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    1. RUSSIE##


RUSSIE. ÉPOQUE PRÉMONGOLIENNE

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Mais déjà les écrits antilatins se font de plus en plus nombreux. Après l’invasion des Mongols, ils vont entrer jusque dans les recueils juridiques de l’Église russe. Les quelques Kormcija de l’époque prémongolienne (ms. de la bibliothèque synodale du xiie siècle, ms. du musée Rumjantzev du xiiie que l’on croit être une copie du Nomoranon de saint Méthode) ne contiennent pas de traités antilatins. L’EIremovskaja Kormcaja contient des traités contre les bogomiles et les autres hérétiques, une profession de foi pour les convertis du judaïsme, de l’islam, « de ceux qui ont été baptisés dans l’hérésie », mais rien au sujet, des latins, sauf la lettre du métropolite Jean à l’antipape Clément III et les réponses de Niphon.

C’est des Balkans que vinrent les Kormcaja antilatins. Le premier qui parut en Russie, fut, ce semble, celui qui fut envoyé par le despote Jacques Svatoslav de Bulgarie au métropolite Cyrille en 1262. Il disparut, mais nous avons quatre autres Kormcaja de cette même fin de siècle : l’un de rédaction serbe (serbskago pis’ma) de 12C2, celui de Rjazan de 1284, celui de Novgorod de 1280 et celui de Volhynie de 1286. Ici nous avons déjà toutes les productions classiques : lettre de Cérulaire à Pierre d’Antioche, lettre de Léon d’Ochrida, AiccXeÇiç de Nicétas Stéthatos, Ilepl tô>v Œpàyywv, etc. Dès lors, la Russie devient de plus en plus antilatine. V.-I. Sreznevskij, Examen des anciens manuscrits russes de la Korméjja, dans Sbor. Old., t. lxv, 1899, n. 2.


III. Polémique antijuive jusqu’à l’invasion des Mongols.

On sait que l’influence juive se lit sentir fortement en ancienne Russie jusqu’au règne de Vladimir Monomaquc (c’est-à-dire jusqu’au pogrom de Kiev de 1113). Sans nous arrêter ici aux hypothèses de Firkovic et de Daniel Chwolson sur l’existence de larges colonies karamites en Crimée et sur les documents vrais ou faux, découverts (ou fabriqués ) en 1839 par le même Firkovié, rappelons qu’avant l’avènement d’Oleg, une grande partie de la Russie méridionale, Kiev en particulier, se trouvait sous la domination khazare. Or, les Khazars étaient juifs : c’était le seul peuple qui ait été converti au judaïsme depuis la prise de Jérusalem. Aussi l’influence juive se fit-elle fortement sentir partout où leui empire s’étendait. Un savant juif converti à l’orthodoxie, G. Baratz, a fait paraître une série de brillantes études sur les rapprochements littéraires à faire entre certains ouvrages de l’ancienne Russie et tel passage du Talmud. Nous sommes loin de partager toutes ses hypothèses, en particulier quand il affirme que la chronique primitive de Russie (Nestor, ou son prédécesseur ) et la Vie de saint Vladimir sont des documents littéraires basés presque uniquement sur des sources juives, mais il semble avoir démontré que plusieurs ouvrages, notamment la parabole de l’aveugle et du boiteux (ou dans sa forme plus abrégée, la parabole du corps et de l’âme) attribuée à saint Cyrille de Turov est prise directement du Talmud. On peut en dire autant du Discours à un certain caloyer sur la lecture des livres, et d’autres ouvrages encore.

G.-M. Baratz, Parallèles biblico-agadiques avec la narralion de la chronique sur saint Vladimir (en russe : Biblejskongadiéeskija Paralleli…), Kiev, 1908 ; du même. Les compositeurs du « Récit des années écoulées » et ses sources surtotit juives (en russe : O sostaviteljakh…), Berlin, 1921, cet ouvrage tut très critiqué pur B. Salomon dans Jinzanlinisclie Zeitschrifl, t. xxvi, 1926, p. 418 ; cf. A. Bruckner, dans Archiv f. slav. Philologie, t. XL, 1926, p. 141-148 ; G.-M. Baratz, Questions cyrillo-méthodiennes, dans Trudy, août 1891, p. 606-680.

Aussi ne nous étonnons pas de remarquer une forte influence juive à Kiev. Dans la Vie de saint Théodose des Cryptes, il est rapporté que celui-ci avait l’habitude de sortir en secret de sa cellule et du monastère, le soir, pour aller chez les juifs et disputer avec eux sur le Christ ; il les réprimandait et les appelait apostats, car, ajoute son biographe, « il désirait être tué pour la confession du Christ… » Théodose était obligé de se limiter à des désirs, car les juifs d’alors étaient aussi inoffensifs que ceux d’aujourd’hui, mais il est manifeste qu’ils exerçaient alors à Kiev une. influence considérable.

Sous Svjatopolk Izjaslaviô, l’influence juive augmenta encore. « Svjatopolk, rapporte TatiSêîV dans son histoire, était fort avaricieux, aussi il donna aux juifs beaucoup de privilèges au détriment des chrétiens dont beaucoup perdirent leur commerce et leur industrie, » À la mort de Svjatopolk il y eut un pogrom, le premier signalé dans l’histoire de Russie (1113). Les Kiéviens commencèrent par attaquer les liait isans de Svjatopolk, ils dévastèrent la maison d’un certain Putiata Tysetskij, puis se portèrent aux maisons des juifs « car ceux-ci avaient causé beaucoup de torts aux chrétiens dans les marchés ». Les juifs se retirèrent dans leur synagogue, et se défendirent comme ils purent. La noblesse de Kiev envoya un exprès à Vladimir (Monomaque) pour le faire venir et arrêter les désordres. Le prince fut accueilli par la ville comme un sauveur. On lui demanda de proclamer un édit contre les juifs ; il refusa d’abord de le faire, alléguant que les juifs avaient été tolérés par d’autres princes et que c’était leur faire une injustice que de les dépouiller. Il promit cependant de réunir les princes russes pour discuter à ce sujet. Le meeting princier promulgua la loi suivante : < ; On chassera maintenant tous les juifs de toute la Russie avec toute leur propriété et on ne les laissera plus s’y établir, et s’il y en a qui viennent en secret, il sera permis de les tuer et de les piller. » En 1151, on parle encore des portes juives à Kiev, mais c’est la dernière notice.

La polémique antijuive, à l’inverse de la polémique antilatine, n’intéresse pas les prélats grecs, mais elle constitue un des lieux communs de la littérature nationale.

Pour le xe -xi c siècle, voir toujours N. Nikolskij, Matériaux. .. ; Dr Levitskij Jaroslav, Les premiers prédicateurs ukrainiens et leurs œuvres, L’viv, 1930 (en ukrainien : PerSi ukrains’ki…).

Le métropolite Hilarion.

Ce premier métropolite de nationalité russe qui ait siégé à Kiev écrivit, entre 1037 et 1050, sou fameux discours.Sur la loi et la grâce. Ce discours, le monument de la littérature russe du xie siècle le plus universellement connu et apprécié, est divisé en deux parties : la première démontre la supériorité de la foi chrétienne sur la loi juive ; l’auteur, s’inspirant de l’épître aux Romains, développe la comparaison d’Agar et de Sara ; il nous parle ensuite des deux fils de Joseph : Éphraïm et Manassé. Gédéon commanda qu’il y ait rosée sur la toison et il en fut ainsi ; seul le peuple juif reçut la rosée divine ; puis le peuple juif se dessécha et toute la terre fut baignée de rosée. Puis l’orateur décrit le mystère de l’incarnation : une personne en deux natures, les attributs de l’une et de l’autre depuis la naissance du Sauveur jusqu’à la résurrection ; enfin, il traite de la réprobation des juifs du fait qu’ils crucifièrent le Sauveur. La doctrine d’Hilarion sur l’incarnation est parfaitement orthodoxe. Nous connaissons d’ailleurs une profession de foi du même auteur qui est également catholique.

Le Discours sur la loi et la grâce ne dépend pas des écrits byzantins antijuifs dont quelques-uns (Dispute de Gregenlios, évêque de Tarphar avec U juif Herban

— Vie de Jacques le Juif — Sermons de saint Jean Chrysoslome contre les juifs) furent traduits en slave