kî.S’J), le métro poli le Photius de Russie (141 6 et 1427) et surtout par la lettre de l’évêque Etienne « Peremyskij dans laquelle on est à peu près unanime à reconnaître le célèbre missionnaire des /viians, saint Etienne de Perin, l’Illuminateur du nord de la Russie. Dî tous les traités antistrlgolnikiens, le sien est certainement le meilleur.

Slrigolnik, paraît-il, veut dire barbier ; c’était la profession des fondateurs de la secte ; leur nom passa à leurs adhérents. Ils n’étaient pas strictement des hérétiques : ils protestaient plutôt contre la conduite de leur clergé. La simonie, en fait, semble avoir pris alors des proportions inquiétantes : on ne pouvait se faire ordonner diacre ou prêtre, tonsurer moine, encore moins aspirer à quelque higouménat sans payer comptant de fortes sommes. Les protestations contre la simonie sont trop fréquentes dans la littérature de l’époque et dans les conciles subséquents pour que l’on puisse mettre en doute l’exactitude des plaintes des « barbiers ». Le clergé, surtout les hiérarques, réunissait d’immenses biens fonciers et les monastères, au moins les principaux d’entre eux, étaient en passe de devenir d’énormes exploitations agricoles. Cyprien le métropolite avait bien cherché à réagir contre cette tendance trop répandue, mais ses efforts allaient trop à rencontre de la voie plus facile pour être couronnés de succès. Ceci n’allait évidemment pas sans exciter de graves mécontentements, surtout à Novgorod où la vêc>. (assemblée populaire) avait habitué les citoyens à avoir des idées nettes et à les défendre énergiquement. Les uns parlaient même de passer aux « latins » ce qui « attrista profondément » le patriarche Nil de Constanl inople ; les autres, avec un radicalisme encore plus outré, nièrent la légitimité de la consécration des patriarches, des métropolites (il est vrai que lors des troubles ecclésiastiques de tout ce xive siècle, on avait levé des sommes folles dans toute la Russie pour appuyer à Constantinople les divers candidats au siège métropolitain), des évêques et des prêtres ; en un mot, ils niaient toute la hiérarchie. Ce n’est pas sans raison que ce mouvement éclatait à Novgorod et à Pskov. Nous avons déjà fait allusion aux habitudes d’indépendance acquises à la vêci ; Pskov dépendait ecclésiastiquement de Novgorod dont l’archevêque regardait Pskov comme une excellente prébende. Novgorod, d’autre part, on l’avait bien vu lors des difficultés qui éclatèrent pendant la visite du métropolite Cyprien à Novgorod, fournissait à Moscou le plus clair de ses revenus. Pskov, à plusieurs reprises, avait cherché à obtenir son propre évêque et Novgorod s’était non seulement mise en relations directes avec le patriarche de Constantinople et parlait à l’occasion de passer aux latins, mais elle était allée jusqu’à se révolter ouvertement contre l’autorité judiciaire du métropolite de Moscou afin de ne pas avoir à lui payer les droits importants de justice. Si le métropolite de Moscou et les évêques (surtout l’archevêque de Novgorod) étaient les gros percepteurs, la même rapacité se révélait à tous les échelons de la hiérarchie. Il y avait là un grave abus contre lequel on réclamait depuis longtemps, mais personne n’y trouvait un remède efficace.

Les strigolniki savaient lire ; ils citaient volontiers l’Evangile pour réprouver la conduite de leurs supérieurs hiérarchiques. N’ayant plus de clergé, ils ne pouvaient plus croire que les sacrements fussent nécessaires : plus de communion, plus de confession, sauf peut-être un rite bizarre de confession faite à la terre ; plus d’extrême-onction, plus d’enterrements religieux. Ils sont les précurseurs des futurs bezpopovtsg. Ajoutons que leur conduite morale était reconnue comme excellente, si bien que leurs adversaires les plus acharnés ne pouvaient que les accuser d’hypocrisie ; et l’on comprendra facilement que leur hérésie se soit rapidement propagi

Car l’exécution de Karp et de ses compagnons ne mit pas fin aux mécontentements et par conséquent à l’hérésie ; au contraire, elle semble n’en avoir marqué que le début. Sept ans après (1383), le patriarche de Constant inople envoyait à Pskov et à Novgorod